Pénurie de médicaments : une crise qui s’inscrit dans la durée

Auteur(s)
Docteur Gérard Guillaume pour France-Soir
Publié le 30 novembre 2023 - 16:45
Image
Pénurie de médicaments Gérard Guillaume
Crédits
Atari Betamax / Unsplash
A quand la vente de médicaments à l’unité généralisée ?
Atari Betamax / Unsplash

TRIBUNE - Alors que l’hiver approche, "on est à près de 4 000 médicaments [en rupture ou risque de rupture] aujourd’hui", selon le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) Pierre-Olivier Variot, dans une annonce faite sur les antennes de France Info le 26 octobre dernier. 

Aucune amélioration ne se dessine par rapport l’année dernière. Bien au contraire, la situation s’est aggravée avec la crise Covid. Si certaines ruptures sont transitoires et ponctuelles, d’autres s’inscrivent dans la durée et là, cela devient franchement inquiétant.

En 2022, le nombre de signalements de ruptures avérées et de risques de ruptures avait atteint un record : 3 761 déclarations, "réparties entre 1 602 pour les ruptures de stocks et 2 159 pour les risques de rupture".

En 2023, plus de 30 % des Français ont été confrontés à une pénurie de médicaments. Mais l’ANSM n’est toujours pas en mesure de fournir les chiffres.

Nous ne reviendrons pas sur les causes, multiples, que nous évoquions dans notre article en mars 2023. Elles n’ont pas changé. Aucune n’a trouvé de solution

Comme dans d’autres domaines, les pouvoirs publics montrent leur impuissance à régler un problème. C’est ce que signalait le rapport du Sénat le 6 juillet 2023, présenté par Sonia de la Prévôté, présidente de la commission, et Laurence Cohen, son rapporteur : "Il n'y a pas de pilote dans l'avion", s'est-elle, dénonçant la mise en place de politique de régulation des médicaments sans gouvernail. "Le gouvernement déverse 710 millions d'euros d'aides publiques à l'industrie, sans l'obliger à des relocalisations. Ainsi, Sanofi a encore supprimé 135 postes." 

De la première à la cinquième place européenne

La France qui occupait en matière de production pharmaceutique la première place européenne jusqu'en 2008 est passée à la cinquième place actuellement, derrière la Suisse, l'Italie, l'Allemagne, et le Royaume-Uni.

Pour remédier à cette situation catastrophique, la commission d'enquête a formulé 36 propositions. On en attend les effets.

Afin de faire face à la pénurie d’antibiotiques, la HAS (Haute Autorité de santé) demande que les patients fassent en pharmacie ou près de leur médecin un test rapide d'orientation diagnostique (TROD) qui permet de déterminer si leur maladie est d’origine bactérienne et non virale, d’éviter ainsi une prescription inutile qui favorise l’antibiorésistance

Concrètement, avant de se voir délivrer des antibiotiques en pharmacie, les patients devraient d'abord vérifier, grâce à un test, que leur maladie est bien d'origine bactérienne et non virale. Les médecins seraient ainsi amenés à prescrire des antibiotiques en les conditionnant à la réalisation d'un test. Entre des médecins réticents à rédiger des ordonnances conditionnelles et une rémunération faible, la réalisation de TROD angine reste encore marginale en officine. Seulement 1,2 million ont été commandés par les généralistes pour 9 millions d'angines traitées. Et un grand nombre d'officines ne proposaient pas de TROD au printemps 2023.

Une proposition simple : la vente de médicaments à l’unité généralisée

Finis les gaspillages, les boîtes de médicaments qui se périment au fond d’un placard. 

C’est une pratique courante dans de nombreux pays anglo-saxons, Etats-Unis, Canada, Australie ou Nouvelle-Zélande.

Bien sûr, cela demanderait une capacité d’adaptation de la part de l’industrie pharmaceutique : déconditionnement des médicaments, livraison en vrac aux officines où les médicaments seraient conditionnés dans de petits flacons par le pharmacien, étiquetés avec toutes les informations nécessaires aux patients.

Les syndicats de pharmaciens y sont toujours opposés. Même réticences du côté des fabricants de médicaments, qui ont investi dans le conditionnement des médicaments pour se conformer aux obligations administratives. Pourquoi ce qui est applicable de l’autre côté des océans ne l’est pas en France ? Quoi de plus absurde que de se voir remettre une boîte de 20 comprimés quand la prescription du médecin se limite à 7 comprimés ou pire se voir délivrer deux boîtes de 20 quand vous n’avez besoin que de 22 comprimés par exemple. En attendant des mesures de bon sens, les malades sont soumis à cette pénurie catastrophique. Qui aurait imaginé, il y a quelques années, que notre pays, au passé prestigieux, dégringolerait au niveau d’un pays du tiers-monde. Un grand ménage s’impose...

Gérard Guillaume est rhumatologue. Il fut très proche du professeur Luc Montagnier. 

À LIRE AUSSI

Image
médicaments
Pourquoi tant de pénuries de médicaments ?
TRIBUNE/OPINION - Le phénomène n’est pas nouveau, mais il ne cesse de prendre de l’ampleur. Les pénuries de médicaments se sont aggravées en 2022, persistent en 2023, ...
29 mars 2023 - 11:00
Opinions
Image
(FS) Dr Gérard Guillaume
Hommage au Pr Luc Montagnier : "Le peuple n’a pas oublié qu’il a aidé à mettre fin au SIDA" Dr Gérard Guillaume
Les proches du professeur Luc Montagnier, dont le docteur Gérard Guillaume, organisent une soirée en son honneur ce 17 février. Disparu le 8 février 2022, le prix Nobe...
15 février 2023 - 16:11
Vidéos
Image
Dr Gérard Guillaume, Pause (FS)
Une soirée en hommage au Pr Luc Montagnier : "C’était l'un des plus grands scientifiques" Dr Gérard Guillaume
“C’était un explorateur. Le professeur Montagnier n’avait pas peur d’aller à l’encontre de la doxa. Ce sur quoi il alertait, aujourd’hui, on se rend compte qu’il avait...
05 février 2023 - 18:15
Vidéos

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Les dessins d'ARA

26/12 à 14:34
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.