Tempête en Italie : Mario Draghi démissionne, le président refuse
Les crises politiques en Europe se succèdent. Après la démission de Boris Johnson, c'est au tour du Premier ministre italien, Mario Draghi, de vouloir quitter le gouvernement. Sa décision, survenue ce 14 juillet, a été refusée dans la foulée par Sergio Mattarella, l’actuel président de la République. Cet épisode fait suite à une forte opposition du Mouvement Cinq Étoiles (M5S, antisystème), partie prenante de la coalition au pouvoir.
Démission de Draghi : un gouvernement au bord de la rupture
"Je veux vous annoncer que ce soir, je remettrai ma démission au président de la République", a annoncé Mario Draghi, l’actuel Premier ministre italien, en conseil des ministres ce 14 juillet. Ce coup de tonnerre politique fait suite à la proposition d’un texte de loi pour un plan d’aide de 23 milliards d’euros en faveur des ménages et des entreprises… Proposition pour contrer l'inflation galopante, mais qui a essuyé une abstention des sénateurs du Mouvement Cinq Étoiles.
Après des semaines de discussions houleuses entre Giuseppe Conte, chef du parti, et Mario Draghi, la tension est à son comble. À l’aube d’un chaos politique, Giuseppe Conte avait déjà annoncé le 13 juillet que son parti ne pouvait garder confiance en le gouvernement de coalition du Premier ministre. Selon France 24, le leader du M5S déclarait la veille du vote de confiance : "Nous sommes absolument disposés à dialoguer, à effectuer notre contribution constructive au gouvernement. À Draghi, nous ne sommes pas disposés à faire un chèque en blanc."
De son côté, Matteo Salvini, chef de file de la Ligue Nord, a fait savoir que son parti "arrêterait de soutenir Mario Draghi en cas de retrait du M5S". Malgré cela, il est en faveur d’élections législatives anticipées. C’est un véritable coup de théâtre au sein de l’hémicycle parlementaire, qui se joue dans un contexte économique et financier tendu.
Suite à l’annonce de Mario Draghi, la présidence de la république italienne a immédiatement répliqué : "Le président de la République n'a pas accepté la démission du président du Conseil et l'a invité à se présenter au parlement (...) afin qu'ait lieu une évaluation de la situation". Ainsi, la mission hasardeuse du président Sergio Mattarella de ramener un semblant d’ordre politique au sein de l’hémicycle est-elle vouée à l’échec ?
Mario Draghi et le Mouvement Cinq Étoiles
Le mouvement politique a-t-il des "arrières pensées électoralistes", comme le rapporte Euronews ? En effet, selon Lorenzo Codogno, ancien économiste en chef du Trésor italien. "Le M5S s'écroule dans les sondages et a besoin de récupérer de la visibilité (...). Il veut être au centre de l'attention".
Actuellement, les sondages ne jouent pas en faveur du Mouvement Cinq Étoiles. Le triomphe électoral dont le M5S s'était fait fort en 2018, remportant alors près de 32 % des voix, semble loin derrière. Selon Le Figaro, aujourd’hui, les intentions de vote pour le parti ont chuté : pour atteindre seulement 10 à 11 % des voix. La défaite législative semble assez proche pour le Mouvement Cinq Étoiles ; celui-ci peine à redorer son image. En effet, le texte de loi prévu pour contrer l’inflation et la hausse du prix de l’énergie a créé davantage de divergences entre les membres étoilés. Tout comme la débâcle politique au sein des Tories ayant quitté le parti de Boris Johnson en grand nombre, beaucoup d'élus étoilés italiens ont également quitté le navire, alors que les prochaines élections législatives auront lieu dans neuf mois.
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Même s’il dispose toujours d’une majorité sans le Mouvement Cinq Étoiles, Mario Draghi déplore une perte d’union nationale. Selon ses dires, "la majorité d'unité nationale qui a soutenu ce gouvernement depuis sa création n'existe plus. Le pacte de confiance fondant l'action de ce gouvernement a disparu." Pourtant, l'ancien de la Banque centrale européenne dispose toujours d'une majorité pour gouverner, mais Euronews rapporte que le Premier ministre considère que "sans le soutien des M5S, il considère que son gouvernement devient "politique" et estime n'avoir pas été mandaté pour conduire un cabinet de cette nature".
Tout comme Boris Johnson, l’incertitude qui règne au sein de la coalition de Mario Draghi a fait en sorte que nombre de ses élus ont quitté le gouvernement depuis. Si les nations européennes veulent durcir les sanctions envers la Russie, les répercussions économiques et sociales ne semblent pas au goût des élus étoilés. Quid des Italiens ?
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Crise énergétique, crise politique, crise économique… L’Italie bouillonne
Alors que la multiplication des sanctions occidentales envers la Russie a impacté les populations européennes, les Italiens se parent à la crise énergétique tant redoutée. Selon Radio France, "l’Italie dépend d’un quart de son mix énergétique du gaz russe". L'automne s’annonce rude pour les Italiens qui souhaiteront se chauffer. Une période qui s’annonce compliquée, tandis que celle-ci sert traditionnellement à préparer le projet de budget.
En effet, les mesures anticrises prises depuis le début de l’invasion russe le 24 février ne sont pas au goût de tous les membres du gouvernement. C’est pour cette raison que Luigi Di Maio, l’actuel ministre des Affaires étrangères et ancien chef du Mouvement Cinq étoiles, quittait le parti le 21 juin. L’ex-chef de file du mouvement avait accusé son propre parti "de saper les efforts du gouvernement pour soutenir l'Ukraine et d'affaiblir la position de Rome au sein de l'Union européenne", comme le rapporte Challenges.
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La perspective d’un équilibre politique entre les alliés du Mouvement Cinq Étoiles et Mario Draghi s’enlise. Le président du Conseil, ayant refusé la démission du Premier ministre, devrait s'adresser mercredi 20 juillet aux parlementaires.
L’ère Draghi en prend un coup. Les jours à venir seront décisifs pour l’Italie, dans un contexte de turbulences socio-économiques compromettant le marché financier. En effet, suite à l’annonce du Premier ministre italien, la Bourse de Milan chutait de près de 3 % et la dette du pays est également repartie à la hausse, comme le confirme l'Obs. À l’aube de révoltes sociales mondiales, serait-ce signe d’une fragilité politique à l’échelle européenne ?
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