L’Inde, une puissance d’hier et de demain (Partie 1)
TRIBUNE - L’Inde d’aujourd’hui allie un savoureux mélange de hautes technologies, de traditions et de références religieuses. Dans ce cadre, le pays a établi le 23 août, jour de l’atterrissage du module de la mission Chandrayaan-3 sur la Lune, une journée nationale de l’espace (l’Inde est le premier pays à réussir un atterrissage en douceur sur le pôle sud de la Lune). Le Premier Ministre, Narendra Modi, a également déclaré que le point où l’atterrisseur a touché le sol serait désormais appelé point Shiva Shakti, en hommage aux femmes scientifiques ayant contribué à la réussite de la mission spatiale. Shiva Shakti est un concept important dans l’hindouisme, Shakti, incarnant l’énergie féminine, est souvent représentée comme l’épouse de Shiva, l’un des trois dieux suprêmes de l’hindouisme. Dans la philosophie indienne, Shakti est un symbole de la force cosmique qui imprègne l’univers ainsi que du principe féminin qui donne la vie.
Dans cette lignée, l’Inde, pays le plus peuplé au monde, compte devenir le pays le plus développé vers 2047 quand elle célébrera le centenaire de son indépendance. Selon Narendra Modi, au cours des neuf dernières années, les revenus de la population indienne ont déjà été multipliés par trois.
Mais les alliances parfois antagonistes avec les différents acteurs de la scène mondiale place également l’Inde, dans une inconfortable position d’équilibriste. Même si le pays a renforcé ses partenariats stratégiques avec les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux au cours de ses deux dernières décennies, il maintient des liens étroits avec Moscou et vise à devenir un acteur incontournable du Sud global.
I – Histoire et culture indienne
De la vache mère, dénommée "Gau Mata", qui se décline à travers les célèbres vaches sacrées qui déambulent nonchalamment dans les rues et sur les autoroutes aux horoscopes qui rythment encore les mariages arrangés, en passant par les ablutions et les crémations dans le Gange (qui tire son nom de la déesse Ganga), les coutumes indiennes résistent au temps qui passe. Forte d’une large majorité d’Indiens de religion hindoue, qui repose sur la croyance dans le Brahman, la puissance cosmique (l’âme de l’univers absolue et universelle), l’Inde est une nation. Jalonnant le territoire, les temples dédiés à la trinité hindoue qui s’appuie sur les trois étapes de l’existence, Brahma (création), Vishnou (préservation) et Shiva (destruction), côtoient les divers autres lieux de pèlerinage et notamment celui de Sarnath, haut lieu de pèlerinage bouddhiste.
L’histoire de l’Inde remonte à la civilisation de l’Indus (environ 2500 -1700 avant notre ère) qui compte parmi les premières civilisations urbaines mais c’est surtout à travers le Mahatma Gandhi que l’histoire de l’Inde a été propagée à travers le monde notamment grâce au mouvement pour le droit des peuples et le droit à l’indépendance. C’est en 1947 que le pays devint indépendant suite à la paralysie de l’administration britannique mais le pays fut divisé en deux Etats, l’Inde et le Pakistan sur des bases religieuses (Hindous et Musulmans). En 1971, une partie du Pakistan acquiert, à son tour, son indépendance et devint le Bangladesh.
II - L’Inde et ses voisins
La Chine, le Pakistan et l’Inde sont trois puissances nucléaires qui possèdent suffisamment d’armes pour se détruire mutuellement.
- A - La Chine
Il est important que la Chine et l’Inde aient de bonnes relations dans le cadre du développement d’un monde multipolaire harmonieux. Les déclarations récentes du ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, tendent à placer les relations troublées avec la Chine à l’abri de toute ingérence extérieure, en prenant soin de laisser des voies ouvertes à la normalisation des liens par le biais des canaux bilatéraux. Les problèmes entre ces deux géants asiatiques sont toutefois multiples :
1. L’eau est une source potentielle de conflit. Les plans de Pékin pour un super barrage ont conduit New Delhi à réfléchir à la construction d’un projet concurrent sur le fleuve nommé Brahmapoutre en Inde et Yarlung Zangbo en Chine, l’un des plus grands au monde.
2. Le différend frontalier hérité de l’Empire britannique (problème de la ligne de contrôle actuelle) dans la région indienne contestée de Ladakh (à la frontière du Tibet) pose le problème de la base aérienne indienne dans la région. Dans le cadre d’un accord de défense entre les Etats-Unis et l’Inde, les deux pays peuvent avoir accès aux bases militaires du partenaire et ont le droit de les utiliser en situation de guerre. L’utilisation par les USA de la base aérienne de Ladakh constitue pour la Chine une menace directe. Notons également que la Chine voit la construction d’infrastructures indiennes dans les zones contestées avec le Népal comme affectant la sécurité de la frontière chinoise au Tibet.
3. Le problème de la volonté des USA de mettre la pression sur la Chine est également à considérer à deux titres dont :
- L’impact de la CIA dans la région avec sa volonté affichée de vouloir y jouer un rôle (la CIA a avoué avoir préparé l’insurrection au Tibet avec l’aide du Dalaï-Lama…)
- Les bases militaires indiennes à disposition de l’armée US, comme nous l’avons rappelé ci-dessus.
4. La concurrence dans le commerce international :
Le corridor transport international Nord-Sud (INSTC) auquel participent l’Inde, la Russie et l’Iran (tous les trois membres des BRICS+) est complémentaire du projet chinois Belt Road Initiative (BRI) (Chine elle aussi membre des BRICS+). Cela va dans le sens d’une intégration des BRICS+, de la BRI, de l’INSTC et aussi de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai dont l’Inde, la Russie, la Chine et l’Iran font partie).
Toutefois, le fait que l’Inde et la Chine coopèrent dans le cadre de structures multilatérales telles que les BRCICS+, l’OCS et que l’Inde soit un partenaire clé de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, dirigée par la Chine, prouve que les deux pays sont capables de coopérer à l’échelle mondiale.
- B - Le golfe du Bengale (Bangladesh, Myanmar ou Birmanie)
Les relations entre l’Inde, le Bangladesh et le Myanmar (Birmanie) revêtent un caractère important. Si le leitmotiv des relations indiennes avec le Bangladesh réside dans le développement, le commerce, la connectivité et, bien sûr, dans des valeurs sociales et culturelles profondément enracinées, lorsqu’il s’agit du Myanmar, le point central réside dans les intérêts vitaux de l’Inde en matière de sécurité nationale et de connectivité.
- C - Le Pakistan
Les relations entre le Pakistan et l’Inde sont complexes depuis leur partition et la révocation unilatérale par l’Inde du statut du Cachemire (nous y reviendrons) qui n’aurait pu se faire, selon de nombreux analystes, sans la bénédiction des Etats-Unis en représailles, entre autres, à l’alignement du Pakistan sur la Chine dans le projet OBOR (One Belt, One Road, projet de construction d’infrastructures du Pacifique à la Baltique, nouvelles routes de la Soie, NDLR). L’obsession de l’Inde d’associer le Pakistan au terrorisme semble toutefois ne pas prendre en compte le double jeu des Etats-Unis au Pakistan et affaiblit ses prétentions au leadership du Sud global.
- D – Le Népal
Il est devenu crucial pour les Etats-Unis de conserver leur leadership en Asie, le Népal étant une de leurs cibles avec la Millenium Challenge Corporation (ou MCC, agence bilatérale d’aide étrangère des Etats-Unis) mais qui se heurte à l’opposition du Parti communiste népalais (PCN) au pouvoir.
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