Analyse des défis et dépenses des Agences de Développement (USAID et AFD) : Perspectives de Benoît Paré ancien militaire et fonctionnaire international


Benoît Paré est un ancien militaire et fonctionnaire international. Dans ce debriefing, il nous offre un regard incisif sur les opérations de l'USAID et de l'Agence Française de Développement (AFD), deux organismes majeurs dans le domaine de l'aide internationale. Benoit Paré détaille ses expériences de terrain, notamment en Afghanistan et au Liban, soulignant les défis et les controverses liés à la gestion de l'aide au développement.
L'USAID : une influence tentaculaire
Benoît Paré commence par décrire l'USAID comme une organisation omniprésente dans les pays en crise :
« C'est une organisation qui est, je dirai, tentaculaire, tellement elle s'implique dans des domaines variés comme le développement ou la démocratisation. » Il souligne que l'USAID finance une multitude de programmes, allant du soutien aux partis politiques à l'appui des médias locaux. Cette omniprésence soulève la question de l'influence américaine à travers ces financements.
Paré note que l'USAID utilise ses ressources non seulement pour aider, mais aussi pour établir des États clients redevables aux États-Unis : « Les cadres que vous formez, ils sont quelque part redevables au pays qui les a aidés. »
L'AFD : inefficacité des dépenses. Entre réticence et coopération forcée.
Dans la seconde partie de l’interview, il évoque l’Agence Française du Développement, dont le budget annuel oscille entre 13 et 15 milliards d'euros. Paré souligne un échec apparent de l'AFD à maintenir une influence en Afrique malgré des investissements massifs : « On a dépensé de l'argent, peut-être pas à mauvais escient, mais en tout cas, le retour sur investissement est questionnable. »
En Afghanistan, Paré parle d’une tentative de collaboration entre l'armée française et l'AFD pour sécuriser la province de Kapisa qui se solde par un manque évident d’envie de collaboration. il évoque la réticence initiale de l'AFD à coopérer avec les militaires, perçue comme une intrusion dans leur domaine en expliquant que « ce n’est pas dans la culture de l’AFD ». Cette réticence complique la mise en place de synergies entre les moyens militaires et civils, pourtant souhaitées par le gouvernement pour maximiser l'impact des interventions françaises.
Il partage une anecdote où l'argent destiné au développement de poulaillers semblait détourné par les talibans : « on a cherché les poulaillers, tout d’abord l’AFD ignoraient où ils étaient ». Une fois que l’on en a trouvé un, on a demandé aux gens : « Qui avait financé ce poulailler flambant neuf ? » On s'attendait à ce qu'ils nous disent : « C'est la France ». En fait les les villageois leur ont répondu : « c'est les talibans. »
Ceci illustre un manque de contrôle des fonds : « comment est-il possible que l'argent français, l'argent du contribuable français… soit détourné au profit des opposants ». Cette gestion défaillante et ce manque de contrôle des projets financés par l'AFD, posent la question de l'efficacité et de l'impact de ces investissements.
Des cas d'échec à la réussite potentielle
Au Liban, Paré décrit un projet de panneaux solaires à Tibnine qui n'a jamais vu le jour, bloqué par des réticences de la part de l'AFD. Il déplore le manque de volonté de l'AFD à collaborer, malgré des propositions viables de la part de l'armée française et d'autres partenaires : « Quand on veut, on peut. Mais quand vous avez quelqu'un qui traîne des pieds systématiquement, comment voulez-vous que ça aboutisse ? » Cela démontre un réel problème de coordination avec l’AFD où les projets sont souvent freinés par une bureaucratie lourde et un manque de volonté de coopération : « On avait l'impression que le responsable de l'AFD, il voulait garder son enveloppe à lui dans son coin. »
Malgré ces échecs, Paré partage des exemples positifs où des projets ont été menés à bien grâce à une coordination rigoureuse entre les militaires et les organisations de financement, soulignant l'importance d'un suivi strict pour assurer le succès des projets de développement.
Ces difficultés soulignent un problème récurrent de coordination et de mise en œuvre des projets de développement.
Le rayonnement international : une lame à double tranchant
Selon Paré, le rayonnement international doit être justifié par des investissements bien contrôlés. Sans cela, les projets peuvent faire plus de mal que de bien, entraînant des critiques plutôt qu'un rayonnement positif :
« L'investissement dans le développement à l'étranger, ce n'est pas une affaire d'amateurs et ça nécessite un effort de long terme, de suivi. »
Benoît Paré met en lumière les défis de la gestion des fonds de développement international, soulignant la nécessité d'une transparence et d'un contrôle accrus. Ses expériences sur le terrain révèlent des leçons cruciales pour améliorer l'efficacité de l'aide au développement, en évitant les erreurs du passé et en optimisant l'impact des futurs investissements.
Pour Benoit Paré, le soft-power est essentiel dans les divers pays où interviennent les agences de développement. Cependant, c’est l’excès qui est condamnable et que l’on doit combattre. Il déclare : « Ce qui me choque, ce sont les dérives du système, pas le système en lui-même. Mais aux USA, c'était devenu une manière d'influer idéologiquement le monde dans tous les domaines, et plus seulement d'aider ».
Ayant partagé ses expériences en Bosnie, Afghanistan, Liban, et Ukraine, Benoît Paré soulignant comment les fonds destinés au développement peuvent être mal gérés ou même profiter aux ennemis déclarés, comme les talibans en Afghanistan : « le manque de supervision et les soupçons de corruption dans la gestion des projets de développement sont soulevés comme des problèmes majeurs. »
« Il serait peut-être bon d'aller à la chasse au gaspi sur la consommation des dépenses publiques et de l'argent public, et surtout de faire une totale transparence sur ces dépenses. »
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