Contrats de vaccins anti-Covid : "Avec cette enquête du parquet européen, on passe à l'étape supérieure" Virginie Joron
Le parquet européen, organe indépendant chargé de la lutte contre la fraude aux fonds de l'Union européenne, a annoncé le 14 octobre avoir ouvert une enquête sur l’achat de vaccins anti-Covid dans l’Union. La députée européenne Virginie Joron revient sur l’ouverture de cette enquête qui fait suite à la deuxième audition organisée par le Parlement européen avec les représentants de l’industrie pharmaceutique qui ont travaillé sur le développement des vaccins anti-Covid-19.
Les suites de l’audition du 10 octobre 2022 au Parlement européen
Le 10 octobre 2022, la deuxième audition avec les représentants de l’industrie pharmaceutique s'est révélée frustrante et ceci pour plusieurs raisons : d'abord l'absence du PDG de Pfizer, Albert Bourla, qui avait décliné la demande d'audition, préférant envoyer à sa place Janine Small, présidente régionale de Pfizer, responsable du développement des marchés internationaux. Une absence qui n’avait pas manqué de choquer les députés européens qui avaient manifesté leur mécontentement, rappelant au passage que la Commission européenne avait acheté des vaccins au géant pharmaceutique Pfizer pour un montant de 75 milliards d’euros.
Une audition qui s’est également révélée décevante puisqu’en dépit des demandes compréhensibles et légitimes des parlementaires européens, qui estimaient avoir le droit d'accès aux clauses des contrats signés entre la Commission européenne et la société Pfizer, Janine Small s'est servie du droit à la confidentialité pour raison de concurrence afin de justifier son absence de réponses aux questions soulevées.
Cette audition n’aura cependant pas servi à rien, puisque, quatre jours plus tard, le bureau du procureur général européen, dont la mission est de garantir les intérêts financiers de l’Union européenne, ouvrait une enquête sur les contrats d’achat des vaccins. Une enquête qui, explique Virginie Joron, a été diligentée en raison « de contrats d’achats opaques […] avec des suspicions de détournement de fonds public parce que rien ne justifie un tel stock de commandes ». Elle rappelle au passage que la Commission européenne a commandé 4,6 milliards de doses pour 447 millions d’Européens et dénonce l’énorme gaspillage de l’argent public tandis qu’il est déjà répertorié plus de 1,1 milliard de doses périmées.
Lire aussi : Audition des eurodéputés sur les vaccins anti-covid: beaucoup de questions, peu de réponses de Pfizer
Intérêts commerciaux versus intérêt public
Comme l'explique Stéphane de la Rosa, professeur de droit à l'université Paris-Est Créteil dans un texte publié sur le site "Le club des juristes", dans cette affaire de contrat, toute la question est de savoir si ce sont les clauses de confidentialité et de protections des intérêts commerciaux des laboratoires pharmaceutiques (dir. 2014/24)(CJUE, 20 mars 2018, Commission c. Autriche, aff. C-187/16) qui prévalent ou si elles peuvent être remises en question au motif d’un intérêt public en vertu du règlement 1049/2001 relatif au droit d'accès des documents détenus par les institutions, qui pourrait justifier la divulgation des documents demandés. Si la question n’a pas été tranchée, la bataille juridique pourrait être portée devant la Cour de justice européenne.
Dans un avis un peu différent, loin d'opposer ces différentes directives, Virginie Joron pense qu'elles sont complémentaires. Pour étayer son propos, elle revient sur ces clauses et détaille les éléments qui, selon elle, doivent être protégés et faire l’objet d’une confidentialité et ceux auxquels les députés européens, mais également le grand public, doit avoir accès en totale transparence.
Le rapport de la Cour des comptes
Dans la dernière partie de cet entretien, l'eurodéputée est revenue sur le rapport accablant de la Cour des comptes européenne paru le 12 septembre. Elle a donné des explications sur tous les dysfonctionnements et les irrégularités pointés par cette institution lors de la négociation des contrats d’achats de vaccins, tandis que le comité de pilotage, dont Janine Small faisait partie, n’a pas suivi le processus qui avait été instauré.
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