Du Covid à la guerre en Ukraine, les mêmes techniques de manipulation
TRIBUNE - Plusieurs pratiques de manipulation de masse utilisées lors de la crise sanitaire se reproduisent à l’identique en ce moment même en Occident concernant la guerre en Ukraine. Cet inventaire suffit à montrer que cela ne peut pas être le fruit du hasard.
Le monopole de l’information
La crise sanitaire a vu l’ensemble des médias répéter à l’unisson les mêmes mantras, invitant les mêmes savants, depuis reconnus incompétents dans les domaines où ils s’exprimaient par Fabien Namias, directeur général délégué de LCI dans un élan d’honnêteté intellectuelle sur France Inter, le 9 mai, dans l’émission Instant M : « On a beaucoup donné la parole à des experts, des journalistes ou des éditorialistes qui n’avaient pas plus de compétences médicales que vous et moi ».
Tout le monde l’a observé : aucun pluralisme mais une élimination systématique des opposants, un discrédit et l’opprobre sur les savants réfractaires. L’alignement des grands médias et leur promotion des thèses des gouvernements en sont une preuve éclatante, partout en Occident. Pas d’objection, pas de critique, pas de question. C’est la pratique de l’abus d’autorité inhérente au monopole de l’information. Cette pratique s’inspire de la célèbre expérience de Milgram où le psychologue fait jouer à la science le rôle de cette autorité qui conduit chacun à torturer gratuitement autrui par des impulsions électriques de plus en plus dangereuses. Même si certains résistent, malheureusement, trop nombreux sont ceux qui cèdent à l’abus d’autorité. Ce monopole est essentiel à l’influence.
Pour la guerre en Ukraine, la stratégie a été encore plus radicale. L’UE et les USA. ont décidé d’éliminer des organes de presse, au motif que leurs actionnaires étaient russes. En France, Sputnik news et RT (Russia Television) ont été censurés à la demande de l’UE. Les libertés de pensée et de la presse ont été bafouées sans aucun scrupule. À cet égard, le sociologue américain, spécialiste des médias, Noam Chomsky, précise que les médias réputés pro-russes ont aussi disparu aux États-Unis.
Selon la doctrine de la lutte contre la subversion exercée par l’ennemi sur son opinion en période de conflit, les Occidentaux ont donc imposé une presse aux ordres. Ces sanctions ont bien sûr dissuadé les médias de faire un écart à la Doxa. La preuve en est l’unanimisme des intervenants et des récits propagés dans nos grands médias. On observe ce même schéma que pour la crise sanitaire : monopole du discours, exclusion des avis divergents, stigmatisation des opposants potentiels, manipulations et propagandes sur un registre émotionnel et tragique, construction d’un récit monolithique sans esprit critique, victimisation émotionnelle pour certains, culpabilisation des réfractaires et opposants.
Premier enseignement : le pluralisme est essentiel à la compréhension des phénomènes dans leur complexité. Il est très inquiétant de constater cette radicalité, cette censure affichée et cette doctrine imposée à tous.
La manipulation de l’information, le déni des faits, la construction de la Doxa
Dans les deux cas, plus aucun raisonnement n’est possible. Les liens logiques entre les décisions, leurs effets, les faits et leur évaluation deviennent impossibles. Il y a des slogans. Dans les deux cas, on compte les morts, on entretient la peur de l’apocalypse : pandémie d’abord ou peur de la guerre nucléaire. Il faut aussi choquer par des images spectaculaires : personnes intubées, blessés de guerre, victimes décédées dans leur « sac » dans les deux cas. On impose aussi une vérité sur les origines : origine animale du virus (aujourd’hui très contestée), origine russe de la guerre (très débattue hors d’Occident au profit de la thèse de l’agression provocatrice de l’OTAN), précipiter les décisions sans débat démocratique : achat des vaccins sans contrôle de leur innocuité ou livraison arbitraires des armes sans aucune sécurité sur leur destination. La décision politique est autoritaire, arbitraire, pas débattue devant les parlements, sans débats publics ou partisans, sans aucun contre-pouvoir libre.
Trois techniques de manipulation sont très présentes dans les deux cas :
La projection d’une fiction
La crise du Covid-19 a été orchestrée autour de l’hypothèse fantaisiste de millions de décès, soit le récit d’une prévision fallacieuse présentée comme une prédiction scientifique sûre et certaine ; ce qu’elle n’est pas. La crise ukrainienne l’a été autour du risque d’une guerre totale et de la disparition de l’Ukraine annoncées par des experts, prévision, elle aussi, indémontrable. Dans les deux cas, une telle projection d’une fiction légitime des actions d’endiguement pour lutter contre la réalisation de cette prévision.
De quoi s’agit-il ? Le manipulateur s’appuie sur l’invention de sa fausse prédiction. Il s’y réfère ensuite indéfiniment comme à une vérité établie : supercherie et usurpation scientifique. En effet, il confond allègrement les prédictions certaines résultant de lois scientifiques s’appuyant sur des modèles éprouvés dans une équation de physique, par exemple, et ces simples prévisions aléatoires invérifiables à l’instar des prévisions météorologiques toujours très imprécises au-delà de quelques heures, un jour ou deux au mieux. La prévision est aléatoire et incertaine. Elle n’est jamais une prédiction scientifique qui est certaine et exacte dans de très nombreux domaines.
Dans un deuxième temps, le manipulateur justifiera la qualité de toutes ces décisions, parce que sa prévision sera toujours fausse. Le tour de magie consiste à ne pas interroger la qualité de la prévision, mais à justifier les actions qui ont rendu fausse la prévision. Exemple : le vacciné est moins malade que s’il n’était pas vacciné, ce qui est par construction invérifiable. L’Ukrainien a gagné puisque le Russe n’a pas envahi toute l’Ukraine comme prévu initialement par l’expert, là encore invérifiable. Nous sommes dans la pensée magique car aucune corrélation confirmée par des expériences ne permet de prouver le lien entre les actions, la prévision initiale et son inflexion.
La dénonciation haineuse
C’est la deuxième technique qui élimine et condamne les parias. Les adversaires de la politique sanitaire ont été montrés du doigt, les non-vaccinés traités d’idiots jusqu’à se donner le droit de les emmerder. De même, les Russes ont été stigmatisés, spoliés mêmes sans vergogne, parce qu’ils sont russes. Les sportifs russes sont interdits de compétition, comme les non-vaccinés interdits d’activité. Les procédés d’exclusion et de ghettoïsation des « ennemis » sont totalement semblables.
Cette dénonciation procède d’abord par un acte d’accusation. Le non-vacciné est une menace comme le Russe est un soutien économique de la guerre odieuse de Poutine. Le plus terrible est que cette première phase est celle pratiquée dans l’histoire à propos des minorités promises à la destruction dont les Juifs, les Arméniens par exemple. Le deuxième acte est que de dangereux, ils deviennent une menace à éliminer et persécuter pour notre bien.
C’est là le basculement pervers dans le jouissif appel au bouc-émissaire. Il faut lui interdire de participer à une compétition, le chef d’orchestre doit trahir sa patrie, dénoncer son président, sinon, il ne doit plus diriger d’orchestre et disparaître. Le riche Russe, on lui confisquera son bateau, sa maison, comme on confisquait les œuvres d’art des familles juives. Mais ces vols n’en sont pas, ils sont légitimés. De même des non-vaccinés, ils sont à éloigner, à isoler mais aussi à vacciner de force. Il constitue une menace. Cette manipulation est très inquiétante car elle cautionne l’enfermement, la confiscation des biens, l’atteinte à l’intégrité physique de la personne. Rappelons que les journalistes et la rédaction de RT ont été menacés de mort, nécessitant leur protection !
René Girard, théoricien de la violence des sociétés, étudie bien ce phénomène du bouc-émissaire. Cette fabrique de la violence contre l’innocent est tragique et fruit d’une manipulation perverse des esprits. Elle procède toujours selon les mêmes temps. Le rituel est inavoué et affublé d’une légitimité : le méchant Russe ou le méchant vacciné sont dénoncés. La violence est sélective et concentrée sur ces seules coupables et pourtant victimes. D’ailleurs, la population a été convaincue de la culpabilité de ces victimes : le Russe et le non-vacciné sont coupables et ils doivent renoncer à être ce qu’ils sont. C’est l’appel au reniement, à la trahison par humiliation, jusqu’où ?
Le déni des faits
C’est la troisième technique. Malheureusement pour les manipulateurs, il existe toujours quelques résistants, des rebelles et des dissidents. Leurs propos font l’objet d’un rejet violent et massif, mais ils témoignent de faits qui contredisent le récit de la Doxa. C’est le rappel des faits contre leur déni. Pour la vaccination, la protection de quelques semaines constatées et exposées par le laboratoire Pfizer est passée sous silence. L’existence d’effets indésirables est niée jusqu’à la courageuse commission sénatoriale où l’on constate les dégâts sous la pression de multiples initiatives d’irrésistibles opposants à la Doxa du Covid bien décrite dans l’ouvrage de Laurent Mucchielli. Le nombre de décès est revu à la baisse sous la pression de chercheurs rigoureux, dont les derniers brillants travaux de Mucchielli sur les décès enregistrés par l’INSEE.
Pour la guerre en Ukraine, c’est le dénigrement des armées russes, leurs faiblesses techniques et stratégiques affirmés par des militaires de salon, comme avant les professeurs de plateaux. Ils nient les faits d’une entrée en guerre fracassante. Chaque victoire russe est minorée, chaque abandon tactique de territoire est un succès héroïque des Ukrainiens. Ils reculent mais c’est une victoire. Le déni porte sur la réalité de la dynamique du champ de bataille. Qui perd du terrain ? Qui recule jour après jour ? Quelles troupes se rendent ? Qui perd des villes ? Le déni des faits est permanent, noyé par de multiples procès d’intention qui détournent l’attention dans une submersion émotionnelle incessante, avec des propos toujours excessifs : génocides, terrorismes, etc. qui dispensent surtout d’examiner les faits militaires.
Nous sommes donc en présence d’une construction de la Doxa par : « L'orchestration des catégories de perception du monde social qui, étant ajustées aux divisions de l'ordre établi (et par là, aux intérêts de ceux qui le dominent) et communes à tous les esprits structurés conformément à ces structures, s'imposent avec toutes les apparences de la nécessité objective. » (Bourdieu). Il s’agit de construire une mythologie à la place de l’examen des faits.
Deuxième enseignement : fiction, dénonciation et déni sont les traits manifestes d’une manipulation des populations. À l’inverse, la mise à disposition des données et des faits, la présentation des alternatives et des avis existants, le respect de la liberté d’information et celle de se construire son point de vue sont piétinées par des médias serviles, voire complices, tant ils ne respectent plus les bases de la déontologie de leur profession.
L’entêtement forcené
La politique sanitaire dure depuis maintenant presque trois ans avec des résultats dérisoires pour une dépense de 600 milliards en France incluant le confinement, les vaccins et les tests. Malgré de très nombreux enseignements factuels : protection très temporaire, pic de contaminations en période de vaccination, faible protection des vaccinés, effets indésirables nombreux, voire graves, effets délétères des mesures d’isolement ou du port du masque, inutilité des passes ; les politiques s’entêtent dans leur politique.
Voir aussi : La Covid repart, échec absolu d’une folie à 600 milliards
La politique en Ukraine s’avère catastrophique sur plusieurs plans. Le sacrifice inutile de dizaine de milliers de jeunes Ukrainiens et de Russes, la perte de près de 25 % du territoire à date, l’impact faible des sanctions économiques sur la Russie, apte à redéployer ses exportations vers ses alliés asiatiques, l’effet indésirable des mesures en retour des Russes sur les économies occidentales : prix des énergies, effets inflationnistes, coût du don des matériels militaires et du soutien inconditionnel à l’État ukrainien estimé à 6 à 8 milliards d’euros par mois, mais aussi prétexte à des stratégies d’accapareurs opportunistes qui haussent les prix sans raison, comme le soupçonne à juste titre Michel-Edouard Leclerc. Malgré ces effets et ces échecs, aucun répit ni d’ouverture vers la diplomatie. L’entêtement aveugle là encore. Il suffit d’écouter encore les autorités britanniques affichant leur désir de faire durer la guerre jusqu’à l’hypothétique victoire totale des Ukrainiens.
Des techniques de manipulation identiques qui interpellent
Ces manipulations déploient beaucoup de violence verbale et visuelle, de l’intolérance, une peur créée et entretenue, un refus de laisser librement penser. Il est très étonnant que ces mêmes techniques se renouvellent sur des sujets aussi différents : faire peur jusqu’à la panique paralysante, émouvoir jusqu’à perdre la raison et le bon sens, matraquer des données partielles jusqu’à l’épuisement. Bref, ces pratiques ne sont pas responsables, elles ne sont pas éthiques.
Or, comment expliquer dans des sociétés démocratiques que les médias ne pratiquent plus le pluralisme ? Comment expliquer cette manipulation ? Il y a trois pistes.
Le mimétisme paresseux des médias qui se copient et répètent tous la même chose parce qu’ils n’enquêtent plus, ne vont plus sur le terrain, oublient leur devoir constitutionnel d’informer au lieu d’influencer, et de faire de l’audience facile.
La deuxième piste, la corruption et le détournement massif de l’argent publique des pays occidentaux au profit de véritables mafias capitalistes des géants de la santé et de l’armement, qui ont ce point commun de s’enrichir du malheur des autres, voire des politiques eux-mêmes.
Enfin, troisième piste, celle d’institutions internationales et de leurs réseaux qui veulent mettre le monde sous leur influence, signe d’une crispation autoritaire des sociétés démocratiques dont l’OMS reconnaissant son usage des techniques de propagande.
Que faire ? La résistance à la manipulation passe par la promotion de la pluralité des points de vue, l’instauration d’un dialogue raisonnable, l’invitation à partager et discuter sur des faits, le refus des pratiques violentes et haineuses que sèment à loisir ces manipulations, comme s’il s’agissait de nous faire la guerre entre nous. Soyons calmes, lucides, factuels, critiques et plus encore libres. Évitons l’emprise de ces émotions construites dont la seule mission est de nous priver de notre libre arbitre. Ce manichéisme constitue une folle régression mentale et le préambule à des œuvres de destructions. Il nous faut être pleinement humain.
Essayiste, chercheur et fondateur de l'Institut de Recherches de Philosophie Contemporaine, Pierre-Antoine Pontoizeau a notamment publié des ouvrages sur la théorie de la communication, la théorie des organisations, la théorie du langage politique et la philosophie des mathématiques.
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