Larry Fink : Le maître discret de la finance aux milles milliards de dollars ... de marionnettes

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France-Soir
Publié le 01 juin 2024 - 16:38
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Larry Fink : Le maître discret de la finance aux milles milliards de dollars ... de marionnettes
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PORTRAIT CRACHE - On en sait peu sur la vie personnelle de Larry Fink, son souhait, rester discret, et “être anonyme”. Facile à comprendre lorsqu’on est un des grands marionnettistes manipulant le monde. Pas simple, quand on est une des personnalités les plus connues de Wall Street, et que l‘on commence à être une des personnalités les plus controversées, tout secteur confondu. A la tête de la plus grosse multinationale de gestion d’actifs, il gère un portefeuille de plus de 10 000 milliards de dollars de parts, de toutes les plus grosses sociétés du monde ainsi que leurs concurrentes. Sous son allure de professeur de finance en pause-café, avec ses lunettes de vue percée, Larry Fink est un maniaque du pouvoir et de la compétition, jouant l’écolo et prêchant la responsabilité sociétale aux entreprises, tout en pariant sur leurs concurrents.   

Laurence Douglas, de son vrai nom, ne fait pas des études en mathématiques, en comptabilité, ni en finance, mais en sciences politiques et en administration des affaires en Californie. Et comme un certain Jeff Bezos, il le décroche son premier emploi à New York, à la la banque First Boston. Le marché financier connaît à ce moment-là de nombreux changements, avec entre autres le début de la titrisation des actifs, dans les années 70.   

Larry Fink s’y spécialise et participe à la mise en place de ce marché, en inventant de nouveaux titres, en concurrence acharnée avec un certain Lewis Ranieri, un autre célèbre trader, employé, lui, chez les Salomon Brothers. Au début des années 80, Larry Fink devient, à 29 ans, directeur général de la banque. Le plus jeune à ce poste à l'époque. Il réussira à faire augmenter les actifs de son employeur d’un milliard de dollars.  

Cette ascension ne se fait pas sans accroc et si le DG de la First Boston a de nombreux galons boursiers à son actif, il trébuche de nombreuses fois et certains faux pas coûteront ter cher. En 1986, il perd plus de 100 millions de dollars en misant sur une augmentation des taux d’intérêt et une baisse des pré-paiements chez les contracteurs de prêts immobiliers. Il aurait peut-être fallu attendre 2008 pour ça ... La perte est lourde et Larry Fink tombe en disgrâce.   

Il tire les leçons de cette expérience et quitte la First Boston en 1988. Il décide alors de créer une entreprise qui investit l’argent de ses clients en se focalisant sur la gestion des risques. Avec plusieurs partenaires, dont Ralph Schlosstein, banquier de Lehman Brothers et ancien responsable du Trésor de l'administration Carter, ou encore Peter Peterson, secrétaire au commerce sous Nixon, Fink s'est installé chez le jeune Blackstone.  

Il a beau se faire discret, il carbure à l’ambition, et à la compétitivité. En 1993, alors qu’il gérait un portefeuille de 20 milliards de dollars, il se sépare de Blackstone après une longue lutte pour le contrôle avec Stephen Schwarzman, fondateur du fonds de capital-investissement (toujours considéré comme l’autre personnalité forte de Wall Street avec Laurence Douglas). Mais Stephen Schwarzman commet une erreur stratégique, en cédant sa participation de 32% dans l’unité dirigée par Larry Fink, c’est-à-dire BlackRock, à une banque, PNC, pour un montant sous-estimé de 240 millions de dollars.   

La filiale fait en 1995 une scission rancunière pour le moins que l’on puisse dire et compte la banque de Pittsburgh parmi ses actionnaires. BlackRock comptait déjà 17 milliards de dollars d’actifs sous gestion en 1992 puis 53 milliards en 1994. La croissance est fulgurante. Larry Fink en profite pour se focaliser sur son objectif premier : l’analyse du risque et développe son outil Aladdin (Asset Liability, Debt and Derivatives Investment Network), une plateforme de risk management.    

“Wall Street est avant tout une question de technologie pour vendre des titres” déclarait Robert S. Kapito, co-fondateur et ancien employé à la First Boston. "Nous voulions développer une plateforme pour ceux qui possédaient des titres”, et permettre à BlackRock de conseiller et gérer l'argent uniquement pour ses clients, pas pour lui-même.   

Le pouvoir et l’influence tentaculaire dont rêverait le WEF 

BlackRock entre en bourse en 1999 et multiplie, durant les deux décennies qui suivent, les acquisitions, les paris gagnés sur les actions et les diversifications (Immobiliers, infrastructures, actifs non cotés en bourse, etc). Si Larry Fink ne jouit pas de solides connaissances en mathématiques, on lui reconnaît une “compréhension instinctive des bilans”, combinée à sa compréhension des arcanes de la finance ainsi qu’une analyse “intuitive” de l‘humain. L’ancien DG de la First Boston tire profit de son vaste réseau ainsi que de son “diplomatique style”.  

La multinationale résiste à la crise financière de 2008 et gagne en puissance. La Réserve fédérale de New York lui confie même la gestion de 30 milliards d’actifs de la banque Bear Stearns pour en faciliter le sauvetage. De nombreuses autres banques et sociétés sollicitent l’expertise de BlackRock. En 2009, Barclays Global Investors est acquise auprès de la banque-mère éponyme et ce léviathan de la finance devient dans la foulée leader mondial du marché avec 4 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion.  

Crédits : ARA

En 2020, un actionnaire de la première heure, la banque PNC, vend sa participation de 22,4% à 17 milliards de dollars, acquise en 1995 à 240 millions de dollars. Un retour sur investissement de plus de 7 000%. En 2022, l'entreprise dépasse les 10 000 milliards de dollars d’encours après de nouvelles acquisitions, comme celle de la société d’investissement Global Infrastructure Partners (GIP) pour 12,5 milliards de dollars. Avec ses “concurrents” Vanguard et State Street, qui comptent des participations l'un chez l'autre, la combinaison des actifs gérés atteint 22 000 milliards de dollars et équivaut à plus de la moitié de la valeur combinée de toutes les actions des sociétés du “S&P 500”, indice boursier basé sur 500 grandes entreprises cotées aux États-Unis.  

Le monopole suscite une inquiétude auprès de certains, qui le qualifient de “danger” économique mondial. Comme le démontrent les nombreuses résolutions sur lesquelles s’exprime BlackRock, les trois gestionnaires d’actifs peuvent influencer les entreprises dont elles détiennent des parts, dans leur politique de gestion et font la pluie et le beau temps orientant les prises de décisions stratégiques. La multinationale, omniprésente et incontournable, est actionnaire dans des centaines d’importantes sociétés, y compris les géants de la tech comme Google-Alphabet, Amazon, Meta, Apple, Microsoft (GAFAM). BlackRock est également actionnaire dans plus de18 sociétés françaises du CAC40 et détient une part de 2,1% de l’indice boursier. La multinationale détient notamment 40 % de Suez et possède des participations dans de nombreuses entreprises agro-alimentaires de taille mondiale, comme Danone (5,7%) ou Pernod-Ricard (5%).  

Le contrôle exercé par Blackrock, dans les plus grandes entreprises comme ses concurrents, est tel qu’il fait craindre une réduction des choix des consommateurs, une hausse des prix, la baisse des salaires et des emplois. Cette puissance se manifeste aussi à travers le lobbying exercé par la compagnie aux États-Unis comme en Europe, et sur de nombreuses questions, comme le climat ou le “capitalisme des parties prenantes” si cher à Klaus Schwab et le Forum économique mondial (WEF).  

Mais le terme "lobbying" n’est qu'un bien gentil mot pour décrire la réelle emprise de Blackrock. Il n'est pas question ici de consultations avec des décideurs pour essayer de faire pencher la balance du côté de ses intérêts. "Toutes ces institutions financières achètent des politiciens", révélait un recruteur de la compagnie, filmé à son insu par O'Keefe "Vous pouvez prendre cette grosse manne d’argent, et commencer à acheter des gens (...) les moins chers sont les sénateurs (...) ce qui compte, ce n’est pas qui est président, mais qui contrôle le portefeuille du président", dit-il.  

protégez le climat ... mais comptez pas sur moi !  

Celui qui disait “aimer être anonyme” est certes discret quant à sa vie privée mais son envergure est désormais connue de tous. De quoi faire rougir Klaus de jalousie ! Si le fondateur du WEF influence les décisions politiques par mille et une organisations, BlackRock suffit à Larry Fink pour dicter ses lois. Soutien de longue date du parti démocrate, il devient une figure incontournable de la politique américaine comme du Forum économique mondial (WEF), siégeant d'ailleurs à son conseil d’administration.   

Un des rares dirigeants financiers à être invités aux réunions des ministres des Finances du G7, Laurence Douglas, multiplie les déjeuners avec les gouverneurs de banques centrales de plusieurs pays, offre ses “conseils” sur la réglementation, comme avec les responsables du Trésor américain. Un féru de pouvoir et de gain, adepte du “fais ce que je dis mais pas ce que je fais”. Il prêche, en toute hypocrisie, des postures favorables pour le climat, histoire de peaufiner son image tandis que BlackRock se remplit les poches d’hydrocarbures, et est favorables aux sanctions contre la Russie tout en ayant grand intérêt à ce que la guerre en Ukraine, dont l’économie lui est déjà confiée, se poursuive.   

"On ne veut pas que le conflit cesse (...) Supposons que la Russie fasse exploser les silos de blé, le prix augmente. C'est une aubaine pour une société de trading (...) l'économie ukrainienne est liée au prix du blé", explique encore le recruteur de BlackRock.  

Mais ce lobbying dangereux est aussi bien présent en France, comme en 2017 lorsque Larry Fink se rend dans l’Hexagone pour “auditionner plusieurs ministres” de la République chargés de lui expliquer combien la politique économique menée depuis 2017 et l’élection d’Emmanuel Macron est favorable à ses intérêts. Un document, intitulé “Loi Pacte : Le bon plan Retraite” (adoptée en 2019, NDLR), résume les 14 “recommandations” de BlackRock au gouvernement, parmi lesquels imposer l'épargne-retraite dans les entreprises, pour permettre l’adoption de cette si controversée réforme des retraites, reforme chère à la Macronie. Le loup compte bien s’éterniser dans la bergerie avec le projet de loi d'orientation agricole, qui prévoit que des groupements fonciers agricoles d'investissement puissent acheter, au profit d'investisseurs, des terres agricoles pour les louer à de nouveaux agriculteurs. Tiens tiens !  

Après avoir consacré sa vie au capitalisme des actionnaires, voici que le démocrate Larry Fink se mue en défenseur du “capitalisme des parties prenantes” (Stakeholder capitalism), ce modèle proposé par Klaus Schwab dans son livre “The Great Reset”, qui consiste à “positionner les entreprises privées comme les dépositaires de la société”, au détriment des institutions démocratiques. Et Blackrock & Co y parviennent déjà.

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