Un samedi avec les Gilets jaunes de Rhône-Alpes

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FranceSoir
Publié le 23 juin 2020 - 13:40
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Gilets jaunes isere
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Un rassemblement interdépartemental dans un espace privé pour les Gilets jaunes
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Sortis dans la rue le 17 novembre 2018 pour protester contre la taxe carbone, les « invisibles » sont-ils redevenus invisibles ? Le mouvement des Gilets jaunes, « insaisissable et mouvant » pour reprendre des termes entendus lors d’un séminaire de journalistes organisé vendredi dernier à Nantes, s’est effacé de la sphère médiatique. Pourtant, la base espère encore « un monde meilleur ». 
 
Les Gilets jaunes. Le terme est souvent conjugué au passé, quand on n’entend pas parler «d’ultra jaunes » ou de « gilets jaunes radicalisés ». De fait, le gilet fluorescent n’envahit plus guère les rues des villes le samedi, les manifestations sont d’ailleurs presque systématiquement interdites. Et bien que plus d’une bonne centaine de ronds-points soient toujours « occupés », ce chiffre pèse certes peu au regard des milliers qui avaient été pris d’assaut à l’automne 2018. 
 
Rendez-vous en Isère
 
Par lassitude, par peur de la récupération politique, par obligation familiale ou économique, par crainte de la répression ou par condamnation judiciaire, ou pour cent autres raisons, bon nombre de Gilets jaunes sont effectivement rentrés à la maison. D’autres ont abandonné la chasuble pour s’engager dans des combats parallèles, politiques ou syndicaux, se déclarant « citoyen en colère ». Et puis, il y a ceux qui ne se résignent pas…
 
Ils sont là, plus d’une centaine, à se réunir dans un pré privé du nord de l’Isère, en ce samedi ensoleillé de juin. Retrouvailles d’après confinement, rassemblement pour « faire le point » et se définir un avenir, tous les départements limitrophes sont représentés, les badges arborent le nom des groupes locaux, une vingtaine au total d’Ardèche, du Rhône, de Savoie... Le rendez-vous n’a pas été ébruité sur les réseaux sociaux, canal de communication pourtant privilégié des « jaunes », la crainte de l’interdiction, toujours. 
 
A l’image de ce qui se pratique au niveau national dans les ADA (Assemblées des assemblées), la journée de travail se décompose en ateliers d’une dizaine de personnes. Chacun est invité, après discussion d’une heure, à émettre des propositions qui seront ensuite soumises au vote de l’ensemble des participants. Ces Gilets jaunes en ont manifestement fait, de la route, sur le chemin d’une démocratie participative qu’ils s’appliquent à eux-mêmes. 
 
Démocratie directe et pouvoir d’achat
 
Au moment de se prononcer sur les revendications prioritaires, c’est d’ailleurs le thème qui arrive en tête des suffrages. Les Gilets jaunes de Rhône-Alpes présents ce samedi demandent davantage de démocratie directe et de « souveraineté du peuple », et cela passe par un outil, le RIC, le Référendum d’initiative citoyenne. Faut-il, pour le faire comprendre à la population, prôner d’abord son instauration au niveau local ? Tous ne sont pas d’accord sur cette question, le débat reste en suspend, sans doute jusqu’à la prochaine réunion régionale. 
 
L’autre cause qui tient particulièrement à coeur des Gilets jaunes, c’est le pouvoir d’achat, ce « vivre dignement » qui les a fait sortir de chez eux il y a 19 mois déjà. Elle se rapproche de cette justice sociale et fiscale qu’ils réclament, laquelle est aujourd’hui indissociable, pour eux, de la justice environnementale. Défense des services publics et des biens communs se placent également en bonne position dans les revendications et l’on s’aperçoit que même si le mouvement a pu donner l’impression de se perdre dans des combats multiples, le « socle des attentes » reste profondément le même. 
 
Conscience politique 
 
Où sont les « séditieux », les « jauniasses », les « incultes », les « casseurs » et autres qualificatifs lus et entendus quand il s'est agi de caricaturer et de discréditer le mouvement ? Visiblement pas dans ce champ isérois ce samedi de juin. C’est une autre caractéristique de ces citoyens ordinaires. Les mois de lutte leur ont aussi donné le temps de se renseigner, de se familiariser avec les lois et les décrets, de s’enrichir mutuellement, de travailler leurs sujets, seuls ou en réunion. Ils ont appris à s’informer en dehors de ces médias mainstream dont ils se méfient toujours autant, avec certes, parfois, quelques dérives que d’aucuns qualifieraient de « complotistes ». 
 
A l’heure du pique-nique, Bertrand, la trentaine, présente aux groupes réunis à l’ombre bienvenue des barnums un véritable travail de fond sur la dette sociale et son financement. Peu importe que ses explications tiennent ou non la route s’il devait avoir en face de lui de grands spécialistes de la question. Ils y trouveraient sans doute à redire, mais le jeune homme pourrait surtout être l’incarnation de ce qui au fond réunit aujourd’hui tous les Gilets jaunes de France : le développement d’une conscience politique, ce qu’ils appellent eux-mêmes « l’éveil du peuple ». 

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