Gilets jaunes : les annonces d'Edouard Philippe à côté de la plaque ?

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Damien Durand
Publié le 08 janvier 2019 - 16:01
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Des policiers à Bordeaux lors d'une manifestation de gilets jaunes le 8 décembre 2018
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© NICOLAS TUCAT / AFP/Archives
La nouvelle législation voulue par Edouard Philippe pourrait ne rien changer.
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Lundi soir, Edouard Philippe a annoncé un durcissement des mesures pénales contre les manifestants violents des cortèges de gilets jaunes. Un volontarisme qui risque de donner peu d'effets sur le terrain, la loi prévoyant déjà des sanctions qui ne sont que rarement appliquées.

Lundi 7 au soir, au journal de 20h de TF1, c'est un Edouard Philippe particulièrement remonté qui est intervenu sur le plateau pour annoncer l'arsenal sécuritaire que le gouvernement souhaite mettre en place pour lutter contre les débordements du mouvement des gilets jaunes.

Deux annonces ont principalement marqué cette intervention. Primo, un "durcissement de la législation pénale dans un certain nombre de circonstances" pour les actes de violence ou de vandalisme en marge des cortèges, deuxio, la création d'un nouveau fichier pour interdire l'accès des manifestations aux "casseurs". Cette dernière mesure relaye la demande du syndicat de policiers Alliance, et a déjà reçu le soutien de LREM par la voix de son délégué général Stanislas Guérini.

Des annonces qui ont rapidement été sous le feu des critiques de l'opposition, notamment sur un point: ces propositions ne représentent en rien une rupture puisque des dispositions légales existent déjà pour prévenir spécifiquement les manifestations violentes. Les débordements violents en marge des cortèges n'ont pour l'instant fait face à aucun vide juridique particulier, notamment pour ceux qui ont été poursuivis.

La première loi "tendant à réprimer certaines formes nouvelles de délinquance" dite "loi anti-casseurs" date même de 1970. Elle sera abrogée en 1981 sous François Mitterrand, sous lequel sera ensuite mis en place la procédure de comparution immédiate toujours en vigueur pour juger sans délai un suspect après sa garde à vue. Selon les chiffres du Monde, 815 personnes ont été traduites en justice de cette manière depuis le début du mouvement. Les lois ont depuis continué de s'empiler: rien qu'en 2010, le code pénal s'est enrichi de la loi du 2 mars "renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public" et celle du 11 octobre "interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public".

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Quand au fichier demandé par Edouard Philippe, il existe une version proche de la volonté gouvernementale avec le Fichier de prévention des atteintes à la sécurité publique (FPASP) notamment utilisé dans la prévention du hooliganisme. Une "filiation" dont se revendique d'ailleurs Edouard Philippe. Reste cependant à savoir si la mise en place d'interdictions de présence ciblées sera effectivement possible lors d'une manifestation ouverte où, contrairement à une rencontre dans un stade, il est impossible de contrôler l'ensemble des identités des participants.

Seulement, l'outillage juridique qui existe jusque-là, et qui punit déjà d'une amende la participation à une manifestation non déclarée, n'est que peu utilisée. "Le problème c'est qu'appliquer la loi nécessite de pénétrer dans un cortège qui, s'il n'est pas autorisé, n'est pas forcément violent, et de mettre des amendes à des manifestants. Ce n'est pas très habile politiquement. Et ça l'est encore moins dans le cas des gilets jaunes, qui sont parfois perçus comme victimes des autorités" explique à France-Soir Mathieu Zagrodzki, chercheur associé au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions Pénales (Cesdip). Que le durcissement de la loi soit votée en seulement quelques semaines, dans le meilleure des cas, à partir de sa présentation devant l'Assemblée nationale (annoncée en février) est certes probable. Pour autant, que cela change le rapport de forces sur le terrain entre les gilets jaunes et le gouvernement pourrait relever du vœu pieu pour l'exécutif.

Voir aussi:

"Gilets jaunes": le gouvernement veut une nouvelle loi "anticasseurs"

Gendarmes agressés à Paris par des gilets jaunes: "C'était de la violence gratuite"

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