Harcèlement sexuel : après le scandale Baupin, la parole se libère chez les femmes politiques
Depuis les accusations de harcèlement visant le député écologiste Denis Baupin, la parole se libère quelque peu au sein d'un milieu politique très masculin et rude, où les femmes redoutent d'endosser le costume de victime, synonyme pour elles de "faiblesse". Ancienne ministre déléguée à la condition féminine sous... Giscard, Monique Pelletier a utilisé cette semaine le réseau social Twitter pour évoquer pour la première fois des faits vieux de 37 ans! "D. Baupin... les victimes parlent... enfin... bravo! Ministre des femmes en 1979, j'ai été agressée par un sénateur... honte à moi de mon silence!", a-t-elle lancé en guise de message libérateur.
Après la révélation de l'affaire Baupin par Mediapart et France Inter lundi, une pétition intitulée "Levons l'omerta" a déjà recueilli près de 13.000 signatures. Le soir des révélations, Aurore Bergé, une jeune élue LR, membre de l'équipe Juppé, a raconté qu'elle s'était fait accueillir à son conseil d'agglomération par un "Tiens, j'ai envie de te faire une Baupin" qui l'a laissée "sidérée". "Quand on essaie de faire de la politique, on a un peu intégré les codes, et les codes et les règles, c'est aussi ce machisme. Et on se dit qu'il faut qu'on encaisse et qu'on s'habitue parce que sinon, on est vraiment trop émotive et trop fragile et on va nous le reprocher", analyse-t-elle. Le lendemain soir, alors qu'elle est au Palais des Congrès de Paris pour une conférence de presse d'Alain Juppé, elle reçoit, dans les toilettes, le soutien d'une femme qui lui glisse: "Il faut rester forte!"
De la drague appuyée à la drague carrément lourde, du harcèlement à l'agression, les frontières sont souvent floues dans les têtes mais pas tant que cela dans les faits. Comme dans la rue, dans l'entreprise, à l'université, à l'église, dans l'entourage, dans la famille, dans le couple, le harcèlement et l'agression ne sont jamais des actes en flagrant délit... Et c'est le plus souvent la parole de l'un contre celle de l'autre. Honte, culpabilité, peur, le scénario est bien connu, mille fois raconté par les victimes. "Si j'avais su qu'on avait été plusieurs, sans doute aurais-je porté plainte", confie la députée Isabelle Attard à Mediapart. Se croyant seule dans l'affaire Baupin, elle ne voulait pas "foutre le bazar dans le parti" écologiste.
"Rien n'est terminé car il n'y a encore que 10% de femmes violées qui portent plainte", renchérit Monique Pelletier. "Les hommes politiques ont une forme d'arrogance et surtout considèrent que les femmes sont des intruses dans la vie politique", selon elle. "Beaucoup veulent croire que ce n'est que de la drague lourde", avance Dominique Trichet-Allaire, élue écolo qui a essayé de tirer la sonnette d'alarme dans son parti. "Les femmes ne veulent pas le dire car c'est pour elle un aveu de faiblesse en politique", explique-t-elle.
L'ex-ministre Cécile Duflot a saisi mercredi 11 le déontologue de l'Assemblée pour faire "avancer" la question des violences faites aux femmes. "Des Denis Baupin, il y en a beaucoup à l'Assemblée, donc il faut que tout le monde fasse le travail", a-t-elle accusé. Les rumeurs de harcèlement visant les collaborateurs politiques circulent dans les couloirs de l'Assemblée ou dans ceux des ministères. Le récent livre Elysée Off évoque des cas de harcèlement à l'Elysée, notamment un "DSK de l'Elysée", chef du service financier et du personnel, qui a dû faire ses cartons après de multiples témoignages le visant.
Mais l'affaire Baupin secoue manifestement les mémoires. Sur le site Slate.fr, une ancienne conseillère ministérielle raconte, anonymement, comment il y a quelques années le directeur de cabinet de son ministre l'a emmenée dans sa maison de campagne et l'a violée: "Ca peut être très tranquille un viol, le silence enfoncé dans la gorge, les yeux au plafond", écrit-elle.
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