Joe Biden va-t-il réussir à provoquer une récession aux Etats-Unis ? 

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Anthony Lacoudre, pour FranceSoir
Publié le 07 juin 2022 - 18:21
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Le président américain Joe Biden, le 3 juin 2022 à Rehoboth Beach (Delaware).
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MANDEL NGAN / AFP
Joe Biden, le 3 juin dernier.
MANDEL NGAN / AFP

CHRONIQUE — Qu'il s'agisse de l'immigration incontrôlée à la frontière avec le Mexique (plus de 2 millions d'appréhensions d'immigrés clandestins à la frontière en 2021, un record dans l’histoire du pays, le même chiffre étant attendu pour 2022), de la criminalité qui explose partout dans le pays, de la gestion calamiteuse de l'épidémie du coronavirus (seuil de 1 million de morts atteint le 12 mai 2022, alors que Joe Biden déclarait, en octobre 2020 que "responsable de 220 000 morts du Covid, Trump ne peut pas rester président"), sans parler du fiasco du retrait militaire d'Afghanistan (13 soldats tués, des milliards de dollars d'équipements laissés aux talibans, des centaines d'Américains abandonnés sur place) et de la scène internationale, où Biden suscite tantôt la pitié, tantôt l'inquiétude, commettant gaffe sur gaffe que la Maison-Blanche doit constamment corriger, le constat est sans appel : tout ce qu'entreprend Joe Biden se transforme en échec cuisant et tourne au cauchemar pour les démocrates. 

Un président impopulaire

Il est désormais devenu évident que les Américains ont élu en novembre 2020 (dans des circonstances électorales plus que suspectes d'ailleurs), le pire président que les États-Unis aient jamais connu. 

Son taux de popularité est d'ailleurs au plus bas depuis le début de son mandat, avec une opinion favorable oscillant selon les instituts de sondage entre 33 % (Quinnipiac University) et 36 % (Reuters / Ipsos). "Ce sont des chiffres misérables", reconnaît le Washington Post.

Un désastre économique - la guerre aux énergies fossiles

Sur le plan économique, le désastre ne se sera pas fait attendre. 

On rappellera que dès son entrée en fonction, Joe Biden déclarait ouvertement la guerre au secteur des énergies fossiles, avec l'objectif ambitieux de réduire les émissions de CO₂ du pays de moitié d'ici à 2030. 

Annulation du pipeline américano-canadien Keystone XL, qui avait été autorisé par Donald Trump (le Canada et la Province d'Alberta ont d'ailleurs décidé de réclamer en justice 1,3 milliard de dollars en réparation aux États-Unis), interdiction des concessions d’exploration sur les terrains fédéraux et dans le golfe du Mexique, renforcement des normes réglementaires pour les producteurs de pétrole et de gaz, restrictions des financements bancaires du secteur pétrolier, etc.

"Ce n'est un secret pour personne que le gouvernement de Joe Biden essaye de perturber la production de pétrole en Amérique. Le président vient de promulguer de nouvelles règles d'après lesquelles il est désormais impossible d'ouvrir un nouveau pipeline en Amérique" (discours au Sénat du 26 mai 2022 du sénateur John Kennedy sur l'énergie). "Il s'agit bien d'une crise auto-infligée" ("self-inflicted crisis"), dénonce l'opposition républicaine, qui rappelle que la production américaine de pétrole atteignait 13 millions de barils par jour début 2020, avant la crise du covid, alors qu'elle n'est que de 11,6 millions aujourd'hui. 

Les efforts de Joe Biden et de sa "green administration" seront rapidement couronnés de succès, le cours du baril de pétrole atteignant des sommets (le cours du baril passant progressivement de 47 $ en janvier 2021 à 105$ aujourd'hui). La Maison-Blanche a beau rétorquer qu'elle n'est pour rien dans cette augmentation des cours, les Américains ne sont pas dupes : "Le président détient le pouvoir réglementaire sur l'exploration, le forage, le transport, le stockage, le raffinage, le commerce et la taxation du pétrole. Il ne peut pas prétendre qu'il n'a aucun contrôle sur le prix du produit" (John Kennedy).

Du reste, certains se demandent si la Maison-Blanche ne ferait pas tout ce qui est en son pouvoir pour augmenter de façon délibérée le prix de l'essence à la pompe afin de rendre plus attractives les énergies "propres", bien plus onéreuses que les énergies fossiles et le nucléaire. 

Des dépenses publiques massives

De façon concomitante, Joe Biden a fait adopter par le Congrès dès le mois de mars 2021 une série de plans de dépenses publiques massives de plus de 3,5 trillions de Dollars (aides sociales, infrastructures...), portant la dette publique fédérale à 30 trillions de dollars, alors que l'économie était déjà en plein rebond post-crise du covid, notamment grâce aux aides publiques massives déjà adoptées à la fin du mandat de Donald Trump (avec l’appui des voix démocrates d'ailleurs). 

Une inflation à plus de 8%

La conséquence de la combinaison de ces erreurs stratégiques majeures était inévitable : une inflation hors de contrôle. 

D'abord niée par les experts du gouvernement, puis qualifiée de "temporaire" et même de "positive pour l'économie", l'inflation s'est rapidement établie à son plus haut niveau aux États-Unis depuis 40 ans. 

Officiellement, l'inflation est de 8,2% en base annuelle (avril 2022) mais chacun sait que l'indice gouvernemental est tronqué, écartant de l’équation, pour tout ou partie, notamment le coût des logements et de l'énergie... En réalité, le taux réel d'inflation actuelle s'établirait entre 10 % et 15 %. 

Un PIB en régression - la Bourse de New York en chute libre

Face à la déferlante de l'inflation, la banque centrale fédérale n'a eu d'autre choix que d'initier une série de hausses des taux d'intérêts, risquant au passage de provoquer un krach immobilier national. 

Résultat, Joe Biden préside un pays qui a vu son PIB régresser de 1,5 % au 1er trimestre 2022 alors que les indices Dow Jones Industrial, S&P 500 et Nasdaq entrent en territoire chaotique, comme des yoyos, perdant respectivement jusqu’à 15%, 20% et 29% par rapport au 1er janvier 2022 au cours de ces cinq premiers mois de l’année. « L’alarme sur l’état de l’économie se reflète dans les turbulences des marchés, avec le Dow Jones Industrial qui plonge depuis quatre semaines d’affilée et le S&P 500 depuis trois semaines », écrit Politico le 26 avril dernier. 

Les Américains médusés n'en reviennent pas, 83% d'entre eux considérant que l'économie du pays va dans la mauvaise direction (sondage Gallup du 24 mai). 

Stagflation ou récession ?

"Nous sommes en pleine stagflation [NDLR: combinaison explosive entre la contraction du PIB et une forte inflation], ce que les démocrates appellent pudiquement "la transition", réagissent les observateurs.

"Je pense en fait que nous sommes actuellement en récession" précise Kevin Hassett, ancien président du Comité des conseillers économiques de Trump, prédisant ainsi un PIB négatif pour le deuxième trimestre. 

Le gouvernement se veut rassurant 

Mais soyons rassurés, Cecilia Rouse, l'actuelle présidente du Comité des conseillers économiques de Joe Biden, professeur d'économie à l'Université de Princeton, voit dans ces chiffres "un succès économique" de la présidence Biden, avant d'ajouter : "Ce succès n'était pas garanti, c'est le résultat de 17 mois de travail qui ont débouché sur des politiques bien pensées et bien gérées" (interview du 13 mai).  

La création digitale de monnaie par la banque centrale américaine 

Un journaliste de la chaîne CBS résume bien la situation lorsqu'il interroge Jerome Powell, le président de la banque centrale fédérale, qui a été reconduit par Biden pour un nouveau mandat en novembre dernier : "Est-il juste de dire que vous avez tout simplement inondé le système avec de l'argent ?". "Oui, c'est exact, c'est une façon de voir les choses". "Mais cet argent venait d'où ? Vous avez juste imprimé des billets ?" "Oui, mais de façon digitale. En tant que banque centrale, nous avons la capacité de créer de la monnaie".

"La plus grande menace pour les États-Unis aujourd'hui est la dette publique et l'inflation"

Rand Paul

"C'est catastrophique pour Biden et pour les démocrates en général" réagit Monica Crowley, ancienne conseillère du ministre du Budget de Donald Trump. "C'est sans précédent dans l'histoire récente des États-Unis. En janvier 2021, Trump confie à Biden une économie en plein rebond après la crise du covid. Après un an et demi, les Américains constatent ce que Biden en a fait".

"La plus grande menace pour les États-Unis aujourd'hui, c’est la dette publique et l'inflation", dénonce Rand Paul lors d'un discours au Sénat du 11 mai dernier, s'opposant à l'adoption de la loi prévoyant une nouvelle aide de 40 milliards de dollars à l'Ukraine. 

"Vladimir Poutine n'a rien à voir avec tout cela"

Mark Levin, commentateur politique conservateur très populaire aux États-Unis, renchérit sur Fox News : "Pourquoi les démocrates dépensent-ils autant d'argent public ? Ils font écrouler l'économie sous l'inflation et ils nous disent que plus ils dépensent, plus la dette publique augmente, plus cela permet de lutter contre l'inflation. Joe Biden est à l'évidence un illettré en matière économique. Ce marxisme à l'américaine ne fonctionne pas. S'ils avaient réussi à faire adopter leur loi délirante Build Back Better [NDLR: projet de loi de finances pour 2022], nous aurions encore ajouté 5 ou 6 trillions de dollars de dépenses publique et nous serions en dépression aujourd'hui. Nous sommes en récession et si c'est mal géré, nous allons droit vers une dépression. La Bourse atteint son niveau de 1932, les taux d'intérêts seront bientôt à deux chiffres, les gens ne peuvent pas payer leur essence et leur nourriture. Nous n'avons eu rien de tout cela quand Donald Trump était président des États-Unis. Vladimir Poutine, qui est un monstre, n'a rien à voir avec tout cela". 

Jeff Bezos tacle Biden sur l'inflation 

Jeff Bezos, fondateur du groupe Amazon, l'un des hommes les plus riches de la planète et propriétaire de l'influent quotidien (très à gauche) Washington Post, sonne l'alarme lui aussi, dénonçant la position récente de Joe Biden selon laquelle le meilleur moyen de faire baisser l'inflation consisterait à taxer les entreprises et les milliardaires.  

"En fait, le gouvernement a poussé très fort pour injecter encore plus de dépenses publiques dans une économie inflationnaire qui était déjà en surchauffe et seul Manchin [NDLR: Joe Manchin, sénateur démocrate centriste qui a refusé de voter la "Build Back Better Bill" précitée] les a sauvés d'eux-mêmes. L'inflation est un impôt régressif qui frappe en premier lieu les moins riches. Se tromper de direction n'aide pas le pays" écrit-il dans un tweet du 16 mai. 

Joe Biden veut lutter contre l'inflation en augmentant les impôts

Pour illustrer le sérieux du gouvernement actuel en matière économique, l'anecdote suivante est révélatrice.  

Peter Doocy, journaliste de Fox News accrédité auprès de la Maison-Blanche, a posé le 17 mai dernier la question à la nouvelle ministre des relations avec la presse, Karine Jean-Pierre : "En quoi augmenter les impôts sur les sociétés comme le suggère Joe Biden réduit-il l'inflation ?".

La réponse de l'intéressée - qui lisait son papier en balbutiant - a fait l'objet de moqueries abondantes sur les médias sociaux : "Écoutez, je pense que nous encourageons ceux qui réussissent, tout spécialement ceux qui se préoccupent du changement climatique, à soutenir un code fiscal juste qui ne change pas, pardon qui ne charge pas en impôts un pourcentage plus élevé des revenus des employés des usines, policiers, salariés de la construction que les personnes les plus riches de notre nation et sans que cela n'empêche de réduire le coût de l'énergie et de combattre ce problème existentiel, si nous prenons cela comme exemple" (sic).

"Le gouvernement ne peut pas émettre des chèques qui excèdent largement les revenus sans créer de l'inflation"

Elon Musk

Elon Musk, le fondateur de Tesla, rejoint les critiques de Jeff Bezos, en déclarant, le 17 mai : "Ils ont imprimé des milliards d'argent qu'ils n'avaient pas à l'évidence. Le gouvernement ne peut pas émettre des chèques qui excèdent largement les revenus sans créer de l'inflation. De nombreux pays ont tenté cette expérience à de multiples occasions, ce n'est pas comme si on se demandait : "tiens, que va-t-il se passer si je fais ça ?"  

Des chèques chers payés

Les Américains, qui ont reçu l'année dernière des chèques de 1400 dollars (stimulus check), des allocations-chômage revalorisées et des crédits d'impôts généreux par enfant à charge, et ce, grâce aux lois dépensières de Joe Biden, auront finalement chèrement payé ces cadeaux tombés du ciel. 

« Tout ce que votre famille a acheté l’année dernière coûte aujourd’hui 5200$ de plus » titre CNBC (article du 30 mars 2022), reprenant une analyse de l’économiste de Bloomberg Andrew Husby.

Il est estimé en effet que les ménages devront faire face en 2022 à des surcoûts de dépenses importants en essence, en augmentation de leur loyer, en chauffage ainsi que pour l'achat de nourriture, de voyages et de leur voiture, sans oublier de mentionner qu'ils ont vu la valeur de leur épargne-retraite placée en bourse (« 401 K Plans ») se réduire de façon substantielle depuis le début de l’année. Le choc est rude.
 

Anthony Lacoudre est avocat à New York.

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