Islam, salafisme, voile : Valls revient sur le terrain de l'identité nationale
Une "bataille idéologique et culturelle" en passe d'être remportée par les salafistes, des propos ambigus sur le voile : en se frottant à l'explosif débat identitaire, en vue de la campagne de 2017, Manuel Valls a de nouveau suscité des crispations.
Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) Anouar Kbibech a réagi mardi 5 à ces propos, en mettant en garde contre les prises de position "clivantes" et "anxiogènes".
La veille, dans un théâtre Déjazet tout entier acquis à la laïcité, le Premier ministre a appelé au "sursaut républicain" contre l'islam radical et lancé plusieurs phrases offensives en clôturant un débat sur l'islamisme et la récupération populiste, avec une intervention largement consacrée au premier thème.
M. Valls a notamment averti sur "une forme de minorité agissante, des groupes (salafistes) qui sont en train de gagner la bataille idéologique et culturelle", a-t-il averti. "Les salafistes doivent représenter 1% aujourd'hui des musulmans dans notre pays, mais leur message, leurs messages sur les réseaux sociaux, il n'y a qu'eux finalement qu'on entend", a-t-il critiqué.
Quant au voile, sans soutenir explicitement son interdiction à l'université, il a jugé que la question était "posée". "Ce que représente le voile pour les femmes, non ce n'est pas un phénomène de mode, non, ce n'est pas une couleur qu'on porte, non: c'est un asservissement de la femme", a-t-il lancé.
Pour le président du CFCM, "on a plus besoin maintenant d'apaisement et de travail de fond, et pas tellement d'effets d'annonce et de prises de position un peu clivantes, qui pourraient être perçues comme stigmatisantes et donneraient du grain à moudre à ces groupuscules".
"Sur le terrain, nous ne voyons pas de signaux qui confortent cette hypothèse d'un raz-de-marée de la pensée extrémiste et salafiste", a poursuivi Anouar Kbibech, estimant même qu'"on ne peut pas dire que ces groupes ont le monopole de la communication et de l'action sur les réseaux sociaux".
Le président de l'Observatoire national contre l'islamophobie au CFCM, Abdallah Zekri, a pour sa part dénoncé auprès de l'AFP des propos qui "stigmatisent" en laissant penser "que les musulmans ne veulent pas s'intégrer" alors qu'au contraire "l'islam républicain a gagné du terrain".
"Qu'on arrête de faire peur aux Français! Est-ce que la campagne a déjà commencé ?", s'est interrogé ce secrétaire général du CFCM, en estimant que "les autres extrémistes, l'extrême droite et les groupes identitaires vont se précipiter dans cette brèche".
A l'Assemblée mardi, le chef du gouvernement a nuancé ses propos: "Ce sont toutes les atteintes à la laïcité qui doivent être bien entendu dénoncées. Ne donnons pas le sentiment que nous visons à travers tel ou tel propos une seule religion", a-t-il expliqué.
Dans une France chamboulée par les attentats djihadistes, le Premier ministre avait cependant déjà prédit à l'été 2015 que "la question des valeurs et de l'identité sera(it) au coeur de la campagne présidentielle". D'autant, selon lui, que la droite et l'extrême droite n'hésiteraient pas à faire de l'islam un "enjeu électoral" en 2017.
Le diagnostic livré lundi soir par Manuel Valls, qui a retrouvé le temps d'une soirée son statut de franc-tireur à gauche, contraste avec le discours dans son camp et celui, beaucoup plus policé, d'un François Hollande qui renâcle à s'exprimer sur ces questions.
Convaincu que les thèmes identitaires, tout autant que l'emploi, seront au cœur de la campagne de l'élection présidentielle de 2017, Manuel Valls n'entend pas les laisser au Front national de Marine Le Pen, qui en a fait son cheval de bataille.
"Manuel Valls découvre le salafisme: va-t-il annoncer la dissolution de l'UOIF (Union des organisations islamiques de France, proche des Frères musulmans, ndlr) comme le réclame le FN depuis années", a réagi la leader frontiste sur Twitter.
"Valls méritera sa carte au FN quand il passera enfin du verbe à l'action: fermer les 100 mosquées salafistes, arrêter l'immigration !", a lancé son lieutenant, Florian Philippot, sur le réseau social.
L'islam constitue la deuxième religion de France, avec quatre à cinq millions de musulmans, pratiquants ou non, et quelque 2.500 mosquées et salles de prière.
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