Italie : les populistes ont un programme, il leur manque un chef de gouvernement
Les populistes italiens ont présenté vendredi un "contrat de gouvernement" qui tourne résolument le dos à l'austérité et aux "diktats" de Bruxelles, mais il leur manque encore un Premier ministre.
Dans ce programme commun, le Mouvement Cinq Etoiles (M5S, antisystème) et la Ligue (extrême droite) revendiquent aussi leur orientation nettement à droite sur la sécurité ou l'immigration.
Les deux chefs de file, Luigi Di Maio et Matteo Salvini, prévoient de le présenter lundi au président Sergio Mattarella, avec l'objectif de former dans la semaine le premier gouvernement antisystème dans un pays fondateur de l'Union européenne.
"C'est un moment historique", a annoncé M. Di Maio, 31 ans, en révélant sur internet ce texte en 30 points présentés par ordre alphabétique sur une soixantaine de pages.
Invités à voter toute la journée sur "Rousseau", la plate-forme internet du M5S, les militants de cette formation prônant la démocratie participative depuis son lancement en 2009 par le comique Beppe Grillo ont approuvé "à plus de 94%" - 42.274 des 44.796 qui se sont exprimés - le programme, preuve de "la confiance" et de "l'enthousiasme" qu'il suscite, a assuré leur chef dans une vidéo sur Facebook.
La Ligue, un ancien parti sécessionniste devenu souverainiste, a pour sa part invité ses sympathisants à se prononcer samedi et dimanche sur un millier de stands dans toute l'Italie.
- Chef du gouvernement mystère -
Mais le mystère reste entier sur le nom et même le profil du futur chef du gouvernement.
"Ce ne sera ni moi, ni M. Di Maio (...). Nous sommes en train de chercher une synthèse", a assuré M. Salvini, 45 ans.
Son nouveau partenaire s'est montré moins catégorique : "Je ne sais pas si je serai chef du gouvernement, mais c'est notre vrai leader, le programme, qui gouvernera ce pays".
D'une façon générale, le "contrat de gouvernement du changement" tourne résolument le dos à l'austérité et parie sur une politique de croissance économique pour réduire la colossale dette publique italienne.
Il n'évoque pas une sortie de l'euro mais entend "revoir, avec les partenaires européens, le cadre de la gouvernance économique", y compris la monnaie unique, pour revenir à une Europe des pères fondateurs, de "paix, de fraternité, de coopération et de solidarité".
De quoi préoccuper les partenaires européens, qui ont régulièrement rappelé l'Italie au respect des règles de l'UE.
Et les marchés financiers : la Bourse de Milan a perdu 1,5% vendredi et le spread - l'écart très regardé en Italie entre les taux d'emprunt italien et allemand à dix ans - a atteint 166 points (+35 points par rapport à mardi soir).
- Berlusconi rejette le programme -
Selon certains experts, il n'y a pourtant pas péril en la demeure. "Par rapport aux précédents projets, le texte est beaucoup plus modéré", a jugé Giovanni Orsina, professeur de sciences politiques à l'université Luiss de Rome, interrogé par l'AFP.
Reste cependant, souligne-t-il, le "problème du financement" de toutes les mesures préconisées, dont le coût total a été évalué par certains experts à plus de 100 milliards d'euros par an.
Dans le pays le plus vieillissant du monde, juste derrière le Japon, les deux partis prévoient ainsi d'abaisser l'âge de la retraite, qui devait passer à 67 ans en 2019. Désormais, il sera possible de cesser le travail quand la somme de l'âge et des années de cotisation aura atteint le chiffre de 100.
Et les deux promesses-phares des partis sont bien là : une réforme fiscale "courageuse et révolutionnaire" avec des baisses d'impôts draconiennes pour la Ligue, l'instauration d'un "revenu de citoyenneté" de 780 euros par mois pour le M5S.
Dans cette tentative de synthèse de deux philosophies politiques, on trouve aussi bien la rhétorique du M5S sur l'environnement, les nouvelles technologies ou la moralisation de la vie publique que le tour de vis sécuritaire, anti-immigrés et anti-islam de la Ligue.
Le texte évoque aussi l'abandon des sanctions contre la Russie, l'instauration d'un salaire minimum, un coup d'arrêt à la vente de la compagnie aérienne Alitalia et une remise à plat du projet de liaison ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin, une lutte contre les jeux de hasard.
Il interdit aussi l'entrée au gouvernement de francs-maçons, qui y ont vu un rappel "des lois fascistes".
Le gouvernement disposera d'une très courte majorité parlementaire et devra résoudre l'équation du poids relatif des alliés : le M5S a obtenu plus de 32% des voix contre 17% pour la Ligue, qui assure cependant représenter les 37% d'électeurs de la coalition de droite formée avec Silvio Berlusconi.
Le vieux milliardaire a cependant clairement rejeté le programme commun vendredi soir, promettant "une opposition raisonnable et critique".
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