Le vice-président Mike Pence peut-il sauver le soldat Donald Trump ?
Le 6 janvier prochain, il reviendra au Congrès américain réuni en séance plénière sous la présidence de Mike Pence, de valider, ou non, les votes des grands électeurs qui ont été désignés au soir de l'élection présidentielle du 3 novembre dernier. On sait que le 14 décembre, 306 de ces grands électeurs ont voté pour le candidat démocrate Joe Biden alors que seulement 232 d'entre eux ont voté pour le président sortant Donald Trump. En principe, cette procédure de certification par le Congrès n'est qu'une formalité. Mais cette fois-ci, la session du 6 janvier après-midi risque d'être animée, à la fois au sein du Capitole et en dehors, Donald Trump ayant appelé à une manifestation monstre de ses supporters à Washington DC ce jour-là. En cause, les forts soupçons de fraude électorale de certains Etats de l'Union ayant autorisé le vote par correspondance universel pour l'élection présidentielle sous le prétexte de la crise du coronavirus. En fait, trois scénarii doivent être envisagés pour cette session du 6 janvier.
Le scénario "circulez, il n'y a rien à voir"
Les démocrates sont formels, les élections du 3 novembre se sont déroulées dans des conditions irréprochables, Joe Biden a obtenu 81 millions de voix, un record historique, jamais aucun autre candidat à l'élection présidentielle n'ayant été crédité d'autant de voix dans l'histoire du pays. Il a emporté le vote populaire avec 7 millions de voix de plus que Donald Trump et il a emporté la majorité des voix des 538 grands électeurs.
En conséquence, la cérémonie du 6 janvier au Congrès ne sera qu'une formalité. Mike Pence, agissant en tant que président de cette session du Congrès n'a d'autre choix que de reconnaître la défaite de Donald Trump et de déclarer Joe Biden le 46ème président des Etats-Unis, ce dernier devant alors prêter serment le 20 janvier.
Le scénario de la confrontation brutale
En sa qualité de président du Sénat, le vice-président Mike Pence est désigné par la Constitution comme étant le seul responsable de cette procédure de certification des voix des grands électeurs. La Constitution prévoit du reste qu'à ce titre, les décisions prises par le vice-président sont définitives et ne peuvent faire l'objet d'aucun recours, notamment devant la Cour Suprême.
A cet effet, divers commentateurs ont fait observer que Mike Pence pourrait constater, lors de l'ouverture des enveloppes contenant les votes des grands électeurs de chacun des 50 Etats de l'Union, que les élections se sont déroulées sous l'égide des gouverneurs dans certains Etats en violation de leurs propres lois électorales. Plus précisément, le vice-Président pourrait dénoncer le fait que les électeurs ont pu voter par correspondance alors que les lois de ces Etats - et parfois même leur Constitution - interdisaient le vote par correspondance universel sans contrôle, en raison des dangers inhérents de fraudes et de manipuations. Or, l'article II - section 1 de la Constitution fédérale prévoit expressément que seuls les Parlements de chacun des 50 Etats peuvent légiférer en matière de droit électoral. En conséquence, des centaines de milliers de bulletins par correspondance ont été comptabilisés de façon illégale. Les Etats en question ne peuvent donc pas être vus comme ayant organisé des élections présidentielles valides si bien que leurs grands électeurs respectifs ne peuvent pas être retenus.
En l'occurrence, on rappellera que le 7 décembre dernier, 18 Etats, conjointement avec 126 membres (républicains) de la Chambre des représentants ont précisément demandé à la Cour suprême des Etats-Unis d'invalider les élections tenues dans quatre Etats, à savoir la Géorgie, le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin sur ce même fondement. Quatre jours plus tard, les plaignants se sont fait débouter par la Cour, non pas sur le fond mais pour défaut d'intérêt à agir. La Cour a considéré en effet qu'un Etat de l'Union n'était pas affecté par des élections organisées de façon irrégulière par un ou plusieurs autres Etats. La question de la légitimité des élections reste donc en suspens s'agissant de ces quatre Etats.
Si Mike Pence décidait d'invalider les 62 grands électeurs de ces Etats - agissant finalement en juge du fond en lieu et place de la Cour Suprême - Joe Biden obtiendrait alors moins de 270 voix de grands électeurs, majorité nécessaire. Dans ce cas, la Chambre des représentants et le Sénat, dans leurs nouvelles compositions, seraient appelés à désigner respectivement le président et le vice-président.
A la Chambre des eprésentants, depuis les élections du 3 novembre, les démocrates disposent d'une majorité d'une dizaine de voix seulement sur les 435 représentants. Toutefois, pour la désignation du président, le 12ème amendement de la Constitution prévoit un vote dans cette chambre non pas à la majorité des représentants mais à la majorité des délégations d'Etats, chaque Etat étant doté d'une voix, la résolution étant adoptée à la majorité des 26 Etats. La délégation de chaque Etat est constituée des membres du Congrès de cet Etat, c'est-à-dire ses deux sénateurs et ses représentants élus à la Chambre des représentants (qui varient de 1 à 53 par Etat en fonction de l'importance de sa population). Or, depuis les élections du 3 novembre, 27 Etats sont majoritairement représentés au Congrès par des membres républicains contre 23 Etats majoritairement représentés au Congrès par des membres démocrates. Il serait donc possible que Donald Trump soit reconduit pour un second mandat par la Chambre des représentants dans ces conditions.
Au Sénat, le vote se déroulera à la majorité simple des 100 sénateurs. La composition finale du Sénat sera connue la veille, au soir des deux élections sénatoriales partielles qui se seront déroulées en Géorgie le 5 janvier. Depuis les élections du 3 novembre, le Sénat est composé de 50 sénateurs républicains et de 48 sénateurs démocrates. Il suffit donc au parti républicain d'emporter l'une des deux élections partielles de Géorgie pour être majoritaire dans la chambre haute américaine. Si les démocrates emportent les deux élections partielles en Géorgie, le Sénat sera alors divisé à 50/50, le vice-président Mike Pence ayant la responsabilité de départager les voix en cas de blocage, celui-ci ayant alors la possibilité de voter pour lui-même.
Ce scénario n'est sans doute pas le plus probable mais il ne saurait être écarté tant la question de la fraude électorale aura été prégnante au cours des deux mois qui viennent de s'écouler, chaque jour apportant son lot de nouvelles révélations et de témoignages accablants. A tel point que près de la moitié des électeurs américains sont désormais convaincus que Donald Trump s'est fait voler l'élection le 3 novembre dernier.
Le scénario intermédiaire des objections
En supposant que Mike Pence ne rejette aucun des grands électeurs lors de la session du 6 janvier, il n'en reste pas moins que selon une loi constitutionnelle adoptée en 1887, un membre de la Chambre des représentants ainsi qu'un sénateur pourront soulever conjointement une objection contre les grands électeurs d'un Etat en particulier. Dans ce cas, chacune des deux chambres législatives devra débattre de son côté pour ensuite voter afin de confirmer ou d'infirmer le vote des grands électeurs concernés par ces objections. Si plusieurs Etats font l'objet d'une objection, la procédure doit être répétée autant de fois que nécessaire. Le Congrès agit alors comme ultime rempart aux irrégularités, mais pour ce faire, les deux chambres doivent s'accorder pour rejeter les grands électeurs contestés.
Déjà plusieurs membres de la Chambre des représentants et sénateurs ont fait part de leur intention de formuler une objection contre les grands électeurs des quatre Etats mentionnés précédemment mais également de l'Arizona - où un audit des résultats d'un comté a récemment démontré un transfert de 3 % des voix de Trump au profit de Biden, ce dernier ayant remporté l'Etat avec moins de 1 % d'avance - et du Névada où les avocats de Donald Trump ont amassé d'importantes preuves de fraude. Dans ce scénario, les débats au Congrès risquent donc d'être intenses, à tel point que le nouveau président ne sera vraisemblablement pas désigné au soir du 6 janvier.
Au Sénat, le vote se déroulera à la majorité simple des 100 sénateurs. On rappellera qu'il suffit au parti républicain d'emporter l'une des deux élections partielles de Géorgie le 5 janvier prochain pour être majoritaire dans la chambre haute américaine. Du reste, Kelly Loeffler, l'un des deux candidats républicains, a promis que si elle était élue au Sénat, elle objecterait les voix des grands électeurs de la Géorgie. Elle suit en fait la recommandation du Comité Judiciaire du Sénat de Géorgie, lequel a conclu à une fraude avérée dans son rapport du 22 décembre dernier, d'un niveau largement supérieur aux 11.779 voix d'avance obtenues par Joe Biden dans cet Etat.
A la Chambre des représentants, les représentants démocrates majoritaires devraient en principe avaliser le vote des grands électeurs, confirmant l'élection de Joe Biden. Toutefois, les juristes font remarquer que la loi de 1887 prévoit un vote dans cette chambre "à la majorité simple" mais sans préciser de quelle majorité il s'agit. S'agit-il de la majorité de ses membres, qui est la règle s'agissant de l'adoption des lois ordinaires, ou bien de la majorité des délégations d'Etats, qui est la règle applicable aux résolutions concernant l'élection présidentielle ? Les démocrates exigeront naturellement que les votes du 6 janvier se déroulent à la majorité des membres de la chambre basse (comme cela s'est produit dans le passé du reste) alors que les républicains pourraient théoriquement demander à ce que ces votes se déroulent par délégations d'Etats. En principe, il reviendrait au vice-président de trancher ce point.
En réalité, avec ce scénario, le camp de Donald Trump est bien conscient qu'il ne parviendra pas à convaincre suffisamment de sénateurs et de membres de la Chambre des représentants de rejeter les voix des grands électeurs des Etats contestés. Mais le simple fait d'avoir l'opportunité de présenter au Congrès les preuves des nombreuses irrégularités ayant marqué les élections respectivement en Arizona, en Géorgie, au Michigan, au Nevada, en Pennsylvanie et dans le Wisconsin constituera une victoire symbolique importante.
Anthony Lacoudre est avocat à New York.
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