Canada : Justin Trudeau se risque à la confrontation et les conservateurs font barrage

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FranceSoir
Publié le 01 février 2022 - 19:10
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Justin Trudeau panique
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Bois un peu d'eau, Trudeau !
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Lundi 31 janvier, soit trois jours après l'arrivée des manifestants anti-passe à Ottawa, Justin Trudeau a pris la parole pour dénoncer les débordements du mouvement : « Je veux être très clair. Nous ne sommes pas intimidés par ceux qui lancent des insultes et des injures aux travailleurs des petites entreprises et qui volent la nourriture des sans-abris. Nous ne céderons pas à ceux qui arborent des drapeaux racistes. », assurait-il pendant son discours. Une manière d'étiqueter les camionneurs qui n'a pas plus aux élus conservateurs. Ces derniers ont fait bloc durant les débats parlementaires, défendant ainsi les manifestants.

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« Je n'approcherai pas ceux qui expriment la haine et la violence »

Le Premier ministre est clair sur un point : le combat se fera à distance. Alors qu'il annonçait être "cas contact" le 28 janvier dernier, et donc devoir s'isoler, Justin Trudeau annonce ce jour avoir été testé positif au Covid-19. C'est depuis un lieu gardé secret qu'il s'est virtuellement exprimé hier. Nombreux sont les internautes à ironiser quant à ce hasard de calendrier : au moment-même où le siège d'Ottawa débute, le Premier ministre cherche-t-il à se cacher ? Le Dr Jordan B. Peterson écrivait sur Twitter : « Que les choses soient claires Justin Trudeau : cette semaine, vous avez fui devant vos propres concitoyens. »

Quoi qu'il en soit, c'est la première fois qu'il s'exprime publiquement au sujet du convoi de camionneurs. Tout en assurant que « tout le monde est frustré, épuisé », à cause de la pandémie, il pointe du doigt « les symboles nazis, les images racistes et la profanation des monuments de guerre » qu'il a pu voir au sein du rassemblement à Ottawa, insistant sur le fait que « ce n’est pas en rouspétant que l’on va en finir avec la pandémie, mais en se faisant vacciner ».

Justin Trudeau condamne les menaces reçues par les parlementaires, martelant qu'ils « ne sont pas intimidés » et qu'ils « ne céderont pas à ceux qui font flotter des drapeaux racistes. »

Les conservateurs font bloc pour défendre le « Freedom Convoy »

Suite à ces annonces, les parlementaires ont débattu à couteaux tirés. D'un côté, les libéraux cherchaient à discréditer le mouvement en brandissant les épouvantails de la haine, de la violence ou de l'extrémisme, comme cela s'était fait lors de l'épisode de la prise du Capitole aux États-Unis, tout en demandant une « désescalade » des tensions. De l'autre, les conservateurs prenaient la défense des camionneurs et s'attaquaient directement au Premier ministre.

Sur la ligne de front conservatrice se trouvaient notamment Candice Bergen, Pierre Poilièvre, et même... Erin O'Toole, chef de file critiqué des conservateurs. Pendant la crise sanitaire, ce dernier s'était rapproché de la ligne politique québecoise de François Legault, centrée sur des mesures sanitaires drastiques. Il avait aussi participé à l'exclusion de Derek Sloan des conservateurs, qui s'était montré trop critique envers les mesures sanitaires, suivant une ligne trop « négative et extrême » à son goût.

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Quelques mois plus tard, alors que plusieurs de ses collègues ont montré leur soutien au « Freedom Convoy », il avait d'abord assuré que ce n'était pas son rôle de se positionner sur ce genre d'événement. Finalement, le chef de parti fait volte-face et commence à marcher sur un fil : « Malgré l'alarmisme des Premiers ministres et d'autres, nous n'avons assisté qu'à une poignée d'incidents inacceptables ce week-end ». Des tergiversations qui lui ont valu la réclamation d'un vote de confiance de la part d'une trentaine d'élus de son parti, le 31 janvier dernier. Il s'est expliqué sur Twitter :

Justin Trudeau, qui a bénéficié de son soutien pendant un temps, ne s'est pas non plus privé d'un vif rappel à l'ordre : « Je pense qu'Erin O'Toole va devoir réfléchir très attentivement à la manière dont il s'engage dans une voie qui soutient ces personnes qui ne représentent pas les camionneurs. »

À qui la faute ? « Vous diabolisez les camionneurs ! »

Durant les débats, Candice Bergen a voulu peindre un autre tableau des manifestants : « Tous les Canadiens souhaitent voir un chef qui s'efforcera d'apaiser les dissensions, et non d'accentuer les divisions, un chef qui écoutera même les voix avec lesquelles il pourrait ne pas être d'accord, un chef qui s'efforcera de comprendre, et non d'injurier. Contrairement à ce que certains pensent, il y a des milliers de Canadiens passionnés, patriotes et pacifiques en ce moment à Ottawa, qui veulent simplement être entendus. » Des reproches qui font écho aux critiques portées à l'encontre d'Emmanuel Macron quand il assurait vouloir « emmerder les non-vaccinés », diviser pour mieux régner.

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C'est Marco Mendicino, ministre de la Sécurité publique, qui lui a rétorqué que « ces leaders radicaux ne s'intéressent pas vraiment à la liberté d'expression », que ce qu'ils cherchent, c'est « prétendre que ces vaccins ne fonctionnent pas. » Et de poursuivre : « Nous savons que les vaccins fonctionnent. C'est la porte de la liberté, et ce gouvernement fera tout ce qu'il peut pour y arriver. » Là aussi, on retrouve un discours similaire à celui qui est tenu par le gouvernement français.

Après Candice Bergen, c'est Pierre Poilièvre qui s'est chargé de mettre les libéraux en face de leurs contradictions : « Ce n'est pas parce que le Premier ministre s'est déguisé en raciste tellement de fois qu'il ne peut pas s'en souvenir, que tous les libéraux sont racistes. Ce n'est pas parce que le Premier ministre a essayé d'aider une société à éviter des poursuites après qu'elle a volé des personnes parmi les plus pauvres d'Afrique que tous les libéraux sont racistes. Ce n'est pas parce qu'une demi-douzaine de députés libéraux appartenant à des minorités raciales se sont plaints du traitement qu'il leur a été réservé, que tous les libéraux sont racistes. C'est de la culpabilité par association. Pourquoi le Premier ministre n'opte-t-il pas pour la responsabilité personnelle ? »

Là, c'est Mark Holland, chef de file des libéraux, qui a tenté une réponse, mais elle s'est faite plus timide. « Il est profondément troublant pour les Canadiens de voir la façon dont cette ville et nos symboles sont traités. Et je demanderais aux conservateurs de se joindre à nous pour demander que les manifestants rentrent chez eux et que nous fassions cela de manière responsable. Ayons un dialogue responsable. », a-t-il répondu, répétant plusieurs fois que « leur point de vue a été entendu. »

Cette réponse, pacifiste pour les uns, irresponsable pour les autres, n'a pas satisfait Pierre Poilièvre, qui est revenu à la charge : « Mais le problème, c'est que [les gouvernants] n'ont montré aucun respect pour ces gens. Ce pays est actuellement une corde sensible, et le Premier ministre saute dessus encore et encore avec sa rhétorique incendiaire. Nous parlons de gens dont les enfants de 14 ans ont des idées suicidaires après deux ans de confinement. Je viens de parler à une serveuse dont l'entreprise a été anéantie par ces mêmes confinements. Je parle aussi à des camionneurs, qui nous ont servi la nourriture dans nos assiettes pendant tout ce temps. Et ce sont ces gens-là, honnêtes, qui travaillent dur et qui n'ont pas froid aux yeux, que le Premier ministre ne cesse d'attaquer. »

Face à cela, Mark Holland s'est concentré sur la forme plutôt que sur le fond : « J'encourage le député à réfléchir au ton qu'il emploie et à la façon dont il aborde la question s'il parle d'éviter l'escalade et de tenir un discours civil. » Mais encore ?

Les Canadiens sont-ils « à court de résilience ? »

Le gouvernement fédéral canadien semble piégé entre deux stratégies : œil pour œil, dent pour dent, ou la fuite en avant. Dans une tribune publiée ce jour dans le Journal de Montréal, Emmanuelle Latraverse écrit : « Il y a des moments dans une crise où le rôle d’un leader est de répondre à la détresse des gens avec empathie. Justin Trudeau leur a offert mépris et condescendance. »

Toujours selon elle, ce n'est plus possible lorsque « 54 % des Canadiens réclament la fin des restrictions sanitaires » et que « des milliers de Canadiens, de Québécois sont descendus dans la rue, sur les viaducs, le long des autoroutes pour faire entendre leur ras-le-bol. »

Quoi qu'il en soit, les manifestants assiègent encore Ottawa. Nul ne sait ni comment ni quand ils s'en iront. Pendant ce temps, des personnalités publiques telles que Maxime Bernier, chef de file du "People's party of Canada", Donald Trump ou encore Elon Musk expriment leur soutien aux camionneurs, et l'idée du mouvement semble germer à l'international...

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