Vaccinolâtres et ukrainolâtres, la même technique de désinformation totalitaire

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Pierre-Antoine Pontoizeau, pour FranceSoir
Publié le 12 août 2022 - 19:55
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Ukraino-vaccinolâtres
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"Le « vaccin » comme l’Ukraine sont présentés comme la seule solution, pas d’alternative médicale dans le premier cas, pas d’alternative diplomatique dans le second."
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TRIBUNE - La désinformation a été au centre de la propagande en faveur de la « vaccination » Pfizer. Les faits resteront très têtus, mais le rapport remis à la FDA en date du 17 septembre 2021 démontrait à lui seul que ce produit avait une durée de protection limitée à quelques semaines. À la même époque, la situation en Israël apportait des preuves indubitables que la protection était éphémère. Or, beaucoup ont été manipulés par une désinformation qui a fonctionné selon deux principes très simples : affirmer sans preuve, mais affirmer toujours, et insulter tous les auteurs d’une information concrète exposant des faits contraires à la doxa.

Le scénario de la désinformation : le bon, le méchant et la solution

Il en est de même aujourd’hui concernant le soutien à l’Ukraine. Dans le rôle de la maladie, on y retrouve les méchants Russes qui agressent et dans le rôle du vaccin, on retrouve l’Ukraine bienfaitrice et courageuse qui va se sauver et sauver l’Occident du mal russe, comme on prétendait nous sauver du mal chinois. Tout le monde aura noté que le récit est le même. Le méchant virus ou le méchant russe le sont pour l’éternité et il faut les éradiquer ; mais nous parlons maintenant d’un peuple dont chaque membre est à punir. Le glissement commence à être passablement dangereux. Le « vaccin » comme l’Ukraine sont présentés comme la seule solution, pas d’alternative médicale dans le premier cas, pas d’alternative diplomatique dans le second. Là où les choses sont encore plus étonnantes, c’est l’application du second principe : insulter ou disqualifier les auteurs d’un exposé des faits.

Par exemple, le droit d’inventaire a été interdit. Que Pfizer ait été condamné plus de trente fois en quinze ans pour plusieurs milliards de dollars par des juridictions américaines pour corruption, crimes, tromperies, etc. ou que l’Ukraine actuelle soit un des États les plus corrompus de la planète et dirigé par des oligarques mafieux est oublié ; alors que toutes ces informations sont sourcées, connues et incontestées, partagées par des chercheurs et des juristes dans le monde entier. Surprenante manière de congédier les faits.

Partageons l’examen de l’évolution des lois de l’État ukrainien concernant l’usage des langues sur son territoire. Elle explique tout. Rappelons-nous pour commencer que le nationalisme se caractérise par la contestation des langues locales au profit d’une seule langue commune. L’Allemand moderne en est à lui seul une preuve sous Bismarck. La nation allemande se crée en éliminant les dialectes germaniques au profit d’une seule langue. L’Ukraine contemporaine impose de même une vue nationaliste contre une société où se parle le russe, l’ukrainien, mais aussi le roumain, le hongrois et le tatar.

La loi libérale de 1989 sous Gorbatchev

Elle reprend la tradition léniniste sur les langues. En effet, en 1923, les Soviets favorisent l’ukrainisation par la promotion de la presse, l’édition, l’enseignement supérieur. Des dictionnaires sont publiés, l’orthographe est normalisée par une commission travaillant sur les variantes locales. Staline mettra un terme à cette période et ouvre le temps du génocide linguistique contre l’ukrainien. À partir des années 1980, l’ukrainisation est de nouveau d’actualité. De nombreux dictionnaires bilingues sont publiés et la critique de l’époque de Staline à Brejnev est autorisée pour revenir à la position léniniste. Les autorités favorisent le bilinguisme.

La loi du 28 octobre 1989 n°8312-11 de la République Socialiste Soviétique d’Ukraine est libérale et pragmatique. Elle prolonge la stratégie de Lénine d’un État multiethnique et d’un droit autorisant l’usage des langues locales à l’école et dans les administrations locales. L’ukrainien est la langue officielle de la république et le russe la langue officielle de l’Union, protégeant les nombreux russophones en Ukraine. Même les minorités ont leurs quartiers, leurs écoles, voire leurs théâtres : Juifs, Grecs, Polonais, Hongrois, etc. Quelques exemples suffisent.

L’article 6 précise l’obligation des fonctionnaires de connaître les langues des activités des corps et organismes. Les fonctionnaires de l'État, du Parti, des organismes publics, établissements et organisations doivent maîtriser l'ukrainien et le russe et, si nécessaire, une autre langue nationale, conformément aux exigences prévues dans l'exercice de leur fonction.

L’article 10 décrit l’usage en matière d’actes des autorités de l'État et des organismes administratifs. Il y est affirmé que les documents des plus hautes autorités de l'État et des organismes administratifs de la RSS d'Ukraine doivent être adoptés en ukrainien et publiés en ukrainien et en russe.

L’article 17 insiste bien sur le fait que l'ukrainien ou une autre langue acceptée par les parties est employé dans tous les domaines des services aux citoyens.

L’article 18 concernant les procédures judiciaires précise en 18.2 qu’une langue nationale parlée par la majorité de la population d'un district donné ou qu’une langue acceptée par la population dudit district peut être la langue de la procédure judiciaire.

En 18.3. que toute personne qui ne connaît pas la langue de la procédure a le droit de se familiariser avec les éléments du procès, de participer à la procédure avec l'aide d'interprète et de s'adresser à la cour dans sa langue maternelle.

L’article 27 permet une éducation dans les langues locales indiquant que dans les zones géographiques d'implantation substantielle des minorités nationales, des écoles publiques peuvent être créées, alors que les activités éducatives et pédagogiques peuvent être menées dans leur langue nationale ou en une autre langue et en 27.4 que dans les écoles publiques, des classes séparées peuvent être prévues, alors que les activités éducatives et pédagogiques peuvent être menées en ukrainien ou dans la langue de la population d'une autre nationalité.

À l’échelle d’un village, d’une ville ou d’un oblast, d’autres langues ont droit de cité. Dans la foulée, la Constitution de la république autonome de Crimée pose en 1992 deux langues d’État : l’ukrainien et le tatar (langue héritée de la présence ottomane). De même dans les textes de 1994, les Parlements de Donetsk, Kharjiv, Mykolaïv, Horlivka et Kharcyz’k introduisent le russe comme une autre langue officielle et deuxième langue. Cette loi sera abolie en février 2014 par la Cour constitutionnelle.

Le maintien du libéralisme linguistique sous Ianoukovytch

La promotion de l’ukrainien est soutenue par le président Iouchtchenko (2005–2010) avec des quotas de diffusion dans la loi sur la radiodiffusion et la télévision. Le Parlement ukrainien adopte le 3 juillet 2012 une loi qui permet l’usage d’une langue régionale dans les régions où les minorités ethniques dépassent les 10 % de la population. Dans la foulée, 13 des 27 régions ukrainiennes deviennent bilingues, toutes avec le russe comme langue régionale. Le bilinguisme est admis dans les débats télévisés. Les autres minorités sont déjà oubliées. La loi de 2012 respecte la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Elle est équilibrée. Son article 2 – Objectif de la politique linguistique de l’État entérinant la cohabitation des langues : la politique linguistique de l'État en Ukraine a pour objectif de réglementer les communications publiques dans le développement global et l'emploi de l'ukrainien comme langue officielle, ainsi que les langues régionales ou minoritaires et les autres langues utilisées par la population de l'État, dans la vie économique, politique et sociale, dans les communications interpersonnelles et internationales, dans la protection des droits constitutionnels des citoyens dans ce domaine et en favorisant une attitude respectueuse de la dignité nationale des personnes, de leur langue et de leur culture, et en renforçant l'unité de la société ukrainienne.

La dérive nationaliste liberticide et violente

Mais l’ukrainisation est défendue par les nationalistes qui veulent aller plus loin et promouvoir un État ethnique et linguistique homogène au risque d’exclure toutes les autres minorités. L’argument serait que l’Ukraine en cours de création de son identité nationale a besoin de défendre sa langue nationale.

Les nationalistes vont d’abord abolir la loi de 2012 le 23 février 2014, quelques jours après le début de la révolution commencée le 18 février. Mis à l’ordre du jour par un député de l’Union Panukrainienne Vyacheslav Kyrylenko, un vote sans débat abroge la loi de 2012. La Cour constitutionnelle déclare inconstitutionnelle la vieille loi de 1989. Table rase est faîte de la tradition libérale. Les séparatistes russophones réagiront immédiatement à l’Est. Les faits leur donnent raison. La nouvelle loi du 25 avril 2019 est adoptée par un parlement nationaliste. Elle impose l’ukrainien. Elle pénalise les fonctionnaires de 400 € d’amende en cas de pratique d’une autre langue, elle envisage l’emprisonnement pour introduction ou pratique du multilinguisme.  

L’article 1 affirme que la seule langue officielle en Ukraine est la langue ukrainienne. Le paragraphe 7 crée l’outrage à la langue ukrainienne. Le paragraphe 10 oblige à l’usage de l’ukrainien dans les relations interethniques, contrevenant à la Charte européenne.

L’article 6 contraint les populations et les minorités en posant l’obligation du citoyen ukrainien de parler la langue ukrainienne.

L’article 7 précise que toute personne ayant l'intention d'acquérir la citoyenneté ukrainienne est tenue de certifier le niveau approprié de maîtrise de la langue officielle

L’intrusion dans la vie courante est manifeste dans l’article 20 qui affirme que la langue des relations de travail en Ukraine est la langue officielle. Nul n'est tenu d'employer une autre langue que l'ukrainien au travail et d'exécuter des obligations en vertu d'un contrat de travail, sauf dans le cas du service à la clientèle et autres clients étrangers ou apatrides.

La loi revient à obliger les minorités dont les russophones à abandonner leur langue, sauf dans un usage familial, en apprenant l’ukrainien. Le nationalisme fait fi de la Charte européenne et de la tradition léniniste pragmatique sur ces questions.

Un projet d’essence néo-nazi car ethnique et linguistique

En conclusion, cette loi viole sans contestation possible, les droits de l’homme et la Charte européenne. Le projet nationaliste est donc plus qu’un projet d’unité linguistique ; c’est un projet intentionnellement ethnique parce que le nationalisme ukrainien a posé le principe d’une nation, d’une ethnie et d’une langue en excluant toutes les autres populations « impures ».  Le projet d’une nation ethnique est bien au centre de la loi de 2019 qui exclut les russophones et les minorités hongroises, roumaines ou tatars. Les réactions des minorités russophones, majoritaires dans plusieurs oblasts sont comparables à la réactivité des Wallons et Flamands ou des Québécois. Le mouvement de sécession des séparatistes russophones sur l’ensemble des régions de Lougansk et Donetsk trouve son origine dans cette situation. Le déclencheur : l’abolition de la loi de 2012 le 23 février 2014.

Comment l’Occident peut-il condamner des populations défendant leur droit à pratiquer leur langue maternelle, au seul motif qu’il s’agit du russe ? Si ce n’est à considérer que le russe fait exception. Il sera intéressant de voir comment nous réagirons lorsque des réfugiés demanderont de revenir chez eux dans les oblasts russophones. Validerons-nous la déportation des populations entreprises par le régime de Kiev en interdisant à ces populations de revenir chez elle et d’adopter la nationalité qui s’ensuit ?

Le lecteur aura noté que la désinformation continue. Comme pour les effets indésirables des « vaccins », les effets indésirables des politiques de sanction contre le méchant russe sont éludés. Et comme pour les privations de liberté des politiques sanitaires, il faudra accepter les privations d’autres libertés au nom d’une politique anti-russe. Et le plus grave, nous avons balayé les piliers de nos sociétés libres : la dignité de la personne humaine et le droit imprescriptible de refuser des thérapeutiques. Nous balayons aujourd’hui d’autres piliers, ceux des libertés fondamentales en matière de langues et de cultures. Le plus étonnant, l’ensemble de ces piliers furent piétinés par les nazis et nous recommençons. Nos gouvernants sont très inquiétants.

 

Essayiste, chercheur et fondateur de l'Institut de Recherches de Philosophie Contemporaine, Pierre-Antoine Pontoizeau a notamment publié des ouvrages sur la théorie de la communication, la théorie des organisations, la théorie du langage politique et la philosophie des mathématiques.

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