Victoire du RN aux Européennes : le Syndicat des magistrats appelle à “la mobilisation”, séisme chez LR, la gauche appelle à un “nouveau Front populaire”

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France-Soir
Publié le 12 juin 2024 - 12:00
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Jocard / AFP
Jocard / AFP

Au surlendemain du score historique du Rassemblement national (RN) aux élections européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, le Syndicat de la magistrature a appelé, dans un communiqué de presse diffusé hier mardi 11 juin 2024, à “se mobiliser contre l’accession au pouvoir de l’extrême droite”. L’organisation annonce son intention de prendre part aux “mouvements collectifs” et “manifestations” attendues, qualifiant sa participation de “résistance” face à “l’ancrage électoral sur tout le territoire de l’extrême droite”.  

Le score du président du RN, Jordan Bardella, illustre justement cet “ancrage”, à savoir la voix des Français, et soulève de ce fait la curiosité que suscite le communiqué du syndicat de la magistrature.  

Bardella fait (la quasi) unanimité, Hayer paie les pots cassés 

Une victoire sans appel. Aux élections européennes, le RN s’est accaparé la part du lion, soit 31,47 % des suffrages exprimés, dépassant ainsi ses adversaires chez Renaissance, Reconquête, Modem, Horizons ou encore La France Insoumise (LFI). Jordan Bardella remporte même ces territoires qui ont toujours échappé à son parti politique et ce, avec des scores impressionnants.  

Du nord au sud, de l’est à l’ouest, dans les grandes agglomérations ou en périphérie, le RN est en tête dans 32 613 communes sur 35 015, soit dans 93% des communes Françaises, avec des pourcentages qui avoisinent ou dépassent parfois la moitié des suffrages, comme dans l’Aisne ou la Haute-Marne. Même en Ile-de-France, le RN a raflé les Yvelines, l’Essone ou encore Seine-Saint-Denis. Seul Paris, les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne résistent au déferlement. 

Avec ses 10 millions d’habitants Paris lieu où tout se décide, les hautes sphères comme on dit en province, semble de plus en plus déconnecté avec la réalité du sol, déconnecté de ces 60 millions de Français qui ne travaillent plus que pour nourrir les ors cachés derrière de hauts murs protégés désormais par les armes. 

Valérie Hayer, du camp présidentiel, arrive en 2e position avec 14,6% des voix, c’est-à-dire un écart de 16 points par rapport à Jordan Bardella. Une débâcle pour le camp présidentiel, conséquence logique d’une campagne apathique, atone, et pourtant calculée, menée par cette eurodéputée, présidente du groupe Renew Europe au Parlement européen. 

Désignée fin février après plusieurs mois d’hésitation à l’Elysée, Valérie Hayer met un pied dans une campagne qui bat déjà son plein. Le choix du chef de l’État, qui semblait résigné après le refus d’autres dirigeants macronistes, interrogeait et suscitait des inquiétudes. “Bardella va encore crever l’écran, donc c’est une stratégie fragile. On sait que l’élection ne se jouera pas dans le champ du rationnel”, estimait une députée du camp présidentiel.  

Déclarations maladroites dans ces discours, dominée lors du débat avec le président du RN, Valérie Hayer est (vainement) secourue par le Premier ministre, Gabriel Attal, qui s’implique de plus en plus dans la campagne avec un autre débat face à Jordan Bardella le 23 mai dernier. Secours parfois tout aussi maladroit, comme l’irruption très critiquée du même ministre dans un auditorium de Radio France où se tenait un débat sur les européennes avec Valérie Hayer, confirmant la position fragile de cette dernière.  

Eric Ciotti interpelle le RN et tourne le dos aux siens 

Dès l’annonce des résultats, le président Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l'Assemblée nationale, appelant les Français à des élections législatives qui auront lieu le 30 juin (1er tour) et 7 juillet (2nd tour). Les réactions s’affolent. La gauche disserte sur un "nouveau Front populaire" pour faire le poids lors du prochain scrutin, tandis que Reconquête de Marion Maréchal et d’Eric Zemmour fait des pieds et des mains pour décrocher un accord avec le RN, sans y parvenir.  

La surprise vient surtout des Républicains, dont le président a aussi bien rompu avec la tradition du parti qu’avec l’appareil, en demandant un accord avec le Rassemblement national, mardi 11 juin 2024. Les critiques pleuvent sur Eric Ciotti, dont la posture confirme, aux yeux de certains, une ligne de longue date qui provoquera, aux yeux de certains, une scission chez les Républicains.  

Il justifie sa manœuvre par la situation politique actuelle, marquée, à gauche, par “une alliance contre nature avec les insoumis”, au centre, un groupe “macroniste, qui a mené le pays là où il est aujourd’hui avec plus de violence, plus d’insécurité” et à droite, “un bloc national”.  Les Républicains, admet-il, “est trop faible pour s’opposer aux deux blocs qui sont les plus dangereux” de son avis. Les alternatives sont minces pour Eric Ciotti. 

Les magistrats appellent à la “mobilisation” ! 

Quant au Syndicat de la Magistrature, il a une opinion tout aussi différente qu’intrigante. Dans un communiqué diffusé hier, cette organisation, supposée représenter une autorité judiciaire, dont la séparation du pouvoir politique est un principe plus que fondamental de l'État de droit, a réagi d’une manière assez peu appropriée au résultat ainsi qu’à la dissolution de l’Assemblée. Au risque de sortir de son devoir de réserve quant à vie de la cité, il dénonce “l’ancrage électoral de l’extrême droite”, qui “se poursuit sur tout le territoire”, alertant contre les “conséquences sociales et politiques catastrophiques” de “l’intégration de programmes d’extrême-droite aux politiques publiques des gouvernements successifs”. 

Une dérive qui une fois de plus montre la scission entre les devoirs et obligations du peuple et ce que les pouvoirs s’octroient, bafouant les règles d’usage. 

Le syndicat estime que “les risques pour l’effectivité de l’État de droit se multiplient chaque fois que le Rassemblement national et ses affidés sont sur le point d’élargir encore leur assise au sein des pouvoirs législatif et exécutif”.  

Rappelant la “fonction première” des magistrats, à savoir “s’assurer de l’égale application de la loi et de protéger les droits et libertés des personnes, notamment contre l’éventuel arbitraire du pouvoir”, ce corps judiciaire se dit “concernée” par “l’installation des matrices idéologiques d’extrême droite”, c’est-à-dire “autoritaires, sécuritaires, discriminatoires, xénophobes et racistes”. 

Le syndicat fait part de son intention de “participer aux mouvements collectifs d’union et de résistance” qui seront “organisés dans les jours qui viennent”, appelant ses membres à se “mobiliser contre l’accession au pouvoir de l’extrême droite”. “Mobilisons-nous pour construire des alternatives”, conclut-on.  

A quelle Assemblée peut-on s’attendre à l’issue des prochaines législatives ? Les questions se multiplient, aussi bien sur les résultats que sur les décisions du président Macron. Le succès du RN aux européennes est tempéré par certains, qui rappellent le mode de scrutin des législatives françaises et surtout, le taux d’abstention, qui s’expliquerait par un désintérêt pour l’UE et qui pourrait être bien moindre entre le 30 juin et le 07 juillet. Les dernières législatives, qui se sont déroulées en 2022 avec une victoire de la coalition macroniste Ensemble, ont connu une abstention de 53,8%.  

 

Emmanuel Macron, dont la décision de dissoudre l’Assemblée est interprétée comme une volonté de voir le RN gagner du pouvoir, pousser ses dirigeants à l’échec et “sauver” la présidentielle de 2027, affirme “sa confiance” en les Français. Selon les prévisions pour le prochain scrutin, effectuées sur la base des intentions actuelles de votes, le RN pourrait réussir à frôler la majorité avec 235 à 265 sièges, devant Ensemble et les Nupes. 

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