La baisse du niveau scolaire atteint même les grandes universités : Sciences Po dégringole

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Axel Messaire, pour France-Soir
Publié le 19 août 2024 - 16:15
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Des étudiants bloquent l'entrée de Sciences Po Paris le 18 avril à Paris en solidarité avec le mouvement de protestation dans les facultés
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© Bertrand GUAY / AFP
© Bertrand GUAY / AFP

Les classes préparatoires se vident petit à petit, le niveau français en mathématiques dégringole de 21 points sur le classement PISA 2023, les jeunes ne savent plus écrire correctement... La baisse de niveau est partout, même à Sciences Po. La dernière enquête en date, signée par Le Figaro, révèle des Instituts d’études politiques, soi-disant formateurs d’élite, qui affichent eux aussi une baisse généralisée de niveau dans différents domaines, parmi lesquels la syntaxe, la grammaire et les références culturelles.

Le désarroi des Français sur le niveau de ses élèves s’affiche tantôt moqueur, tantôt boudeur. Bien que le classement de Shanghai 2024, paru le 15 août, admet toujours l’université à la seconde place mondiale dans la catégorie « politics », l'enquête du Figaro intitulée "Une institution dans la tourmente" affiche Sciences Po sous un autre jour. 

Fianso à Sciences Po

De nombreux professeurs sont unanimes : le niveau baisse. Dans les colonnes du média français, un doctorant en charge de l’examen des dossiers d’admission témoigne : « Je reçois une immense majorité de dossiers avec des moyennes au lycée avoisinant les 18-19, mais il n’y en a pas un seul dans lequel les écrits à fournir ne présentent pas de fautes d’orthographe ». Un enseignant présent dans l’établissement depuis de nombreuses années témoigne sinistrement : « En ce qui concerne la maîtrise de la langue française, on ne peut plus être aussi exigeant qu’il y a vingt ans ».

Et ça ne risque pas de s'arranger une fois entré dans l'université, puisque la qualité des conférences est, elle aussi, remise en cause par ceux qui foulent le sol de l'école depuis quelques années. Un tournant s’est opéré avec l’intervention de rappeurs dans l’enceinte du prestigieux bâtiment. Parmi eux, nous pouvons noter la venue de Fianso en 2018, dernièrement célèbre grâce à son intervention dans le titre controversé No Pasaran, qui s'est fait l’étendard de l’opposition à l’extrême droite lors des élections législatives. Plus avant, il avait même chanté Tahia Hamas, soit « vive le Hamas ». De quoi laisser dubitatif.

Pensée unique, dépendance et diversité

En avril de cette année, Marie-Françoise Bechtel, ancienne directrice de l’ENA, témoignait auprès de Marianne de l’urgence de reprendre en main le niveau de l’institution. Elle affirme dans sa tribune que l’« on ne compte plus les membres du jury de cette école qui se plaignaient depuis la fin des années quatre-vingt-dix, de l’alignement des candidats sur une pensée formatée ». En plus d’une pensée unique, l’ancienne directrice et députée souligne les manquements que provoque la nouvelle méthode de sélection des étudiants.

« Avec la fin des épreuves écrites d’admission, l’établissement a développé depuis quelques années un recrutement sur des critères extrascolaires à partir du seul examen d’un dossier encadré par des sollicitations sans rapport avec la culture ou l’appétit d’apprendre, en lien avec la recherche de la "diversité" ».

Cette nouvelle sélection, qui serait finalement moins à même de déceler les motivations et capacités des futurs élèves, garde sa réputation d’élitisme, ce qui provoquerait chez les étudiants le sentiment d’avoir passé le plus dur. 

Résultat, les professeurs sont de plus en plus confrontés au chantage une fois que les élèves ont passé le rubikon de la sélection. En effet, il ne serait pas rare de recevoir des appels venus de la direction pour demander au professeur capable de donner une mauvaise note de se montrer plus compréhensif, parce que « les étudiants ont du mal ». Plutôt que d’inciter les élèves à améliorer leurs compétences, les professeurs doivent compatir et être ceux qui s’adaptent au niveau des étudiants, d'autant que la moitié d'entre eux sont d'origine étrangère et requièrent donc plus d'attention pour être sur un pied d'égalité. En plus de ça, ils doivent être à leur disposition, soir et week-end compris, pour répondre aux mails questionnant sur « tout et n’importe quoi », comme en témoigne une enseignante. Les choix de la direction universitaire sont à assumer par les enseignants, dont la parole vaudrait de moins en moins, au profit des revendications des élèves. In fine, il devient plus aisé de glisser vers le laxisme et de surnoter les élèves pour assurer la « paix sociale » et la tranquillité de l'enseignement.

Le futur de l'université

Sachant tout cela, peut-on toujours considérer Sciences Po comme une institution formatrice d'élites ? En tout cas, avec des coûts d’inscription de plus en plus élevés, l’école adopte la mentalité du privé. Le niveau peut bien baisser, pourvu que l’argent continue de rentrer.

Pour pouvoir y voir plus clair, Cairn et Le Monde se sont associés pour présenter un classement des productions d’idées dans le domaine des sciences humaines et sociales. Celui-ci permet d’offrir un nouvel angle d’appréciation de nos universités, et observer leur intérêt dans le champ de la production universitaire. 

À cet effet, un top 15 des institutions ayant provoqué la plus forte audience sur la plateforme Cairn en 2023, suite à ses publications scientifiques, a permis d’identifier un nouvel axe à prendre en compte concernant nos cursus universitaires. Là, Sciences Po Paris se classe en huitième position. Malgré son apparent élitisme, elle se fait devancer par des universités telles celles de Lilles et Nanterre, offrant elles aussi des cursus de sciences politiques. 

Nous avons peut-être là un nouveau moyen de quantifier l’efficacité d’une université en y appliquant le filtre de l’intérêt que suscite ses publications et la légitimité y étant attribuée dans le milieu universitaire ? Reste encore à affiner les thématiques traitées dans ce palmarès de consultations pour être plus à même de comprendre toute la subtilité de ce classement alternatif, et en tirer les conclusions adéquates. 

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