Pénurie de médicaments : une crise qui s’inscrit dans la durée
TRIBUNE - Alors que l’hiver approche, "on est à près de 4 000 médicaments [en rupture ou risque de rupture] aujourd’hui", selon le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) Pierre-Olivier Variot, dans une annonce faite sur les antennes de France Info le 26 octobre dernier.
Aucune amélioration ne se dessine par rapport l’année dernière. Bien au contraire, la situation s’est aggravée avec la crise Covid. Si certaines ruptures sont transitoires et ponctuelles, d’autres s’inscrivent dans la durée et là, cela devient franchement inquiétant.
En 2022, le nombre de signalements de ruptures avérées et de risques de ruptures avait atteint un record : 3 761 déclarations, "réparties entre 1 602 pour les ruptures de stocks et 2 159 pour les risques de rupture".
En 2023, plus de 30 % des Français ont été confrontés à une pénurie de médicaments. Mais l’ANSM n’est toujours pas en mesure de fournir les chiffres.
Nous ne reviendrons pas sur les causes, multiples, que nous évoquions dans notre article en mars 2023. Elles n’ont pas changé. Aucune n’a trouvé de solution
Comme dans d’autres domaines, les pouvoirs publics montrent leur impuissance à régler un problème. C’est ce que signalait le rapport du Sénat le 6 juillet 2023, présenté par Sonia de la Prévôté, présidente de la commission, et Laurence Cohen, son rapporteur : "Il n'y a pas de pilote dans l'avion", s'est-elle, dénonçant la mise en place de politique de régulation des médicaments sans gouvernail. "Le gouvernement déverse 710 millions d'euros d'aides publiques à l'industrie, sans l'obliger à des relocalisations. Ainsi, Sanofi a encore supprimé 135 postes."
De la première à la cinquième place européenne
La France qui occupait en matière de production pharmaceutique la première place européenne jusqu'en 2008 est passée à la cinquième place actuellement, derrière la Suisse, l'Italie, l'Allemagne, et le Royaume-Uni.
Pour remédier à cette situation catastrophique, la commission d'enquête a formulé 36 propositions. On en attend les effets.
Afin de faire face à la pénurie d’antibiotiques, la HAS (Haute Autorité de santé) demande que les patients fassent en pharmacie ou près de leur médecin un test rapide d'orientation diagnostique (TROD) qui permet de déterminer si leur maladie est d’origine bactérienne et non virale, d’éviter ainsi une prescription inutile qui favorise l’antibiorésistance
Concrètement, avant de se voir délivrer des antibiotiques en pharmacie, les patients devraient d'abord vérifier, grâce à un test, que leur maladie est bien d'origine bactérienne et non virale. Les médecins seraient ainsi amenés à prescrire des antibiotiques en les conditionnant à la réalisation d'un test. Entre des médecins réticents à rédiger des ordonnances conditionnelles et une rémunération faible, la réalisation de TROD angine reste encore marginale en officine. Seulement 1,2 million ont été commandés par les généralistes pour 9 millions d'angines traitées. Et un grand nombre d'officines ne proposaient pas de TROD au printemps 2023.
Une proposition simple : la vente de médicaments à l’unité généralisée
Finis les gaspillages, les boîtes de médicaments qui se périment au fond d’un placard.
C’est une pratique courante dans de nombreux pays anglo-saxons, Etats-Unis, Canada, Australie ou Nouvelle-Zélande.
Bien sûr, cela demanderait une capacité d’adaptation de la part de l’industrie pharmaceutique : déconditionnement des médicaments, livraison en vrac aux officines où les médicaments seraient conditionnés dans de petits flacons par le pharmacien, étiquetés avec toutes les informations nécessaires aux patients.
Les syndicats de pharmaciens y sont toujours opposés. Même réticences du côté des fabricants de médicaments, qui ont investi dans le conditionnement des médicaments pour se conformer aux obligations administratives. Pourquoi ce qui est applicable de l’autre côté des océans ne l’est pas en France ? Quoi de plus absurde que de se voir remettre une boîte de 20 comprimés quand la prescription du médecin se limite à 7 comprimés ou pire se voir délivrer deux boîtes de 20 quand vous n’avez besoin que de 22 comprimés par exemple. En attendant des mesures de bon sens, les malades sont soumis à cette pénurie catastrophique. Qui aurait imaginé, il y a quelques années, que notre pays, au passé prestigieux, dégringolerait au niveau d’un pays du tiers-monde. Un grand ménage s’impose...
Gérard Guillaume est rhumatologue. Il fut très proche du professeur Luc Montagnier.
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