Le système des parrainages entaché d'illégalité ? Un maire saisit le Conseil constitutionnel

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FranceSoir
Publié le 04 mars 2022 - 17:10
Mis à jour le 01 mars 2022 - 18:32
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Thierry Renaux s'adresse au Conseil constitutionnel
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Neyer Valeriano / F. Froger / FranceSoir
Thierry Renaux, maire de Condé les Autry.
Neyer Valeriano / F. Froger / FranceSoir

C’est un recours juridique devant le Conseil constitutionnel qui, selon le requérant, pourrait aboutir non moins qu’au report de l’élection présidentielle de 2022.

Ce mardi 1er mars, Thierry Renaux, maire de Condé les Autry, a formé une requête devant le Conseil constitutionnel contre le décret n°2022-66 adopté suite au Conseil des ministres du 26 janvier 2022. En application de ce décret, les candidats à la présidentielle doivent recueillir 500 parrainages avant le 4 mars 2022 pour se présenter à l’élection suprême, dont le premier tour a été fixé au 10 avril.

Cependant, ce décret, en ce qui s’agit de sa partie relative aux parrainages, pourrait être entaché d'illégalité, d’après le maire de Condé les Autry, qui a lui-même accordé sa signature à un prétendant à la fonction suprême, et son avocate, Me Protat. Selon eux, il ne se conforme pas à l’obligation constitutionnelle d’égalité entre les femmes et les hommes.

Le système des parrainages contraire à la Constitution ?

L’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du président de la République au suffrage universel dispose qu’un élu ne peut parrainer qu’un seul candidat. Cependant, l’article 1er de la Constitution prévoit par ailleurs « l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Par conséquent, pour le requérant, l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962 serait inconstitutionnel puisqu’il porte atteinte au principe de parité femmes-hommes prévu par l’article 1 de la Constitution. Selon M. Renaux, le seul moyen d’assurer ce principe d’égalité est de permettre aux élus de désigner deux candidats, une femme et un homme.

Aussi, pour appuyer son recours contre le décret du 26 janvier 2022, M. Renaux et Me Protat ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) auprès du Conseil constitutionnel, l’enjoignant à répondre à la question suivante :

« L’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République, en tant qu’il ne permet aux élus de ne parrainer qu’un seul candidat à l’élection présidentielle, donc soit un homme, soit une femme, est-il contraire à la Constitution et notamment au principe de parité homme femme ? »

En application de l’article 8 du règlement intérieur du Conseil constitutionnel relatif aux QPC, Me Protat a demandé que l’audience publique (dont la date reste à déterminer) soit retransmise en direct dans une salle ouverte au public dans l’enceinte du Conseil constitutionnel.

Contactée, Me Protat nous explique « qu’une telle question est importante et demande une audience publique afin d’avoir une transparence complète sur cette affaire capitale pour la démocratie ». Si ce recours juridique aboutit et que la parité est appliquée dans le système des parrainages, d'aucuns pourraient estimer qu'il s'agirait d'une voie de secours les maires en proie à diverses pressions.

Depuis la réforme électorale de l’ancien président François Hollande en 2016, les parrainages d’élus ne sont plus anonymes et sont désormais rendus public sur le site du Conseil constitutionnel. C’est pourquoi de nombreux candidats à l’élection présidentielle déplorent un système dans lequel les maires refusent de prendre le moindre risque vis-à-vis de leurs administrés, de leur parti politique, et/ou de la région, du département, de l’intercommunalité dont ils dépendent pour les financements de leurs projets.

Voir aussi : Election présidentielle et signatures : les "candidats hors système" en difficulté

En conclusion, si le Conseil constitutionnel reconnait une violation de la parité en matière d'attribution des parrainages, cette décision pourrait remettre les compteurs de signatures d’élus à zéro et conduire au report pur et simple de l’élection présidentielle.


TEXTE DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ ADRESSÉE AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

 

POUR : Monsieur Thierry RENAUX, ayant pour avocat Maître Diane PROTAT.

SUR : L’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.

 

FAITS

I.1 – Monsieur Thierry RENAUX est maire de la commune de CONDÉ LES AUTRY.

Il a donné son parrainage à _____.

Pièce 1 - Preuve du parrainage donné par le Maire, monsieur Thierry RENAUX au candidat ____.

Cependant, le requérant souhaite pouvoir respecter la parité et pouvoir donner 2 parrainages, l’un à une femme et l’autre à un homme.

C’est l’objet du présent recours.

I.2 – Le 26 janvier 2022 n° 2022-66 a été édicté en Conseil des Ministres, un décret portant convocation des électeurs pour l’élection du Président de la République au visa des articles 6 et 7 de la Constitution.
Ainsi, le premier tour de l’élection présidentielle aura lieu le 10 avril 2022 et le second tour le 24 avril 2022.

Pièce 2 - décret du 26 janvier 2022 n° 2022-66 portant convocation des électeurs pour l’élection du Président de la République

En application de ce décret, les candidats à l’élection présidentielle devront recueillir 500 « parrainages » avant le 4 mars 2022 pour s’y présenter.

I.3 – Le requérant a formé un recours contre ce décret devant le Conseil Constitutionnel soutenant que celui-ci est entaché d’une illégalité résultant de l’incompétence de son auteur.

I.4 – En appui de ce recours, il dépose également par le présent mémoire une QPC à l’encontre de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.

I.5- En application de l’article 8 du règlement intérieur du Conseil constitutionnel relatif aux questions prioritaires de constitutionnalité le requérant demande que l’audience publique qui sera fixée fasse l’objet d’une retransmission audiovisuelle diffusée en direct dans une salle ouverte au public dans l’enceinte du Conseil constitutionnel.

DISCUSSION

II.1 – L’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel dispose que :

« L'ordonnance n° 58-1064 du 7 novembre 1958 portant loi organique relative à l'élection du Président de la République est remplacée par les dispositions suivantes ayant valeur organique.

I. – Au plus tard le quatrième vendredi précédant le premier tour de scrutin ouvert pour l'élection du Président de la République, le Gouvernement assure la publication de la liste des candidats. Lorsqu'il est fait application du cinquième alinéa de l'article 7 de la Constitution, cette publication a lieu quinze jours au moins avant le premier tour de scrutin.

La liste des candidats est préalablement établie par le Conseil constitutionnel au vu des présentations qui lui sont adressées par au moins cinq cents citoyens membres du Parlement, des conseils régionaux, de l'Assemblée de Corse, des conseils départementaux, du conseil de la métropole de Lyon, de l'Assemblée de Guyane, de l'Assemblée de Martinique, des conseils territoriaux de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre- et-Miquelon, du Conseil de Paris, de l'assemblée de la Polynésie française, des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna, maires, maires délégués des communes déléguées et des communes associées, maires des arrondissements de Paris, de Lyon et de Marseille, conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger ou présidents des conseils consulaires. Les présidents des organes délibérants des métropoles, des communautés urbaines, des communautés d'agglomération, les présidents des communautés de communes, le président du conseil exécutif de Corse, le président du conseil exécutif de Martinique, le président de la Polynésie française, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et les ressortissants français membres du Parlement européen élus en France peuvent également, dans les mêmes conditions, présenter un candidat à l'élection présidentielle. Les présentations doivent parvenir au Conseil constitutionnel au plus tard le sixième vendredi précédant le premier tour de scrutin à dix- huit heures. Lorsqu'il est fait application des dispositions du cinquième alinéa de l'article 7 de la Constitution, elles doivent parvenir au plus tard le troisième mardi précédant le premier tour de scrutin à dix-huit heures. Une candidature ne peut être retenue que si, parmi les signataires de la présentation, figurent des élus d'au moins trente départements ou collectivités d'outre-mer, sans que plus d'un dixième d'entre eux puissent être les élus d'un même département ou d'une même collectivité d'outre-mer.

Pour l'application des dispositions de l'alinéa précédent, les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France, les conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger et les présidents des conseils consulaires sont réputés être les élus d'un même département. Pour l'application des mêmes dispositions, les députés et les sénateurs élus en Nouvelle-Calédonie et les membres des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie sont réputés être élus d'un même département d'outre-mer ou d'une même collectivité d'outre-mer. Pour l'application des mêmes dispositions, les ressortissants français membres du Parlement européen élus en France sont réputés être les élus d'un même département. Aux mêmes fins, les présidents des organes délibérants des métropoles, des communautés urbaines, des communautés d'agglomération ou des communautés de communes sont réputés être les élus du département auquel appartient la commune dont ils sont délégués. Aux mêmes fins, les conseillers régionaux sont réputés être les élus des départements correspondant aux sections départementales mentionnées par l'article L. 338-1 du code électoral ; toutefois, les conseillers régionaux du Grand Est qui ont été élus sur la section départementale d'une liste de candidats correspondant à la Collectivité européenne d'Alsace sont réputés être les élus des départements entre lesquels ils sont répartis en application de l'article L. 280-1 du même code. Aux mêmes fins, les conseillers à l'Assemblée de Corse sont réputés être les élus des départements entre lesquels ils sont répartis en application des dispositions des articles L. 293-1 et L. 293-2 du même code. Aux mêmes fins, les conseillers d'Alsace sont réputés être les élus du département où est situé leur canton d'élection. Aux mêmes fins, les conseillers régionaux élus sur la section départementale d'une liste de candidats correspondant à la métropole de Lyon et les conseillers métropolitains de Lyon sont réputés être les élus du département du Rhône.

Les présentations des candidats sont rédigées sur des formulaires, revêtues de la signature de leur auteur et adressées au Conseil constitutionnel par leur auteur par voie postale, dans une enveloppe prévue à cet effet. Les formulaires et les enveloppes sont imprimés par les soins de l'administration conformément aux modèles arrêtés par le Conseil constitutionnel.... »

Ainsi, les élus qui peuvent présenter un candidat sont donc :

• les députés et les sénateurs ;
• les ressortissants français membres du Parlement européen élus en France (considérés comme
élus d'un même département) ;
• les membres des conseils régionaux, des conseils départementaux, de l'Assemblée de Corse, du
conseil de la métropole de Lyon, de l'Assemblée de Guyane, de l'Assemblée de Martinique, des conseils territoriaux de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, de l'assemblée de la Polynésie française, des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna, du Conseil de Paris ;
• les maires, maires délégués des communes déléguées et des communes associées, maires des arrondissements de Paris, de Lyon et de Marseille ;
• les conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger (considérés comme élus d'un même département) ;
• les présidents des organes délibérants des métropoles, communautés urbaines, des communautés d'agglomération et des communautés de communes ;
• le président de la Polynésie française et le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Ces élus doivent être répartis sur au moins trente départements ou collectivités d'outre-mer. Néanmoins, seul un dixième d'entre eux (soit 50) peuvent être les élus d'un même département ou d'une même collectivité d'outre-mer : au-delà de ce seuil, les élus surnuméraires ne sont pas comptabilisés.

Le nombre de mandats concernés est d'environ 47 000. En raison du cumul possible de mandats, le nombre de signataires potentiels correspondait à environ 42 000 élus en 2012, dont plus de 36 000 maires.
Un élu ne peut parrainer qu'un seul candidat et n'apporter à ce dernier qu'un seul parrainage, même s'il cumule différents mandats. Le choix de l'élu est définitif même en cas de retrait de candidature.

II.2 - L’article 1er de la Constitution prévoit que :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales ».

L’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel porte ainsi atteinte au principe de parité homme femme.

En effet, pour assurer ce principe, il n’est d’autre solution que de permettre aux élus de désigner deux candidats, UN HOMME ET UNE FEMME.

La QPC posée par le présent mémoire est recevable du fait du changement des circonstances politiques intervenues en France depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a introduit le principe parité à l'article 1er alinéa 2 de la Constitution.

Il y a donc lieu de déclarer inconstitutionnel l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel en tant qu’il porte atteinte au principe constitutionnel de parité homme femme.

III. – Ceci posé, l’on précisera tout de même que toutes les conditions posées par l’article 23-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel sont évidemment remplies :

- L’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République est évidemment applicable au litige dont l’exposant a saisi le Conseil Constitutionnel,

- En tant qu’il ne permet aux élus de ne parrainer qu’un seul candidat à l’élection présidentielle, donc soit un homme, soit une femme, est-il contraire à la Constitution et notamment au principe de parité homme femme ? »

- Le Conseil constitutionnel ne s’étant pas prononcé sur la compatibilité de ce mécanisme avec le principe de parité entre homme et femme, la question est nouvelle,

- La question n’est évidemment pas dépourvue de caractère sérieux, comme le démontrent les précédents développements ;

 

PAR CES MOTIFS

Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Conseil constitutionnel de répondre, par l’affirmative, à la question suivante :

« L’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République, en tant qu’il ne permet aux élus de ne parrainer qu’un seul candidat à l’élection présidentielle, donc soit un homme, soit une femme, est-il contraire à la Constitution et notamment au principe de parité homme femme ? »

Paris le 1er mars 2022

LISTE DES PIECES :

Pièce 1 - Preuve du parrainage donné par le Maire, monsieur Thierry RENAUX au candidat ___.

Pièce 2 - décret du 26 janvier 2022 n° 2022-66 portant convocation des électeurs pour l’élection du Président de la République


  

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