Fraude fiscale : l'heure de vérité pour Jérôme Cahuzac
Un compte caché et vingt ans de mensonge : l'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac, condamné en 2016 à trois ans de prison pour fraude fiscale et rejugé en février à Paris, saura mardi s'il va en prison.
La cour d'appel de Paris rendra son arrêt en début d'après-midi.
Un premier compte en Suisse, puis un transfert des avoirs (600.000 euros) à Singapour via des sociétés immatriculées à Panama et aux Seychelles : cette fraude sophistiquée de l'ancien pourfendeur de l'évasion fiscale restera comme le plus retentissant scandale du quinquennat de François Hollande.
Pour Jérôme Cahuzac, 65 ans, qui incarna la lutte contre la fraude fiscale avant de devenir un paria de la République, tout l'enjeu est désormais de savoir s'il ira ou non en détention.
A l'issue du second procès, l'accusation a requis la "confirmation" de la condamnation àDupond-Moretti trois ans de prison ferme et cinq ans d'inéligibilité pour fraude fiscale (2010-2012) et blanchiment (2003-2013), décrivant un manquement qui avait "durement rompu l'équilibre social".
Après la révélation de son compte caché par le site d'information Mediapart fin 2012, Jérôme Cahuzac avait nié pendant des mois, avant de finalement démissionner en mars 2013 et d'avouer en avril.
"Votre plus grande contribution à la lutte contre la fraude fiscale aura été votre procès", avait asséné l'avocat général à l'ancien président de la commission des finances de l'Assemblée. C'est à la suite de ce scandale que la France a affûté ses outils contre la fraude, avec la création d'un parquet national financier et d'une agence anticorruption.
Une confirmation du jugement enverrait l'ex-chirurgien capillaire derrière les barreaux alors qu'une peine égale ou inférieure à deux ans d'emprisonnement ouvrirait la possibilité d'un aménagement de peine.
- Du "déni" au "désastre" -
A la barre de la cour d'appel, l'ancien député socialiste avait confié sa "peur d'aller en prison". Il vit désormais seul en Corse et peine à offrir encore ses services de chirurgien à des associations tant son nom est associé à ce qu'il nomme le "désastre".
Son avocat et ami Jean-Alain Michel a réclamé une peine qui "n'accable pas plus que nécessaire un homme cassé". Son nouveau conseil, Eric Dupond-Moretti, suggérait "d'alourdir la peine" mais de l'assortir du sursis, mettant en garde la cour contre le risque de suicide de son client.
Plus sobre qu'en 2016, Jérôme Cahuzac a concédé un "déni" persistant. Mais, sur le fond, sa ligne de défense n'a pas changé : c'est la volonté de constituer un trésor de guerre au profit du mouvement de l'ex-Premier ministre Michel Rocard, qui expliquerait le "basculement" dans la fraude, et l'ouverture d'un premier compte en Suisse en 1992. La suite relèverait d'une "fuite en avant".
Cette affaire est avant tout l'histoire de la chute d'un homme. Un chirurgien de talent saisi du virus de la politique, mais aussi un fraudeur au nom de code "Birdie" qui se fait remettre dans la rue des liasses de billets provenant de ses comptes cachés.
Dans les années 90, il fallait placer l'argent qui coulait à flots de la florissante clinique d'implants capillaires gérée par le chirurgien et son épouse dermatologue. Ce sera plutôt la Suisse pour lui, l'île de Man pour elle. Les comptes de la mère du médecin servent aussi à blanchir les chèques des riches patients anglais. Leur patrimoine global dissimulé est estimé à 3,5 millions d'euros.
En appel, Jérôme Cahuzac s'est retrouvé seul face à ses juges, avec l'ex-avocat genevois Philippe Houman, condamné en première instance à un an avec sursis et 375.000 euros d'amende pour avoir mis en place le montage financier ayant permis le transfert d'avoirs à Singapour.
Les autres protagonistes de l'affaire, l'ex-épouse du ministre comme les banquiers suisses, avaient renoncé à faire appel et sont donc définitivement condamnés : Patricia Cahuzac à deux ans de prison et la banque genevoise Reyl & Cie à l'amende maximale de 1,875 million euros.
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.