Macron envisage le "démantèlement" de Facebook et la suppression de l'anonymat en ligne
"Il faut créer un ordre public, comme dans la rue", répond Emmanuel Macron à la question du Point : "réguler les plateformes, vous y arriverez ?" Au cours de cet entretien paru mardi 12 avril, le président-candidat ne mentionne pas moins que le "démantèlement" des réseaux sociaux "en situation de monopole" tels que Facebook, ainsi que "la violence par l'anonymat", dont il veut aussi se défaire. Une fois n'est pas coutume, il prévoit pour cela de s'appuyer sur l'Union européenne.
Sombre tableau des réseaux sociaux
Suite à une série de questions géopolitiques sur l'Ukraine, Emmanuel Macron s'attaque en premier lieu à la question de "l'addiction aux écrans". Il entame sa diatribe en assurant : "Elle détruit aussi la véritable amitié. Et la dialectique, l'art de la discussion : elle enferme, provoque un recroquevillement sur des cercles de followers." Et d'ajouter tout de suite après : "Il n'y a rien de plus désespérant que des gens qui pensent tous de la même façon." Amusant de la part d'un président qui n'a pas brillé par son incitation au pluralisme, lui qui, fort d'une imbattable majorité au Parlement, a coupé l'herbe sous le pied des différentes institutions de contrôle (Conseil d'État, Conseil constitutionnel, etc.) et de l'opposition, a refusé la confrontation avec les journalistes, ou avec ses concurrents dans les débats de campagne à l'approche de l'élection... Il s'en est peut-être rendu compte tout seul, puisqu'il assure : "Cela vaut pour moi aussi !"
Le président sortant enchaîne avec l'anonymat en ligne : "Dans une société démocratique, il ne devrait pas y avoir d'anonymat." Selon lui, c'est en partie à cause des pseudonymes que les réseaux sociaux peuvent "tuer des réputations, propager des fausses nouvelles, pousser des gens au suicide." À ce sujet, le Secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, Cédric O, assurait que c'est "un très mauvais combat". Selon lui, plutôt que de tirer un trait sur l'anonymat, il vaudrait mieux se pencher sur l’opacité du fonctionnement des algorithmes et sur leur modération, qui sont une "aberration sociétale et démocratique". Il explique que le recours au pseudonyme, s'il permet d'éviter des répercussions personnelles, n'empêche en rien le fait "que la police et la justice ont les moyens de les retrouver et de les sanctionner". Souvent, il s'agit ni plus ni moins que de marquer une séparation entre la vie réelle et la vie numérique.
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Mais Emmanuel Macron n'en démord pas. Il prend l'exemple de Marc Zuckerberg et d'Elon Musk, "qui ont aussi une vision du monde", pour expliquer que "la société qui se dessine ainsi n'est pas toujours démocratique…" Mais n'y a-t-il rien de plus désespérant que des gens qui pensent tous de la même façon ?
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"Il faut aller plus loin" dans le contrôle
Là encore, en grand défenseur de l'Europe, Emmanuel Macron mise sur la coopération internationale pour mener son combat. Il se félicite d'ailleurs que "les Européens [aient] été les premiers à créer un standard" et que la Commission ait"infligé de lourdes amendes". Cela étant, "il faut aller plus loin" en renforçant les liens. Le président du Conseil européen compte sur la mise en commun d'un "impôt minimal" pour "les [les plateformes, ndlr] rattraper en demandant de payer en fonction de leur chiffre d'affaires mondial."
En dernier recours, il n'exclut pas le "démantèlement [...] si cela s'avère nécessaire". Fidèle à lui-même, Emmanuel Macron voit les choses en grand, sans pour autant se faire d'illusion ; pour construire une telle force de régulation, il faudra s'appuyer sur l'aide des Américains. "Nous bâtissons progressivement des solutions, mais il n'est pas vrai que l'on aura quelque chose de 100 % français ou européen tout de suite, cela prendra du temps, et représentera un investissement énorme", explique-t-il au Point.
Vers la "souveraineté européenne" en matière de numérique
Dix ans : c'est le délai qu'Emmanuel Macron prévoit pour "assurer notre souveraineté dans les domaines des plateformes, des applications mobiles, des métavers, du cloud de la cybersécurité". Cela fait d'ores et déjà partie de son programme de campagne. Selon lui, pour pouvoir finalement se passer de la tutelle américaine, il faudrait faire tomber les "27 barrières" qui empêchent nos entreprises de grandir.
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Notons qu'à l'échelle européenne, les barrières numériques tombent déjà peu à peu... pour plus de contrôle. La Commission planche notamment sur l'instauration d'un système de reconnaissance faciale international, en plus d'un passeport d'identité numérique européen.
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