La Commission européenne épingle la France et six autres pays pour leur déficit budgétaire excessif et recommande l’ouverture de procédures
La nouvelle était “prévisible”. La Commission européenne (CE) a annoncé mercredi 19 juin 2024 l’ouverture d’une procédure pour déficit public excessif contre sept pays, dont la France. Paris, au même titre que l’Italie, la Belgique, la Hongrie, Malte ou encore la Pologne, a dépassé la limite de déficits publics, fixée à 3% du produit intérieur brut (PIB) par le Pacte de stabilité, défini en 1997, avant même l’arrivée de l’Euro. A Bercy, on considère la procédure “tout à fait normale” et l’on s’attend même à ce que la CE dirigée par Ursula von der Leyen “confirme la vision positive de l’économie française”.
Une annonce aussi “prévisible” que l’était le rapport de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), publié fin mars dernier. On y annonçait que le déficit de la France s’est élevé à 154 milliards d’euros en 2023, soit 5,5% du PIB. L’Insee avait expliqué cette hausse par une baisse des recettes, due à un ralentissement de l’économie et des recettes de TVA, tempérant le poids de la hausse des dépenses de 3,7% contre 4% en 2022.
A Bercy, on relativise
Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, affirmait : “la croissance a été au rendez-vous en 2023 et le sera encore cette année”. Il misait même sur une “croissance très dynamique” pour les trois prochaines années, pour atteindre l’objectif du gouvernement, qui est de ramener le déficit à 3% du PIB d’ici 2027. Au ministère, à Bercy, ce déficit de plus en plus élevé est imputé à la crise du COVID puis à l’inflation, conséquence de la guerre en Ukraine.
Si les règles du Pacte de stabilité ont été mises en sommeil en réponse à la pandémie ainsi qu’à l’invasion russe, la Commission européenne les a déclenchées à nouveau cette année. Dans un rapport publié mercredi 19 juin, la CE épingle sept pays en matière de non-respect de l'article 126 du traité sur le respect des critères de déficit et de dettes. Le document passe en revue la situation économique et budgétaire des 27 États membres et douze d’entre eux ne satisfont pas les critères de déficit.
Mais l’institution européenne a annoncé une procédure pour sept pays, dont la hausse du déficit ne peut (plus) se justifier par des circonstances exceptionnelles. “La Commission a l'intention de proposer en juillet l’ouverture des procédures, en proposant au Conseil d'adopter une décision au titre de l'article 126, établissant l'existence d'un déficit excessif, pour la Belgique, la France, Italie (7,4% du PIB), Hongrie (6,7%), Malte, Pologne (5,1%) et Slovaquie”, conclut le document.
Ces procédures devront être ouvertes lors de la prochaine réunion des ministres des Finances, prévue pour le 16 juillet. Ces États ont ainsi dépassé le seuil de 3% du produit intérieur brut (PIB), fixé par le Pacte de stabilité, qui limite, par ailleurs, la dette à 60% du PIB. Les “septs déficitaires” devront alors prendre des mesures pour se conformer aux règles budgétaires de l'UE, sous peine de pénalités financières.
Celles-ci sont prévues à hauteur de 0,1 % du PIB par an pour les pays qui n’appliquent pas les mesures correctrices. Dans le cas de la France, la facture s’élève à près de 2,5 milliards d'euros. Les collaborateurs de Bruno Le Maire ont vite réagi. Ils s’attendaient à cette procédure, “tout à fait normale et prévisible", expliquent-ils, et “surtout, cela ne veut pas dire que la situation économique française est mauvaise, au contraire", affirme-t-on. Bercy rappelle alors son objectif de 2027, c’est-à-dire un retour à un déficit de 3%, qui devrait même “être validé” par la CE. "La commission va confirmer une vision positive de l’économie française", dit-on.
Le déficit à 3%, un lointain objectif ?
Mais si les sanctions financières, jamais appliquées, venaient à l’être, Paris, dont le dernier excédent budgétaire remonte à 1974, pourrait voir la facture gonfler au fil des ans. L’annonce “prévisible” aux yeux de Bercy n’est surtout pas nouvelle puisque la France a très souvent été en procédure de déficit excessif depuis la création de l'euro au début des années 2000, avant de réussir à s’en sortir en 2017.
Cette procédure intervient dans un contexte tendu en France, une dizaine de jours après la défaite cuisante du camp présidentiel aux européennes, lors desquels le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a raflé la quasi-totalité des voix en France. En réaction, le président Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée, appelant les électeurs pour des législatives prévues le 30 juin et le 7 juillet pour le second tour, c’est-à-dire avant cette réunion des ministres de la Finance en juillet à Bruxelles.
L’issue de ces législatives est déterminante dans la mesure où l’opposition, de gauche comme de droite, prévoit une hausse des dépenses et un retour sur des réformes recommandées par Bruxelles comme la réforme des retraites. L’UE impose, rappelons-le, une réduction du déficit de 0.5 point par an au minimum.
Satisfaire ce critère ne sera pas une mince affaire, tout comme ramener le déficit de la France à 3% d’ici 2027, dans un contexte de fortes tensions géopolitiques qui mettent les finances publiques à rude épreuve. Fin mai dernier, le Fonds Monétaire International (FMI) a dit anticiper un déficit public pour la France "nettement supérieur" aux prévisions du gouvernement en 2027, appelant l'exécutif à mettre en place "de nouvelles mesures" dès 2024 pour ramener la dette sur une trajectoire descendante.
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