"Malmenés", les fonctionnaires défendent leur statut et les services publics
"Malmenés" par un gouvernement qui "veut tout privatiser", infirmiers, postiers ou enseignants ont manifesté dans une rare unité syndicale mardi pour défendre leur statut et les services publics, lors de leur troisième journée de mobilisation depuis l'élection d'Emmanuel Macron.
Le fonctionnement des écoles et collèges était perturbé, de même que l'accueil dans les crèches, des avions étaient cloués au sol et des coupures de courant étaient annoncées.
Le ministère de l'Intérieur a compté 139.000 manifestants en France (dont 15.000 à Paris), contre 323.000 le 22 mars et 209.000 le 10 octobre, date de la première journée d'action à l'appel -- déjà -- des neuf syndicats de la fonction publique (CGT, CFDT, FO, Unsa, FSU, Solidaires, CFTC, CFE-CGC et FA).
"La détermination ne faiblit pas", a écrit de son côté la CGT, se félicitant de "centaines de milliers de manifestants" et de taux de grévistes "au moins équivalents à ceux du 22 mars".
A Paris, 16.400 personnes ont pris part au défilé, d'après le comptage du cabinet Occurrence pour un collectif de médias, dont l'AFP. Ils étaient 50.000 selon FO et 30.000 selon la CGT fonction publique, qui a évoqué un comptage difficile vu les "conditions chaotiques" de la manifestation, marquée par des échauffourées entre forces de l'ordre et manifestants cagoulés, et perturbée par un orage.
Fait inédit depuis 2010, tous les grands leaders syndicaux étaient présents.
L'unité syndicale est "une très bonne chose" car "ça donne une autre image du syndicalisme", a dit Philippe Martinez (CGT). "Les agents publics sont malmenés aujourd'hui et ils méritent d'être respectés", a abondé Laurent Berger (CFDT), tandis que Pascal Pavageau (FO) assurait que l'unité pourrait "prendre une dimension interprofessionnelle".
Le cortège, auquel de nombreux étudiants ont pris part, s'est dispersé dans le calme sur la place de la Nation, où des manifestants ont brûlé une effigie d'Emmanuel Macron. Auparavant, les forces de l'ordre avaient procédé à 24 interpellations.
Après dispersion du cortège, plusieurs dizaines de personnes ont pénétré dans le lycée Arago (XIIe arrondissement), avant d'en être évacuées par les forces de l'ordre. Selon la préfecture, 101 personnes ont alors été arrêtées, dans "un premier temps pour contrôle d'identité".
- "Mépris" et "indécence" -
A Marseille, facteurs, enseignants et retraités ont manifesté dans la matinée, de même qu'à Lyon, où ils étaient 4.500 selon la police. Souvent rejoints par des étudiants, lycéens ou cheminots, les fonctionnaires étaient 4.300 à Nantes, 2.700 à Caen, 2.200 à Périgueux, 2.800 à Rennes, 1.600 à Perpignan et Saint-Etienne ou encore 500 à Auch, d'après les autorités.
Infirmière au CHRU de Brest, Pascale Lestideau a dénoncé des conditions de travail "extrêmement difficiles" et des coupes budgétaires "intolérables". "Tout cela nous oblige à renoncer à nos valeurs de soins et ça c'est très, très dur pour nous", a-t-elle dit.
"Hôpital à bout de souffle!", pouvait-on lire sur une pancarte à Caen, ou encore "Ehpad, retraites, facs, services publics, le casseur c'est Macron".
Anaïs, 42 ans, employée dans une cantine, a défilé à Montpellier contre un "gouvernement ultralibéral (qui) veut tout privatiser" et se défend d'être "une privilégiée". "Quand j'entends ça dans la bouche de Macron et compagnie, je trouve ça indécent".
A Rennes, Gildas Le Hec'h a aussi fustigé le "mépris" de la majorité présidentielle : "Quand on ne sait pas quoi faire, on dit que les fonctionnaires coûtent cher. Balayer les couloirs d'une école ou les routes à 1.100 euros, vous trouvez ça cher ?".
Dans la manifestation lilloise, la maire PS Martine Aubry a critiqué un président qui veut "aider ceux qui ont déjà tout", pointant du doigt "la difficulté actuelle à l'hôpital public, dans les Ehpad, la réforme des retraites, les propos sur les fonctionnaires".
- "Moderniser" le statut -
Déterminés, les syndicats représentant 5,7 millions d'agents ont affiché une solidarité rare: les neuf, déjà unis le 10 octobre, n'avaient pas lancé d'appel unitaire depuis une dizaine d'années.
Dans leur viseur: la suppression de 120.000 postes durant le quinquennat, le report d'un an du plan de revalorisation des carrières des fonctionnaires (PPCR), le maintien du gel du point d'indice qui sert au calcul des salaires, et le rétablissement du jour de carence (paiement du salaire à partir du deuxième jour d'arrêt maladie).
Une concertation avec le gouvernement, démarrée fin mars, n'a fait qu'aggraver les inquiétudes. Les orientations choisies, dont une extension du recours aux contractuels, constituent, selon eux, une "attaque" du statut du fonctionnaire.
"Nous ne remettons pas en cause le statut. Nous voulons l'adapter, le moderniser", a réaffirmé mardi à l'Assemblée le secrétaire d'État à la Fonction publique, Olivier Dussopt. Sur BFMTV, il a évoqué une mobilisation "en baisse" avec "10,3%" de grévistes mardi à 17H00, contre "13%" le 22 mars.
La réforme doit déboucher sur un projet de loi au 1er semestre 2019 mais les fonctionnaires attendent avec méfiance le rapport CAP 22, censé dégager des pistes d'économies.
la-sp-awa-jta/cel/ct
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.