Face à "l'hégémonie occidentale" et à l'OTAN, la Chine et la Russie renforcent leurs liens avec l'Iran et la Biélorussie au sein de l'OCS
GÉOPOLITIQUE - Le 4 juillet dernier s'est tenu, sous présidence indienne, le "sommet virtuel" de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Cette organisation intergouvernementale eurasienne, dont le secrétaire général actuel est le diplomate chinois Zhang Ming, a été instituée en 2001 par la Chine, la Russie et plusieurs États d'Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan et Tadjikistan) après l'effondrement du bloc soviétique. Alors que le sommet de l'OTAN s'ouvre aujourd'hui à Vilnius (Lituanie) et évoque l'adhésion de l'Ukraine au Traité de l'Atlantique nord, l'OCS a accueilli d'ores et déjà un nouveau membre : l'Iran. En vidéoconférence depuis Pékin, le président Xi Jinping a affirmé "s'opposer à toute forme d'hégémonie" et privilégier le partenariat avec les pays voisins de la Chine, dont l'Inde et le Pakistan, membres à part entière de l'organisation depuis 2017. La Biélorussie pourrait bientôt rejoindre ces deux superpuissances au sein de l'OCS selon Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie.
Annoncé au moment de sa création, l'objectif historique de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) est de développer un rapprochement géopolitique entre plusieurs pays au sein de l'Eurasie, une région du globe bouleversée par l'éclatement du bloc soviétique et la dissolution du pacte de Varsovie en 1991.
Sommet "virtuel", l'Iran "membre à part entière"
Parmi ses priorités : "Assurer la sécurité régionale et internationale, lutter contre le terrorisme, l'extrémisme, le séparatisme, le trafic de drogue et d'armes, la criminalité organisée et transnationale", mais aussi "développer l'économie", veiller à "la protection de l'environnement" et soutenir le "domaine humanitaire (culture, éducation, science et santé)".
Le 4 juillet dernier, l'OCS a tenu son 23e sommet sous la présidence indienne représentée par le Premier ministre Narendra Modi, de façon "virtuelle", autrement dit sous la forme d'une vidéoconférence.
Depuis Pékin, Xi Jinping est intervenu en soulignant l'importance de maintenir un "bon voisinage" entre les membres de l'organisation eurasienne, construite autour de l'idée d'une "coexistence pacifique et harmonieuse des différentes civilisations". Il y a une vie et une diplomatie internationale au-delà de la guerre d'Ukraine : tel est en résumé le message qui a été délivré par le président chinois, qui souhaite mettre en avant l'idée d'un "dialogue" et d'un "partenariat" pour favoriser "la défense de la paix et de la stabilité dans le monde".
L'utilisation du mot "partenariat" est une critique à peine voilée en direction de l'OTAN, dont "l'alliance" ouvre son propre ce sommet ce jour en Lituanie, à Vilnius. Xi Jinping ne cache pas ses vues contre l'un des instruments de l'hégémonisme occidental. Selon lui, il est temps de "s'opposer à toute forme d'hégémonie", d'opter pour le "multilatéralisme" et la "coopération pragmatique" entre les membres de l'OCS qui regroupe, en dehors de la Russie, deux puissances militaires de premier plan, l'Inde et le Pakistan.
Lors de ce sommet, un nouveau membre "à part entière" a été accueilli : l'Iran. Le 30 juin dernier, le secrétaire général de l'OCS Zhang Ming rencontrait en ce sens l'ambassadeur d'Iran en Chine, Mohsen Bakhtiar. "Pays observateur" au sein de l'OCS depuis 2005, l'Iran a dû patienter cette année pour accéder à un rang qui lui permet de peser sur les orientations et les décisions de l'OCS.
Pour autant, l'Organisation de Coopération de Shanghai peut-elle rivaliser avec l'Organisation du Traité Atlantique Nord ? Nonobstant des capacités logistiques sans doute plus hétérogènes parmi les membres de l'OCS, le partenariat militaire de plus en plus appuyé entre la Chine et la Russie ne peut plus être ignoré dans les rapports de force internationaux. En avril dernier, le ministre russe de la Défense rencontrait son homologue chinois, Li Shangfu, avec la signature à la clef d'accords de coopération relatifs au partage de connaissances stratégiques entre les membres des commandements.
Poutine remercie l'OCS pour son soutien suite à la mutinerie de Wagner
À propos de la guerre en Ukraine, lors du sommet, le président russe Vladimir Poutine a remercié ses homologues eurasiens pour leur soutien suite au soulèvement militaire du 24 juin 2023 des unités du groupe Wagner, dirigées par Evguéni Prigojine.
Les gouvernements de l'OCS lui ont apporté leur soutien pour protéger "l'ordre constitutionnel, la vie et la sécurité des citoyens" en Russie, a-t-il affirmé durant son discours. De fait, le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, s'est retrouvé en première ligne lors de négociations entre l'État russe et le dirigeant du groupe paramilitaire privé Wagner, Prigojine.
Selon Sergueï Lavrov, le ministère des Affaires étrangères russe, la Biélorussie a signé un "mémorandum d’engagement" pour adhérer à l’OCS. Jusqu'alors, le pays, géographiquement très ancré en Europe, n'avait été admis qu'au rang de "pays observateur" en 2015. La procédure pour une accession complète à l'organisation est désormais lancée.
Vladimir Poutine a également indiqué à ses homologues de l'OCS que la Russie resterait ferme face aux pressions, aux sanctions et aux "provocations" occidentales menées à ses yeux dans le cadre de ce conflit. Il a appelé à une coopération plus étroite entre les puissances qui composent l'OCS telles que la Chine, l'Inde et maintenant l'Iran, afin de représenter, à ses yeux, un réel contrepoids face aux velléités étasuniennes d'imposer un nouveau système de relations internationales.
L'OCS contre le protectionnisme occidental
Cette volonté prêtée à l'OCS se retrouve sur le plan économique. "Nous devons nous opposer au protectionnisme, aux sanctions unilatérales et à ceux qui abusent du concept de sécurité nationale pour ériger des murs ou se désengager", a expliqué Xi Jinping. Il s'agit là d'un appui souligné de la part du président chinois à la Russie, exposée aux tentatives américaines et européennes d'appliquer divers blocus afin de contraindre son économie.
Mais Xi Jinping plaide ici identiquement pour les intérêts de son propre pays, notamment par rapport à la stratégie des États-Unis d'affaiblir la Chine dans le domaine de l'acquisition de semi-conducteurs. En effet, en octobre 2022, le gouvernement américain a limité l'achat par les Chinois de puces électroniques qui peuvent être utilisées pour des applications militaires. Et leur fabrication a été verrouillée, avec l'interdiction d'importer en Chine des machines capables de les concevoir.
En réponse à ses restrictions, en mai dernier, Pékin a interdit purement et simplement aux entreprises chinoises de se fournir auprès de la société américaine Micron Technology, pour cause de "failles de sécurité".
Un abandon qui montre surtout la volonté chinoise de développer son propre secteur de fabrication de semi-conducteurs et, sans doute, de garder plus que jamais un œil sur l'évolution politique de Taïwan. En effet, l'île, totalement incontournable dans le domaine (capable de concevoir, fondre et modeler les puces électroniques) est sous vive tension géopolitique.
De quoi rendre utile le renforcement des liens au sein de l'OCS pour multiplier les débouchés technologiques et commerciaux. En ce sens, le "sommet virtuel" de l'OCS s'est conclu par la "Déclaration de New Delhi" qui souhaite le développement de "nouvelles approches pour promouvoir une coopération internationale plus juste et plus efficace" dans le monde économique. Selon cette déclaration, ceci nécessite une "augmentation de l'efficacité des institutions mondiales" et "la formation d'un ordre mondial plus représentatif, démocratique, juste et multipolaire".
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.