États-Unis : Joe Biden visé par une enquête républicaine de destitution
IMPEACHMENT* - Joe Biden sera-t-il destitué ? Des républicains, très conservateurs, semblent bien déterminés à réussir leur coup. Le Congrès a écarté jeudi 22 juin dernier une résolution "privilégiée" visant à forcer un vote de destitution. 219 voix étaient en faveur du renvoi de cette résolution à deux commissions de la Chambre des représentants, contre 208 voix défavorables. Le président des États-Unis, candidat à sa propre succession pour les élections de 2024, est désormais visé par une enquête de destitution, menée par la commission de la Sécurité Intérieure et celle de la Justice à la Chambre des représentants.
Qualifiée de républicaine d’extrême droite, Lauren Boebert (1), qui a introduit cette résolution, reproche à Joe Biden d’avoir "violé" son serment, en n’appliquant pas les lois sur l’immigration et en ne sécurisant pas la frontière avec le Mexique pour empêcher une drogue synthétique, le fentanyl (2), d’être introduit sur le sol américain.
Selon le règlement de la Chambre, une résolution "privilégiée" doit faire l'objet d'un vote dans un délai de deux jours législatifs. Il s’agit d’une résolution permettant de contourner des obstacles procéduraux et pouvant être traitée plus rapidement que les résolutions classiques, en étant directement inscrite à l’ordre du jour.
Un vote "inévitable dans les mois à venir"
Si les démocrates espéraient purement et simplement rejeter la mesure, les républicains ont redirigé la tentative de Lauren Boebert de forcer un vote de destitution contre le président Joe Biden vers les deux commissions susnommées.
Le républicain Kevin McCarthy, président de la Chambre des représentants, s’est dit opposé à ces initiatives, préférant attendre les conclusions des enquêtes sur Biden, sa famille et son administration, menées actuellement par le président du comité de surveillance James Comer et du président du comité judiciaire Jim Jordan. "Je pense qu’aborder prématurément [une destitution] sans avoir de l'expérience là-dedans, cela sape ce que nous faisons", a-t-il déclaré.
L'opposition républicaine ne souhaite pas s'aventurer sur ce terrain afin de ne pas transformer la procédure en un exercice purement partisan, puisque certains de ses membres souhaitent inculper le président des États-Unis en guise de revanche. Pour rappeler, son prédécesseur, le républicain Donald Trump, a été mis en accusation à deux reprises par le Congrès, alors contrôlé par les démocrates, à propos de l’Ukraine (3) et l’assaut du Capitole.
Selon des médias US, le renvoi de cette affaire devant les commissions de Sécurité intérieure et de Justice a permis aux Républicains de prévenir un vote "précipité", "voué à l’échec" et la division au sein de leur parti, déjà fragilisé par des tensions internes, notamment avec les plus conservateurs. Le vote de jeudi dernier ne fait que retarder, à en croire des observateurs, un vote de destitution inévitable dans les mois à venir. Des députés du parti ont déjà déposé des articles de destitution de Biden mais le recours à ce type de résolutions suscite leurs inquiétudes.
D’ailleurs, une autre représentante républicaine, Marjorie Taylor Greene, considérée elle aussi comme étant très conservatrice, a annoncé son intention d’introduire prochainement d’autres résolutions privilégiées pour destituer le pensionnaire de la Maison Blanche mais également deux membres de son cabinet, le directeur du FBI, Christopher Wray, et le procureur américain Merrick Garland, en charge des poursuites contre les participants de l’assaut du Capitole en janvier 2021.
Sa consœur Boebert a réagi au vote de jeudi dernier en menaçant de déposer une "résolution privilégiée tous les jours pour le reste de mon temps ici au Congrès". Ses actions, a-t-elle déclaré, lui ont permis de forcer son parti à lancer une enquête de destitution. "Rien ne se passe sans force. Et parfois, il faut faire bouger les choses pour les faire réellement changer", a rajouté Boebert.
Ces résolutions ont-elles une chance de réussir ? Le président de la commission de Sécurité intérieure, Mark Green, qui a déclaré que son équipe "mettra Biden au centre de son enquête sur la frontière sud", a refusé de dire s’il considérait les actions du président comme étant un crime ou un délit suffisamment grave pour justifier une destitution, comme le prévoit la Constitution américaine.
Destituer Biden ou le Procureur général "n’est pas la priorité des Américains"
La Maison Blanche a réagi lundi 26 juin 2023 au lancement de cette enquête pour destitution. L’administration Biden a critiqué ses adversaires pour s’être "désespérément détourné" de leur programme économique. "Le président McCarthy et les Républicains [d’extrême droite] de la Chambre prouvent qu'ils n'ont aucun programme positif pour réellement aider le peuple américain sur les questions les plus importantes pour eux et leurs familles", a déclaré Ian Sams, porte-parole de la Maison Blanche pour la surveillance et les enquêtes.
Le procureur général est également accusé par les républicains, Kevin McCarthy à leur tête, de "parti pris" dans l’affaire de Hunter Biden, fils du président, et d’avoir "militarisé" le Département de la justice.
"Peut-être que les Républicains cherchent désespérément à détourner l'attention de leur propre plan visant à accorder encore plus de réductions d'impôts aux riches et aux grandes entreprises et à ajouter plus de 3 000 milliards de dollars au déficit (...). Au lieu de pousser davantage de cascades partisanes destinées uniquement à attirer l'attention sur l’extrême droite, ils devraient travailler avec le président pour donner la priorité à la classe moyenne et aux travailleurs américains (...) pour réduire les coûts, créer des emplois, stimuler la fabrication et les petites entreprises américaines et rendre les médicaments sur ordonnance plus abordables", a-t-il ajouté la Maison Blanche.
En outre, l’administration Biden qualifie les projets de destitutions du président ou du Procureur général comme des "affaires non prioritaires pour les familles américaines". "Il est regrettable que les républicains du Congrès veuillent continuer à se concentrer sur une question que les Américains n'en font pas leur priorité", a déclaré cette fois-ci Karine Jean-Pierre.
S’il venait à être destitué, Joe Biden, dont la candidature à un second mandat fait grincer des dents en raison de son âge, sera le premier président dans l’histoire américaine à subir une telle procédure. Trois ont déjà été mis en accusation. Il s’agit d’Andrew Johnson en 1868, Bill Clinton en 1998 et Donald Trump en 2019 et en 2021. Tous ont été acquittés.
*procédure de destitution du président, aux États-Unis.
Notes :
(1) Lauren Boebert est régulièrement classée à l'extrême droite par les médias du fait de sa participation à l'émission "SteelTruth", diffusée sur le web et animée par Ann Vandersteel, une proche du mouvement QAnon, lui-même présenté comme sectaire et d'extrême droite.
(2) Opiacé présenté comme un anti-douleur, particulièrement addictif, qui est la cause d'une sévère mortalité aux États-Unis depuis ces dernières années.
(3) En lien avec une affaire commencée en septembre 2019, après les révélations du contenu d'une conversation téléphonique entre Trump et Zelensky à propos de Hunter Biden (l'ancien président des États-Unis souhaitait l'ouverture d'une enquête à son encontre). Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants, a alors lancé la procédure de destitution contre Trump. En février 2020, il est acquitté par le Sénat.
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