Loi Travail : la CFDT à contre-courant des autres syndicats
La CFDT a soutenu l'impopulaire loi Travail, au risque d'apparaître comme l'interlocuteur privilégié du gouvernement, mais contrairement à 1995 ou 2003, elle a évité un départ massif de ses adhérents et pourrait même y gagner en termes d'image. "Je suis persuadé que quand tout se mettra en place, l'appréciation négative de cette loi sera loin derrière nous", a récemment déclaré au Monde Laurent Berger, secrétaire général du deuxième syndicat.
Tout au long de la crise sociale et politique autour de ce texte, il a vanté une loi "de progrès social", à contre-courant de la majorité de ses pairs représentatifs (CGT, FO, CFE-CGC), qui ont prévu de manifester une dernière fois jeudi. Certes, son syndicat a dénoncé le déficit de concertation autour de ce texte et critiqué le recours à l'article 49-3 permettant de valider le texte sans vote au Parlement. Toutefois, il a toujours soutenu la loi parce qu'elle octroie de nouveaux droits pour les salariés, dont le compte personnel d'activité (CPA), "prémices d'une protection sociale plus performante pour les travailleurs", selon M. Berger.
La CFDT applaudit également la philosophie même d'un texte accordant une plus grande place à la négociation en entreprise, dénoncée par une majorité de syndicats. "C'est son ADN. Déjà dans les années 1950 ou en 1968, elle avait défendu les accords d'entreprise", rappelle Frank Georgi, historien, spécialiste de la CFDT. Cette loi répond "à de réelles convictions" de la confédération, tant en termes de dialogue social et que de droits nouveaux, ajoute-t-il.
Mais la CFDT s'est retrouvée dans "une position inconfortable de relais du gouvernement", souligne Bernard Vivier, directeur de l'Institut supérieur du travail. "Un des risques que la CFDT court toujours est d'apparaître comme un interlocuteur privilégié, voire unique, du gouvernement", abonde Stéphane Sirot, historien, spécialiste des syndicats. Au plus fort de la contestation contre la loi, au printemps, une quinzaine de ses locaux ont ainsi été dégradés, en même temps que des permanences PS. En interne, son soutien l'a aussi plongée "dans l'embarras. Il y a eu quelques remous, mais pas considérables", selon M. Vivier. Quelques syndicats CFDT ont battu le pavé avec les syndicats anti-loi travail et Laurent Berger a lui-même reconnu "des débats en interne".
L'ombre de 1995 et 2003 a plané. Il y a 21 ans, Nicole Notat, alors numéro un de la confédération, avait soutenu l'impopulaire réforme Juppé, et huit ans plus tard, son successeur François Chérèque avait validé celle, très contestée, des retraites. Résultats: un départ massif de militants, vers SUD ou la CGT notamment. MM. Vivier et Georgi évoquent une perte de 10% des adhérents en 2003. Le scénario ne semble pas se renouveler cette fois. "La CFDT est idéologiquement l'une des organisations les plus homogènes. Les militants en désaccord sont partis ou ont été invités à partir" en 1995 et en 2003, relève M. Sirot. "Ceux qui sont restés, et les nouveaux adhérents, sont en phase avec la ligne confédérale, ce qui explique qu'on n'ait pas eu de départs similaires" à 2003, ajoute M. Georgi.
La CFDT, qui espère détrôner la CGT de sa place de premier syndicat, va-t-elle sentir les effets de son soutien dans les urnes? "Il peut y avoir un danger, mais les élections précédentes n'ont pas montré que la CFDT le payait", souligne M. Sirot. "La CFDT se taille une image moderne de champion du réformisme, s'inscrivant dans une logique européenne où ces réformes ont déjà eu lieu", avance M. Vivier. De son côté, M. Georgi pense qu'elle "peut y gagner une image de syndicat courageux, agissant à contre-courant". Mais la CGT n'est pas en reste. En maintenant la contestation pendant des mois contre une loi impopulaire, elle a également "renforcé son image auprès des salariés", ce qui pourrait aussi payer lors des prochaines élections dans les TPE, relève M. Vivier.
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