Restrictions des libertés individuelles et numériques : le gouvernement met les bouchées doubles
Se dirige-t-on en France, et dans l’indifférence générale, vers un régime autoritaire ? Si l’on assiste depuis 2015 à une boulimie législative sur tout ce qui a trait à la sécurité et au terrorisme, la Macronie met les bouchées doubles quant à la restriction des libertés individuelles, publiques et même numériques. En l’espace de quelques semaines, une dizaine de textes ou de mesures, controversées et jugées liberticides, ont été adoptées par le Parlement ou appliquées par les autorités. Censure sur les réseaux sociaux, criminalisation de la liberté d’expression et des opinions divergentes, instauration de nouveaux délits ou restriction du droit à la grève… Si certaines dispositions, comme l'état d’urgence sanitaire pendant la pandémie de COVID, sont justifiées par les Jeux olympiques de Paris cet été, d’autres laissent peu de place à de l’optimisme.
Ardemment souhaitée par le gouvernement, la censure sur les réseaux sociaux en France tient l’un de ses premiers cas, depuis le 15 février 2024. Quelques jours après la publication par l’organisme français de lutte contre les ingérences étrangères d’un rapport sur un “vaste réseau de propagande russe” à destination des États-Unis et de l’Europe, au moins une vingtaine de canaux Telegram ont été supprimés pour avoir publié, selon la version officielle, des contenus “pro-russes”.
Censurer et contrôler, en public ou en privé
Le rapport, réalisé par Viginum, organisme chargé de lutter contre les ingérences numériques étrangères, présentait ces 20 canaux comme étant les principales sources de portails russophones. Trois jours après la révélation de cette publication, les habitués de ces fils d’actualités ne pouvaient plus les retrouver et leurs membres apprenaient que “ces canaux ne peuvent être affichés, car ils ont enfreint la législation locale”.
Cette mesure suscitait l'inquiétude, car elle s’inscrivait dans un contexte plus large, marqué par une pression croissante des institutions de l’État sur la liberté d’expression et de l’information. Le lendemain de la publication du rapport de Viginum, le Conseil d'état ordonnait à l’ARCOM de contrôler le contenu des programmes de CNews en “réexaminant, dans un délai de six mois, le respect par la chaîne CNews de ses obligations en matière de pluralisme et d’indépendance de l’information”. L’Autorité de régulation se retrouve alors dotée du pouvoir d’apprécier “le pluralisme des courants de pensée”.
Ce même mois de février, le Digital Service Act (DSA), règlement européen sur les services numériques, est entré en vigueur en France. Certaines dispositions du texte sont jugées comme étant trop restrictives pour les plateformes, notamment la modération de contenus sur les réseaux sociaux, ce qui peut entraîner une restriction des libertés de parole et de communication en ligne.
Le mois de mars a apporté son lot de lois jugées liberticides. Une proposition de loi, votée le 6 mars en première lecture à l'Assemblée nationale, entend réprimer les propos à caractère discriminatoire tenus en privé. Il s’agit de la loi contre l'antisémitisme et le racisme, qui transforme en délit la provocation, la diffamation ou l’injure à caractère raciste ou discriminatoire, particulièrement dans la sphère privée, y compris dans une messagerie privée comme WhatsApp ou Telegram.
Le texte instaure également le délit d’apologie non publique des crimes de guerre, puni d'un an de prison et de 45 000 euros d’amende, ou encore le délit de contestation non publique d’un crime contre l’humanité, qui sera puni de 3 750 euros d'amende.
Praticiens de la Santé, journalistes ou citoyen lambda
Fin mars, l’Assemblée nationale votait en première lecture, après un débat pour le moins intense et houleux, la proposition de loi visant à "prévenir les ingérences étrangères en France". Son article phare vise à recourir à une technique de renseignement actuellement utilisée dans le cadre de la lutte antiterroriste.
Après la loi contre l'antisémitisme et le racisme, c’est au tour du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN) d’instaurer un nouveau délit. Adopté durant l’été 2023, le texte est passé par une commission mixte paritaire adoptée par le Sénat le 2 avril et par l’Assemblée ce mercredi 10 avril 2024. La nouvelle version instaure alors le "délit d'outrage en ligne", ajouté à l’article 5 bis du texte, qui vise à punir, par une amende et un an d’emprisonnement, sans passer par un tribunal, quiconque diffuse en ligne un contenu à “caractère injurieux”.
A cela s’ajoute l’autre pouvoir dont est désormais dotée l’ARCOM, à savoir ordonner, avant même de passer par un juge, le blocage et le déréférencement, par les opérateurs télécoms, de sites pornographiques ou surtout, des médias faisant l’objet d’une interdiction dans l’espace européen.
La veille, mardi 9 avril, c’est cette fois-ci un texte restreignant les libertés syndicales qui a été adopté par le Sénat. Il s’agit d’une proposition de loi visant à limiter, à quelques mois des Jeux olympiques, les grèves des transports pendant certaines périodes à définir.
Le même jour, les députés ont définitivement adopté le projet de loi "visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires”. Déposé en novembre 2023 au Sénat par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, le texte, qui instaure d’autres délits, a été adopté par la chambre haute du Parlement en février dernier. L'article de la discorde, le numéro 4, réintroduit par la commission des lois et visant aussi bien les praticiens de la santé, est le plus inquiétant.
L’exécutif affirme ne pas avoir “l’intention d’interdire la critique médicale” mais de “mettre hors d’état de nuire les gourous 2.0” mais peine à calmer la crainte que cette disposition ne restreigne la liberté du débat scientifique, en particulier médical, ainsi que pour la liberté des patients en matière de choix thérapeutiques.
Après cette liste à la Prévert, le gouvernement peinera à faire croire que tout ceci est pour le bien des citoyens... de plus dans la plupart des cas de ces projets de lois liberticides, les représentants des français, sénateurs comme députés, auront brillé par leur absentéisme et leur manque de sérieux, concernant un sujet qui est cher, en ces temps troublés, la liberté. Une denrée qui fond comme neige au soleil, au pays des droits de l'Homme et qui peu à peu se transforment en devoirs.
La mobilisation lors des prochaines élections pourrait être la meilleure réponse à apporter aux représentants des français, pour leur signifier que sans voix à leur égard, ils ne seront plus leurs représentants.
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