"Faut que ça pète" : au tribunal, un cadre de Bygmalion raconte les "consignes" de la campagne Sarkozy
"Il faut que ça pète": Au procès des dépenses excessives de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012, un ex-cadre de Bygmalion a commencé mardi à décrire à la barre une équipe de campagne désorganisée et aux yeux plus gros que le ventre.
Après deux journées et demie d'audience consacrées à des demandes de procédure et au rappel de faits, le procès Bygmalion est enfin entré dans le vif du sujet mardi en fin d'après-midi avec le début de l'interrogatoire de Franck Attal.
En janvier 2012, ce responsable de la filiale événementielle de Bygmalion - Event & Cie - est contacté par Jérôme Lavrilleux, directeur-adjoint de la campagne du président sortant.
Ce dernier lui demande d'organiser les meetings du président, "4-5" tout au plus, explique M. Attal à la barre. Il en organisera finalement "43" dans toute la France, dit-il.
Dès le début, il est "un peu surpris" que l'équipe de campagne du candidat Sarkozy ne lui donne "aucune consigne claire" sur ce qu'elle veut.
M. Attal pose la question dès le premier meeting, à Annecy en février 2012. "On me dit +il faut que ça pète, qu'on sente la chaleur dans la salle, il faut mettre le paquet+", se rappelle-t-il. "Donc j'y vais".
"Il n'y a pas d'échanges de courrier pour cadrer, pour dire +on veut tant de meetings, tant en province, sur tel format+?", s'enquiert la présidente Caroline Viguier.
"C'est ce qui a manqué", admet Franck Attal. "Je me suis rendu compte que tout se dessinait au fil de l'eau".
- "Client particulier" -
La présidente est incisive, elle ne comprend pas pourquoi il n'a pas demandé de comptes à l'UMP.
"Ca aurait été n'importe quel autre client, j'aurais dit +écoutez ça va pas être possible, il faut définir ce que vous voulez+", répond sans se démonter M. Attal. Mais l'UMP, répète-t-il, "c'est un client particulier".
Les fondateur et directeur général de Bygmalion, Bastien Millot et Guy Alvès, sont deux très proches de Jean-François Copé, patron de l'UMP, pour qui la société organise régulièrement des événements.
"L'UMP ne m'a pas choisi moi pour mes qualités professionnelles. L'UMP, c'est le client de la présidence", lâche M. Attal.
Bastien Millot a toujours soutenu - sans convaincre les enquêteurs - qu'il n'avait jamais été mis au courant de la fraude. Au regret de Franck Attal: "J'ai été assez naïf pour penser que chacun dans cette affaire allait assumer ses responsabilités. A Bygmalion on sait ce qu'il s'est passé", soutient-il.
Côté UMP et équipe de campagne, seul Jérôme Lavrilleux a reconnu le système de doubles factures mis en place pour faire payer à l'UMP les dépenses excessives de la campagne.
Près de 80% de la facturation de Bygmalion - soit environ 16 millions d'euros sur un montant total de plus de 20 millions - a disparu des comptes de campagne.
"Moi, ma seule faute, c'est d'avoir continué à faire mon métier en étant au courant que la facturation ne se faisait pas comme elle devait se faire".
S'il n'avait "aucune autorité sur la comptabilité", soutient-il au tribunal, il reconnait qu'il préparait les devis pour les prestations et les envoyait aux clients.
Dans la campagne, ces devis, "censés comprendre le coût réels" des meetings, "n'ont jamais été retrouvés", note la présidente.
"Pourquoi est-ce que ces premiers devis ont disparu?", demande-t-elle. "Parce qu'on m'a demandé de les faire disparaître".
L'interrogatoire de M. Attal se poursuivra mercredi.
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