Migrants : l'UE présente sa "position commune" à la Turquie
Les dirigeants de l'UE doivent présenter vendredi 18 mars au matin à la Turquie leur "position commune", fixée dans la nuit après de laborieuses tractations, pour sceller enfin un accord censé mettre un coup d'arrêt à l'afflux de migrants vers l'Europe. Une rencontre entre le président du Conseil européen Donald Tusk et le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu est prévue à 08H30 (07H30 GMT) à Bruxelles, en présence du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et du Premier ministre néerlandais Mark Rutte, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE.
Un accord turco-européen serait une "bonne opportunité de mettre fin au trafic d'êtres humains", a insisté la chancelière allemande Angela Merkel. Mais "je ne peux pas vous garantir qu'il y aura une conclusion heureuse", a tempéré le président français François Hollande. Plusieurs Etats membres de l'UE craignent encore une illégalité de la mesure phare du plan en négociation: le renvoi de tous les nouveaux migrants arrivant en Grèce depuis la Turquie, y compris les demandeurs d'asile. D'autres refusent d'aller trop loin dans les contreparties promises à Ankara, en particulier Chypre, qui a toutefois évoqué jeudi pour la première fois un "compromis" possible.
Le compromis finalisé dans la nuit entre les 28 n'est pas un texte formel, mais "une position commune" avec des "lignes rouges" à ne pas franchir, qui servira de mandat de négociation à M. Tusk, a expliqué une source européenne. "Notre proposition est toujours sur la table", a déclaré jeudi 17 au soir M. Davutoglu avant de s'envoler vers Bruxelles. "Mais la Turquie ne deviendra jamais une prison à ciel ouvert pour les migrants", a-t-il prévenu.
Depuis le début de l'année, plus de 143.000 personnes sont arrivées en Grèce via la Turquie, portant à plus d'un million les entrées en Grèce, depuis janvier 2015, de migrants fuyant pour la plupart la Syrie en guerre, l'Irak et l'Afghanistan, selon le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR). Cet afflux, combiné avec la fermeture de la "Route des Balkans", place la Grèce et les milliers de migrants qui y sont bloqués dans une situation intenable. Et accentue la pression pour que les Européens s'entendent avec Ankara.
Les Européens ont été surpris de l'ampleur de la "proposition turque" avancée lors du précédent sommet du 7 mars: Ankara est désormais disposé à reprendre tous les nouveaux migrants gagnant les îles grecques, y compris les demandeurs d'asile. L'ONU a mis en garde contre l'illégalité de "possibles expulsions collectives et arbitraires" vers la Turquie. Mais la Commission a assuré, analyse juridique à l'appui, que tout accord respecterait le droit international, promettant des procédures individualisées pour tous les migrants.
Aux termes du pré-accord, les Européens s'engageraient, pour chaque Syrien renvoyé, à "réinstaller" dans l'UE un autre Syrien depuis la Turquie. Ce dispositif serait dans un premier temps plafonné à 72.000 places offertes en Europe. En contrepartie, la Turquie obtiendrait une nouvelle aide substantielle de l'UE, qui pourrait jusqu'à doubler la promesse actuelle de trois milliards d'euros pour les 2,7 millions de Syriens réfugiés sur le sol turc. Les Européens comptent cependant imposer des conditions à cette aide, qui pourraient refroidir Ankara ce vendredi.
La Turquie arracherait également une accélération du processus de libéralisation des visas pour ses ressortissants, ainsi qu'une relance de ses négociations d'adhésion à l'UE, bloquées par le contentieux historique avec Chypre. Jusqu'alors inflexible contre la possibilité d'ouvrir rapidement de nouveaux chapitres de ces négociations, le président chypriote Nicos Anastasiades a entrouvert une porte jeudi, envisageant désormais "un compromis" possible, basé sur de strictes conditions à respecter pour Ankara. Alors que plusieurs pays de l'UE renâclent à s'entendre avec un pouvoir islamo-conservateur accusé de dérive autoritaire, le président Recep Tayyip Erdogan a réclamé mercredi 16 la levée de l'immunité de parlementaires pro-kurdes.
Et le magazine allemand Der Spiegel a dénoncé jeudi une atteinte "à la liberté de la presse" après que son correspondant en Turquie a été contraint de quitter le pays, son accréditation n'ayant pas été renouvelée. De Washington, la Maison Blanche a ajouté sa voix, exhortant jeudi la Turquie à respecter les valeurs démocratiques. "Il n'est pas question de brader nos valeurs", a prévenu jeudi le Premier ministre belge Charles Michel, refusant une négociation avec Ankara "qui ressemble parfois à une forme de chantage".
En Grèce, où 850.000 personnes sont entrées par la Turquie l'an dernier, l'actrice américaine Angelina Jolie a rencontré jeudi des réfugiés syriens sur l'île de Lesbos, où se trouvent 4.800 migrants. Toujours en Grèce, l'artiste chinois Ai Weiwei s'est fait symboliquement couper les cheveux par un Syrien à Idomeni, pour attirer l'attention sur les conditions précaires dans un camp de la frontière macédonienne. Au moins 10.500 personnes continuent d'y espérer une très hypothétique réouverture de la frontière avec la Macédoine, pour poursuivre leur route vers le nord de l'Europe.
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