Poutine n’exclut pas le recours à l’arme nucléaire même si le “besoin n’existe pas”, Moscou livre des navires à Cuba
Le chef du Kremlin continue de souffler le chaud et le froid quant à la menace nucléaire. Intervenant lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg à propos d’une “escalade nucléaire”, Vladimir Poutine affirme “n’avoir jamais lancé ce genre de rhétorique”. Le président russe, qui a menacé de recourir à l’arme nucléaire quelques semaines après l’invasion de l’Ukraine, affirme que Moscou n’a pas de raison à ce jour de l’employer. “Mais c’est un instrument vivant (...) et nous n’excluons pas d’apporter quelques modifications à cette doctrine” avertit-il.
En réponse au feu vert donné à Kiev par des pays occidentaux, particulièrement les États-Unis, l’Allemagne et la France pour l’usage de leurs missiles sur le territoire russe, Vladimir Poutine a menacé de livrer des pays tiers susceptibles de frapper les intérêts occidentaux. Comme un bégaiement de l’histoire, Cuba a annoncé la réception de trois navires de guerre russes, dont un à propulsion nucléaire.
Deux mois après l’invasion de l’Ukraine, Vladimir Poutine déclarait dans un discours diffusé à la TV que “si quelqu’un souhaite s’ingérer dans les événements actuels, alors il doit savoir qu’il créera une menace géopolitique et doit savoir qu’il y aura une réponse”. Sur un ton froid et menaçant, il a affirmé que la Russie “a tous les instruments, que personne n’a aujourd’hui” et Moscou “utilisera ces outils si nécessaire”.
Le besoin “n’existe pas” mais le recours au nucléaire “n’est pas exclu”
Une menace maintes fois agitée par le chef du Kremlin, en réponse, souvent, à des décisions ou des manœuvres occidentales. Le 6 mai dernier, la Russie a annoncé la tenue prochaine d’exercices nucléaires près de l’Ukraine, en réponse à des “déclarations belliqueuses” de certains dirigeants occidentaux, comme celles d’Emmanuel Macron sur un envoi possible de troupes sur le front ukrainien, celles portant sur le transfert d’équipements militaires comme les chars et les avions vers Kiev ou encore le discours ambiant en Europe appelant à se préparer à un conflit direct avec la Russie.
Si le ministère russe de la Défense n’a précisé ni la date ni le lieu de ces exercices, il explique que ceux-ci devraient permettre à son armée de "s'entraîner à la préparation et à l'utilisation d'armes nucléaires non stratégiques, créées pour être utilisées sur le champ de bataille”.
La semaine dernière, ce que Moscou qualifiait jusque-là de déclarations “provocatrices” à propos de l’usage par Kiev des armes de l’OTAN pour cibler le territoire russe s'est transformé en décisions concrètes. Paris, Berlin et Washington affirment que la levée de cette restriction à l’Ukraine ne provoquera pas une escalade. Le Kremlin a appelé à “prendre le plus au sérieux possible” ses avertissements, qualifiant ces décisions “d’erreurs de calcul qui pourraient avoir des conséquences fatales”.
Pourtant, vendredi dernier, le président russe se voulait rassurant. Lors d’une intervention au Forum économique international de Saint-Pétersbourg, Vladimir Poutine a nié le fait que lui ou son gouvernement aient évoqué l’escalade nucléaire. “Nous n’avons jamais lancé ce genre de rhétorique”, a-t-il déclaré.
La Russie, poursuit-il, ne voit actuellement pas une raison qui la pousserait à recourir à ces armes. “Nous avons une doctrine nucléaire et tout y est écrit : l’utilisation est possible dans des cas exceptionnels, comme une menace pour la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays”, explique-t-il. “Je ne pense pas qu’un tel cas se soit produit. Ce n’est pas nécessaire (...) le besoin n’existe pas non plus, puisque nos capacités d’information, informatiques, nous permettent de tout produire dans sa forme actuelle”.
Mais cela pourrait changer. “Cette doctrine est un instrument vivant, et nous surveillons attentivement ce qui se passe dans le monde, autour de nous, et n’excluons pas d’apporter quelques modifications”, avertit-il encore.
Trois navires et un sous-marin à propulsion nucléaire livrés à Cuba
Le chef du Kremlin en a profité pour évoquer la levée par des pays occidentaux des restrictions à l’Ukraine quant à l’usage de leurs équipements militaires sur le sol russe. La réponse de son pays, dit-il, pourrait être “symétrique”. De son avis, les États qui permettraient à l’Ukraine de frapper le territoire russe entreraient de facto en conflit avec la Russie puisque, à titre d’exemple, les missiles de longue-portée nécessitent un guidage par des systèmes et du personnel qualifié, à l’image des instructeurs français, dont l’envoi sur le front est en cours de discussion entre Paris et Kiev.
Vladimir Poutine a d’abord menacé, cela fait quelques jours, de livrer des armes à des pays susceptibles de porter atteinte aux intérêts occidentaux. "Si quelqu'un considère possible de fournir de telles armes dans la zone de combat pour frapper notre territoire (...), pourquoi n'aurions-nous pas le droit de fournir nos armes du même type dans des régions du monde où seront frappées les installations sensibles des pays qui agissent ainsi contre la Russie ?", interroge-t-il.
La menace a vite été mise en exécution avec l’envoi officiel de trois navires et un sous-marin à Cuba. L’annonce, faite par La Havane, n’est pas sans rappeler la crise des missiles cubains en 1962. "Aucun des navires ne comporte des armes nucléaires, donc leur escale dans notre pays ne représente aucune menace pour notre région", a rajouté le ministre Bruno Rodríguez Parrilla. Néanmoins, le sous-marin est bien à propulsion nucléaire.
Quant à la confrontation avec l’OTAN, le président russe nie une quelconque intention de Moscou d’attaquer l’alliance transatlantique. “Qui a inventé cette absurdité ? Des conneries", s’est-il emporté lors d’une rencontre avec des journalistes. Et d’ajouter, après avoir été interrogé sur des drapeaux de la Russie contemporaine, de l’URSS et de la Russie impériale, déployés à Saint-Pétersbourg devant le siège de Gazprom : "Ne cherchez pas ce qui n'existe pas (...) ne cherchez pas nos ambitions impériales. Elles n'existent pas".
Interrogé sur les élections américaines prévues en novembre entre Donald Trump et Joe Biden, le chef du Kremlin voit dans les poursuites contre l’ancien président américain “une utilisation du système judiciaire dans le cadre d’une lutte politique interne”. Il ne s’attend pas, en cas d’un retour de Trump à la Maison-Blanche, à un changement dans les relations russo-américaines. “Nous ne pensons pas qu’après l’élection, quelque chose changera vis-à-vis de la Russie et dans la politique américaine”.
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