Le président ose… Mais qu’osent les représentants nationaux ?
TRIBUNE - La Constitution de 1958 contient des dispositions dont l’objet était à l’époque de sa rédaction était d’éviter que les jeux politiciens n’empêchent que soient prises des décisions nécessaires à la défense des intérêts de la France. Elles confiaient au président de la République le soin de veiller au bon fonctionnement des institutions, et de prendre soin des intérêts du pays. En s’appuyant si besoin sur le peuple contre les professionnels de la politique, leurs pratiques et leurs liens de dépendance. Le système était conçu pour le général de Gaulle qui avait le sens de l’intérêt de la France et qui était détaché de toute dépendance à l’argent ou à l’étranger. Pour pérenniser le système, et assurer une légitimité aux successeurs de de Gaulle, l’élection du président de la République fut "donnée" au peuple avec l’introduction du suffrage universel.
Le problème fut que les successeurs de de Gaulle eurent d’autres idées en tête. Ils utilisèrent les mécanismes de la constitution pour mettre en place un système de liberté pour les financiers et les affairistes au détriment de l’intérêt général. Et pour transférer la liberté de décider – traditionnellement conférée au peuple ou à ses représentants – à un Etat étranger (les Etats-Unis d’Amérique) et à des organismes sui generis (ceux de "l’Union" européenne). Quant à l’élection du président de la République, elle se fit, au moins lors des derniers scrutins, de manière caricaturale, avec l’interposition entre les candidats et le peuple de forces économiques et médiatiques.
Macron et la raison semblent faire deux
Le 26 février 2024, le président de la République a – dans la logique des conceptions entrant dans les préoccupations des Etats-Unis d’affaiblir la Russie, et dans la ligne de ses pratiques personnelles ayant pour effet (certains critiques disent pour objet) d’attirer l’attention sur sa personne – engagé l’image et la politique de la France. Cette fois-ci en invoquant la possible intervention en Ukraine de soldats français et européens contre les troupes russes. Et en prédisant une attaque russe contre les pays européens.
Ces considérations et prédictions personnelles (1) ont été en général perçues, en dehors du cercle macroniste, comme n’étant pas dictées par la raison. Jugements qui, s’ils étaient d’aventure fondés, amènent à réfléchir sur la question théorique suivante (2).
Dans le cas où certaines décisions d’un président de la République manqueraient de logique, seraient manifestement déraisonnables pour tout le monde sauf pour lui au regard des faits, de l’histoire, de l’intérêt de la France et des Français, se poserait alors la question de l’abandon de ses fonctions par un personnage affecté d’un tel système de pensée et de comportement.
Les textes constitutionnels ne prévoient pas le cas où le poste de chef de l’Etat serait détenu par une personne médicalement affectée. On se rappelle que Deschanel, soupçonné d’être atteint de faiblesses d’ordre psychique, a libéré la place, après sept mois de présidence, lors de l’année 1920. Mais après avoir démissionné. Les présidents Pompidou et Mitterrand, qui ne démissionnèrent pas, ne furent pas écartés en raison de leurs maladies.
Le texte de 1958 (articles 7 et 68) est, de fait, très protecteur pour les présidents "à problèmes".
- Article 7 : en dehors de la mort ou de la démission (que recouvre le terme de « vacance ») , l’ « empêchement » (terme qui peut convenir à la situation née d’un président « perturbé » soit physiquement soit mentalement) est subordonné à une déclaration du Conseil constitutionnel, saisi par le Conseil des ministres. Ce qui serait impensable dans le cas de figure où les ministres seraient (comme cela semble à beaucoup d’observateurs être le cas actuellement) des faire-valoir et des laudateurs du Président.
- Article 68 : la destitution (qui n’est pas prévue pour des raisons de telles perturbations) doit être votée par chaque assemblée et par les parlementaires des deux chambres réunis en Haute cour. A chaque fois aux deux tiers des membres composant ces institutions. Majorités difficiles (ou impossibles dans le contexte actuel) à atteindre (3).
Dupont-Aignan et Marleix, bien seuls.
Dans l’affaire des propos et des annonces bellicistes déroutantes ci-dessus rapportés, il est intéressant de constater que si les leaders des groupes politiques représentés au Parlement ont manifesté leur consternation et leur inquiétude, ces derniers ont limité l’expression de leurs préoccupations à des discours. Deux députés seulement (MM. Dupont-Aignan et Marleix) ont réagi "activement".
Mais, à cet égard, rien n’empêche en réalité d’autres parlementaires de mettre en branle l’une et l’autre des procédures de l’article 7 ou de l’article 68. En osant indiquer le motif pour lequel ils y auraient recours.
La démarche serait certes vouée à l’échec, du moins au regard des mécanismes constitutionnels, comme il a été dit. Mais il serait intéressant de voir quel pourrait être son impact sur les opinions publiques, française et/ou étrangères. Et donc peut-être sur la politique française future.
(1) On rappelle que le choix de traiter la Russie comme un ennemi dans le conflit qui oppose ce pays à l’Ukraine, tout comme le récent accord signé avec le régime de Zelensky engageant les finances de l’Etat (augmentant de quelques milliards l’addition présentée par les institutions européennes en faveur de la même politique… et notre dette publique) ont été des choix personnels. Qui n’étaient manifestement pas dictés par l’intérêt de la France. Et qui n’ont pas été discutés par les représentants de la nation.
(2) Sans compter que le texte constitutionnel permet, techniquement, au même, de décider de voir – un jour qui sait ? – dans tel ou tel fait, les prémices de l’attaque russe prédite ces jours-ci par lui. Et ne le pousse à déclencher préventivement en conséquence, – qui sait ? – le feu atomique sur la Russie. Le tout, sans consulter quiconque, spécialement pas les assemblées parlementaires...
(3) Surtout que se poserait ensuite pour nombre de titulaires de charges, la question de la poursuite de leur carrière, à la suite de nouvelles élections législatives décidées par un président très différent, ayant pour ambition de suivre une autre ligne politique et nourrissant une conception opposée de la pratique de la fonction et de son objet.
Marcel-M. Monin est maître de conférences honoraire des universités.
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