Entre liberté éditoriale et contrôle du pluralisme : l'Arcom aussi au cœur des débats sur l'indépendance des médias
A l’heure où une quarantaine de Sociétés de journalistes, vingt médias et des syndicats réclament, dans une tribune du Monde, à la ministre de la Culture Rachida Dati de "garantir l'indépendance des rédactions", et ce, suite à la crise survenue au quotidien régional La Provence (détenu par l'armateur CMA CGM du milliardaire Rodolphe Saadé, proche d’E. Macron), le président de l’Arcom s’oppose aux chaînes qui ne développeraient à son sens qu'un seul courant de pensée.
Au micro de France Inter ce mercredi 27 mars, Roch-Olivier Maistre, le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), assure qu’« on ne peut pas avoir une chaîne d’opinion en France ».
Cependant, il tente de rassurer en estimant qu’il « n’est pas question de rentrer dans un catalogage, dans un étiquetage, un fichage de tous les intervenants dans les antennes de radio et à la télévision ». Pour autant, il estime que le régulateur des médias se doit de prendre « en compte les interventions des chroniqueurs et animateurs » pour « apprécier le respect par un éditeur du pluralisme des courants de pensée et d’opinions ».
Ces propos font suite au recours de l’ONG Reporters sans frontières à l’encontre de la chaîne d’informations CNews. Le Conseil d’Etat demande alors à l’Arcom de procéder à un contrôle renforcé. Ainsi, le président précise que le Conseil d’Etat leur « demande d’élargir notre focale, d’avoir un regard plus large sur l’appréciation du pluralisme et d’avoir un regard plus global sur l’ensemble des intervenants pour voir s’il n’y a pas un déséquilibre manifeste et durable au principe du pluralisme ».
De ce fait, une définition plus précise du temps de parole de personnalités politiques se dessine. En effet, les politiciens encartés sont soumis à un décompte du temps de parole sur les chaînes télévisées. La distinction est plus floue concernant les anciens élus ou personnes ayant cessé d’être encartées. Roch-Olivier Maistre précise que « la jurisprudence du Conseil d'État laisse au régulateur un certain pouvoir d'appréciation de personnalités qui sont sorties de la vie politique au sens où ils n'ont plus de mandat politique ou qu'ils ne sont plus encartés, mais qui néanmoins restent des acteurs politiques ». Ce pouvoir d’appréciation est mené à se durcir afin de limiter l’omniprésence de certains anciens politiciens. L’exemple est donné de Philippe de Villiers, présent dans les médias et n’hésitant pas à publier des « tribunes considérées comme des tribunes de nature politique » avant qu’il ne rejoigne Reconquête fin 2021.
L’Arcom se défend cependant de procéder à un quelconque fichage des intervenants plateaux et studios, tout en tentant malgré tout à prendre appui sur certains « faisceaux d’indices ». Il se devra alors de répondre aux questions suivantes : « Quelles sont les thématiques traitées ? Est-ce que c'est traité par une pluralité d'intervenants ? Quel sens d'expression est pris sur telle ou telle thématique dans la durée ? Y a-t-il un déséquilibre manifeste et durable ou pas ? ».
Soyons pour autant assurés que le régulateur tient en premier lieu au principe de base de la « liberté éditoriale des médias ». Le président assure même qu’« un éditeur est tout à fait libre de choisir les thèmes qu'il veut traiter et la façon dont il les traite, il est libre de choisir les intervenants qu'il veut inviter sur ses plateaux ». Le Conseil d’Etat se montre cependant pressurisant et donne six mois à l’Arcom pour débuter l’étude du « respect par un éditeur du pluralisme des courants de pensée et d’opinions ».
Une attitude qui questionne quant à la volonté du pouvoir de contrôler les media, par leurs actionnaires, en légiférant, ou en utilisant les pouvoirs de la juridiction suprême de l’ordre administratif à savoir le Conseil d’Etat.
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