Une énième polémique sur le port du voile a éclaté lundi 10 mai, avec la candidature LREM d'une femme voilée aux élections départementales de l’Hérault.
Une candidature qui a suscité de nombreuses réactions
Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement National en Île-de-France, a réagi en critiquant l’affiche du parti LREM, où la candidate apparaît avec son voile.
En réponse à ce tweet, Stanislas Guerini, le délégué général de LREM condamne à son tour cette affiche et le port du voile de la candidate. Il estime qu’il n’est pas « compatible avec les valeurs de son parti ». Il demande également aux candidats du premier canton de Montpellier de changer leur photo, sous peine de perdre le soutien du parti.
Une candidate voilée a-t-elle le droit de se présenter à des élections ?
Face aux accusations dont ils sont la cible, les colisters répondent qu’ils "respectent la loi", car une femme voilée a le droit d’être candidate, et élue.
En effet, l’article 1er de
la Constitution indique que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale." La laïcité, telle qu’établie en France par la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat, s'articule autour du fait que "la République assure la liberté de conscience" et "garantit le libre exercice des cultes" dans la mesure où il respecte "l'ordre public".
De plus, l’obligation de neutralité ne s’impose pas aux candidats. Une personnalité politique est tenue à la neutralité dans le cadre du service public ou en tant que représentant d’une administration publique, mais les élus en revanche, peuvent revendiquer ou manifester une appartenance à une religion. Ils représentent la société française et non l’État.
Une candidate voilée peut donc se présenter aux élections. Son appartenance à une religion n’est pas considérée comme pouvant avoir un impact sur la liberté de choix des électeurs. En 2010, pour les élections régionales en PACA, la candidature d’une jeune femme voilée sur la liste du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) avait contraint le Conseil d’État à se prononcer sur la question. Ainsi le 23 décembre 2010, le Conseil d’État a estimé que « la circonstance qu’un candidat à une élection affiche son appartenance à une réligion est sans incidence sur la liberté de choix des électeurs ».
Cette polémique renvoie à de dangereux non-dits sur la laïcité et illustre les désaccords du parti macroniste
Sur Twitter, plusieurs élus macronistes ont publiquement affiché leur désaccord avec Stanislas Guérini. Écarter une candidate à la suite d’une injonction du RN et sur la seule base de son port du voile, reviendrait à commettre une « discrimination ». Cela reviendrait également à
se faire dicter son agenda par le parti d’extrême-droite et révèlerait les divisions qui minent le parti.
Cette polémique rappelle en effet que le parti fondé en 2016 n’a jamais apporté de réponse claire sur la question de la laïcité, et que des positions très différentes à ce sujet coexistent entre les membres, partagés entre multiculturalisme et ligne "républicaine" stricte. Dans
l’Express, la députée de l’Hérault, Coralie Dubost affirme que « Manifestement, il nous manque une concertation militante ou un congrès sur le sujet, qui mettrait en place des débats et d’où découleraient des décisions prises collectivement ».
La coexistence de deux visions opposées sur ce sujet et les non-dits qui se sont installés au fil du temps au sein du parti, offrent une bonne opportunité pour le Rassemblement National et les Républicains d'attaquer LREM, et ils ne manquent pas de souligner le manque de ligne claire du parti sur ce sujet aussi clivant.
Dans une interview pour SudRadio, Alexis Poulin explique que cette situation montre "à quel point LREM est un parti d'amateur", avec "d'un côté la loi sur le séparatisme" et de l'autre "une candidate voilée proche des Frères Musulmans". Le "en même temps" constant dans la politique du parti ne marche pas : "ce n'est plus la République en Marche mais la République en Rame".