Ukraine : la chaine CBS censure un documentaire qui révèle que 70% des armes américaines n'arrivent pas à destination

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FranceSoir
Publié le 09 août 2022 - 21:30
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ANGELA WEISS / AFP
la chaine américaine CBS News a partiellement censuré un de ses documentaires qui révélait que seulement 30% des milliards de dollars d’aide militaire fournie par les États-Unis à l’Ukraine atteignaient leur destination.
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Après de vives réactions d’indignation de la part du gouvernement ukrainien, la chaine américaine CBS News a partiellement censuré un de ses documentaires qui révélait que seulement 30% des milliards de dollars d’aide militaire fournie par les États-Unis à l’Ukraine… parvenaient réellement sur le front de guerre, rapporte Insider. Pour motif, CBS argue que le contrôle des livraisons d’armes se serait en réalité amélioré depuis fin avril, date du tournage.

Dans un tweet publié le vendredi 5 août, CBS faisait la promotion d’un nouveau film-documentaire Arming Ukraine (Armer l’Ukraine) : « Le nouveau documentaire de CBS Reports explore pourquoi une grande partie des milliards de dollars d'aide militaire que les États-Unis envoient à l'Ukraine n'arrivent pas sur les lignes de front : 30% atteint sa destination », écrivait le média sur Twitter.

« Inonder un pays avec des armes modernes peut entrainer de graves conséquences, même si cela est fait avec les meilleures intentions », pouvait-on lire par ailleurs dans l’article de description du reportage sur le site Internet de la chaine.

Mais depuis, l’article a été mis « mis à jour », selon les termes employés par CBS, et le film supprimé de son site Web au cours du weekend dernier. Faisant face à une avalanche de questions concernant les motivations qui ont sous-tendu cette décision, le média s’en est finalement expliquée sur Twitter :

« Nous avons supprimé un tweet promouvant notre dernier documentaire Arming Ukraine. Celui-ci citait le fondateur de l'association à but non lucratif Blue-Yellow, Jonas Ohman, qui affirmait fin avril qu’environ 30% de l'aide atteignait les lignes de front en Ukraine ». Et d’ajouter : « Depuis lors, Ohman dit que les livraisons se sont améliorées. De plus, l'armée américaine a confirmé que l'attaché de défense, le général de brigade Garrick M. Harmon, est arrivé à Kiev en août en vue d’assurer le contrôle et la surveillance des armements (livrés) ».

Dans le documentaire, ce dernier affirmait pourtant sans ambages : « Tout ce matos passe la frontière, puis quelque chose se passe, 30% (de l’armement) atteint sa destination finale. » En outre, Jonas Ohman soulignait les problématiques liées à l'acheminement de l’armement aux unités désignées de l'armée ukrainienne. Selon lui, il faut composer et parlementer avec un vaste réseau de « seigneurs, d'oligarques [et] d'acteurs politiques ».

Comme l’expliquait début juillet Teresita Dussart, journaliste pour FranceSoir, dans une chronique sur le défaut de traçabilité des fonds occidentaux à destination de l’Ukraine, les soutiens financiers et militaires stratosphériques apportés à ce pays se déroulent dans un contexte institutionnel réputé internationalement pour son niveau de corruption endémique.

Voir aussi : La traçabilité des fonds vers l’Ukraine se perd

S’agissant des « contrôles livraisons », dans un article du 19 avril titré « Qu’arrive-t-il aux armes envoyées en Ukraine ? Les États-Unis ne savent pas vraiment », le média américain CNN rapportait les propos d’un représentant du département de la Défense qui reconnait « que les livraisons pourraient à terme terminer dans des lieux inattendus. » Et CNN de préciser : « En privé, les responsables (américains) reconnaissent que l'Ukraine est incitée à ne fournir que des informations renforçant sa position selon laquelle elle a besoin de plus d'aide, plus d'armes et plus d'assistance diplomatique », qui indique par ailleurs qu’« inévitablement, certaines des armes pourraient finir sur le marché noir. » Un danger majeur, puisque, par le passé, le matériel militaire vendus par les États-Unis à des pays comme l’Afghanistan, l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis, ont fini dans les mains de groupes terroristes islamistes, explique le média.

Dans le documentaire de CBS, un conseiller principal de crise travaillant pour l’ONG Amnesty International ne cache pas son indignation à propos de la désinvolture occidentale : « Ce qui est vraiment inquiétant, c'est que certains pays qui envoient des armes ne semblent pas penser qu'il est de leur responsabilité de mettre en place un solide mécanisme de surveillance ».

Voir aussi : Amnesty International et l’Ukraine: une polémique interne inédite

Pour autant, les responsables à la tête du gouvernement ukrainien, à l’instar de nombreux internautes sur les réseaux sociaux, ont aussitôt accusé la chaine américaine de faire le jeu de la « propagande russe ». Le 5 juillet, le ministre russe de la Défense russe Sergueï Choïgou avait déclaré lors d’une allocution retransmise à la télévision qu’une partie des équipements militaires livrés à Kiev « se propage au Moyen-Orient, et finit également sur le marché noir ».

Des inquiétudes en vérité aussi partagées par l’Union européenne, qui a fait part le 7 juillet de ses craintes de voir ces armes quitter clandestinement l'Ukraine pour équiper les gangs criminels en Europe. « Nous savons combien d'armes il y a en Ukraine et bien sûr, toutes ne sont pas toujours entre de bonnes mains », déclarait ainsi la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson.

Pourtant, cela n’a pas empêché le Centre for Strategic Communications and Information Security (Centre pour les communications stratégiques et la sécurité de l'information) de qualifier le 5 août le documentaire de CBS de « sinistre », affirmant que « tout l’équipement reçu est enregistré suivant la même procédure que celle utilisée aux États-Unis ».

D’aucuns y voient là un possible motif de pression qui aurait influencé le média à censurer son documentaire. « Nous mettons à jour notre documentaire pour refléter ces nouvelles informations et le diffuser à une date ultérieure », a ainsi fait savoir la chaine sur son compte Twitter.

Une action encore insatisfaisante pour le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, qui a également exigé que la chaine américaine mène une « enquête interne afin de savoir qui a autorisé ça et pourquoi ».

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