L'État d'urgence décrété en Équateur après l’assassinat du candidat à la présidentielle Fernando Villavicencio

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France-Soir
Publié le 10 août 2023 - 20:30
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Equateur
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Des gens se mettent à l'abri après que des coups de feu ont été tirés à la fin d'un rassemblement du candidat présidentiel équatorien Fernando Villavicencio à Quito, le 9 août 2023.
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INTERNATIONAL - Un candidat à l’élection présidentielle en Équateur a été assassiné. Fernando Villavicencio, journaliste et ancien membre de l'Assemblée nationale, a été tué par balle mercredi 9 août 2023 à Quito, à la fin d'un meeting électoral. Le président Guillermo Lasso a instauré un État d’urgence de 60 jours, afin d'assurer la tenue du scrutin auquel il ne participe pas, après avoir été visé par une procédure de destitution. Villavicencio, l'un des huit candidats au premier tour de ces présidentielles, dont le programme cible la délinquance en col blanc, avait fait état de "menaces gravissimes" de la part du crime organisé. Dans une vidéo non encore authentifiée à cette heure, l'un des plus grands gangs équatoriens, nommé "Los Lobos" (Les Loups), revendique le meurtre sur les réseaux sociaux. Par la suite, dans une autre vidéo, des membres se réclamant du même gang, à visages découverts, ont fermement nié la participation à l'attaque. Volker Türk, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme condamne ce "terrible assassinat" et appelle à une "enquête transparente" afin de trouver les responsables.

Selon les derniers sondages de l'institut équatorien Cedatos, 13% des intentions de vote se portaient sur Fernando Villavicencio. Une dynamique semblait se dessiner pour le représentant des partis du centre-droit Construye et Gente Buena, toutefois jusqu'alors précédé par la candidate d'extrême gauche, du Movimiento Revolución Ciudadana, largement en tête des enquêtes un mois auparavant (26,6%).

Âgé de 59 ans, ce journaliste de formation commence sa carrière professionnelle comme communicant au sein du groupe pétrolier public PetroecuadorIl intègre ensuite la rédaction du quotidien El Universo et collabore avec le magazine La Vanguardia. Militant activiste au sein du mouvement indigéniste Pachakutik (Mouvement de l'unité plurinational) depuis 1995, il s'engage dans la lutte syndicale et devient administrateur de la Fédération des travailleurs du pétrole (Fetrapec). Après s'être rapproché des formations politiques de gauche, il est nommé président de la commission en charge de la Fiscalité à l’Assemblée, sous le gouvernement de l’ex-président de gauche Rafael Correa (2007-2017), aujourd'hui condamné par contumace à huit ans de prison et réfugié en Belgique. Villavicencio défendait un programme dédié à la lutte contre la criminalité en col blanc et contre le chômage.

L'État d'urgence instauré

Mercredi 9 août, Villavicencio a animé un meeting électoral à Quito, la capitale de l'Équateur, l’un des plus petits pays d’Amérique du Sud, confronté à une vague de violence liée au trafic de drogue et source d'une hausse de la criminalité de rue.

D'après une vidéo filmée au moment de l'assassinat, plusieurs coups de feu ont été tirés au sortir du meeting, entre le moment où le candidat quittait la salle omnisports et sa montée dans une voiture, pourtant entouré de ses gardes du corps. Selon El Universo, l’ancien membre de l'Assemblée nationale équatorienne a été assassiné à la manière des sicarios (tueurs à gages, ndlr), avec "trois balles dans la tête". Un de ses amis présents sur les lieux, le médecin Carlos Figueroa, a expliqué avoir entendu une trentaine de coups de feu."Ils lui ont tendu une embuscade à l'extérieur" de la salle, estime-t-il.

L’ancien journaliste avait annoncé la semaine dernière qu’il a fait l’objet de "menaces gravissimes" de la part d’un chef d'une bande criminelle liée au narcotrafic, qui se trouve actuellement en prison. "Malgré les nouvelles menaces, nous continuerons de lutter pour les braves gens de notre Équateur", avait-il affirmé.

Le parquet a annoncé "neuf blessés", dont une candidate à l'Assemblée et deux policiers. L’un des assaillants a été abattu par la sécurité et la police a arrêté six personnes lors d'interpellations réalisées dans un quartier du Sud de Quito et un village voisin. Le corps de Fernando Villavicencio a été emmené au département de médecine légale de la police pour autopsie.

La nouvelle de sa mort a provoqué une onde de choc en Équateur, où des candidats à la présidentielle, dont Luisa Gonzalez, ont annoncé suspendre leur campagne. Le président Guillermo Lasso, "indigné et choqué", a annoncé l’instauration de l’État d’urgence pour une durée de 60 jours. "Je vous assure que ce crime ne restera pas impuni", a-t-il promis pour la "mémoire" et "le combat" de la victime. "Le crime organisé est allé très loin, mais tout le poids de la loi s'abattra sur lui", a-t-il ajouté dans un tweet.

Les élections maintenues, l'assassinat condamné

Lasso a également annoncé avoir convoqué en urgence une réunion dans la soirée de mercredi des hauts responsables de la sécurité et d'institutions publiques telles que la Cour nationale de justice (CNJ), plus haute juridiction du pays.

Les élections présidentielles ont été maintenues à la date du 20 août. Celles-ci ont été anticipées après la dissolution de l'Assemblée en mai dernier par le président en exercice, pour échapper à une procédure de destitution à son encontre, pour cause de corruption. Alors que Guillermo Lasso, depuis, exerce le pouvoir par décrets, "les forces armées sont en ce moment mobilisées à travers tout le territoire national afin de garantir la sécurité des citoyens, la tranquillité du pays et des élections libres et démocratiques", explique son administration.

Plusieurs pays et organisations ont condamné l’assassinat. L’ambassade des États-Unis à Quito a dénoncé une "attaque éhontée contre la démocratie et l’État de droit". L'ambassadeur de l'Union européenne, Charles-Michel Geurts, s’est dit "horrifié", lui et ses partenaires de cette "attaque tragique". Le Royaume-Uni a exprimé sa grande tristesse tandis que l’Espagne, qui a "regretté et condamné" l’assassinat de Fernando Villavicencio, a soutenu la poursuite du processus électoral.

"L’assassinat de M. Fernando Villavicencio, candidat aux élections présidentielles équatoriennes, survenu le 9 août est un acte barbare et une attaque contre la démocratie que nous condamnons avec la plus grande fermeté", réagit la diplomatie française.

Il ne s’agit pas du premier candidat à une élection à être tué en Équateur. Un maire et un candidat au Parlement ont déjà été tués dans les violences liées au trafic de drogue qui secouent ce pays. Diana Atamaint, responsable du Conseil national des élections, a affirmé que plusieurs de ses collaborateurs ont été menacés de mort.

Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, un gang nommé "Los Lobos" a revendiqué l'assassinat. Si cette source n'a pas été encore authentifiée, et que le lien avec le meurtre de Villavicencio reste à être établi, un autre candidat à l'élection présidentielle a été directement menacé : Jan Topic, engagé dans la lutte contre la criminalité et les narcotrafiquants. Les participants à cette déclaration ont tous le visage masqué, reprenant le même signe distinctif.

Quelques heures plus tard, coup de théâtre : dans une autre vidéo, tournée cette fois par des hommes à visages découverts qui se réclament du même gang "Los Lobos", ces derniers ont fermement nié être à l'origine de l'assassinat de Fernando Villavicencio.

Dans un entretien livré à Libération ce jeudi 10 août, le politologue Régis Dandoy, chercheur associé à l'Universidad San Francisco de Quito en Équateur, spécialiste en élections locales et régionales, cet assassinat est "très surprenant" car Villavicencio "n'était pas un des principaux candidats" et avait "très peu de chances de pouvoir se qualifier pour le second tour", pondérant ainsi les derniers sondages réalisés par Cedatos. "Son assassinat pose beaucoup de question", dit-il, hésitant entre l'hypothèse d'un "règlement de comptes" ou "d'une volonté d'affaiblir le processus électoral". "La démocratie équatorienne ne méritait pas ça", a-t-il déploré.

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