Invectives entre la France et l’Italie sur la question de l’Ocean Viking

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Teresita Dussart, pour FranceSoir
Publié le 14 novembre 2022 - 12:55
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Meloni - Macron
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AFP
Giorgia Meloni a qualifié la rhétorique du gouvernement français "d’agressive, incompréhensible et injustifiée".
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CHRONIQUE - Le coup de force de l’ONG l’Ocean Viking a fonctionné une fois de plus. La différence est que cette fois, le gouvernement italien étant passé dans les mains de Georgia Meloni, du parti Fratelli d’Italia, réputé d’extrême droite, les arguments de 2018 qualifiés par Emmanuel Macron de "déclarations d’estrade", paraissent tellement de circonstances, qu'il les fait siens. L’ONG norvégienne a réussi à créer un incident absurde entre deux pays partageant la même urgence. La France, l’Italie, mais aussi l’Espagne, Malte, la Grèce, Chypre, ont un problème commun, qu’ils ne peuvent modifier. C’est leur géographie. Leur front méditerranéen les condamne à un jeu duquel ils peuvent uniquement sortir perdant : celui de la mécanique désormais bien huilée des mafias de trafic de migrants, relayée par les multinationales de la charité, œuvrant à détruire le peu de solidarité communautaire sur le dossier de la migration clandestine massive et des tragédies maritimes qui en découlent. 

Giorgia Meloni a qualifié la rhétorique du gouvernement "d’agressive, incompréhensible et injustifiée". Relativisant, "ce n’est pas intelligent de se disputer avec la France, la Grèce, Malte ou avec d’autres pays." Le fait est que les ONG qui font le taxi pour les trafiquants ne poussent pas la générosité jusqu’à débarquer ces personnes vers les pays dont battent pavillon ces bateaux. Elles préfèrent rester 15 jours en mer et exposer à la détresse sanitaire les personnes qu’elles sont censées protéger, plutôt que de remonter le cours de l’Atlantique pour atteindre l’Allemagne, port d’attache de l’Humanity One et du Sea Watch, voire retourner en Afrique. L’Afrique n’est pas une prison. C’est un continent composé d'États ni plus ni moins souverains que les États européens, qui partagent les mêmes principes de droit public que l’Europe et qui ont souvent ratifié les mêmes conventions sur les sujets essentiels. Le sauvetage n’implique pas de sous-traiter pour les mafias, mais de soustraire les victimes à la mer et aux mafias.  

L’imposition des ports méridionaux européens se fait au nom de la notion de "port sûr". Or, ce concept de droit maritime n’a pas été pensé pour l’immigration de masse organisée. Ce concept posé, c’est très facile depuis l’Allemagne ou les côtés scandinaves de donner des leçons de morale à l’Espagne, à Malte, à la Grèce ou à l’Italie, qui reçoivent littéralement des dizaines de milliers de migrants, sachant que le risque d’assignation vers des pays tiers est une vue de l’esprit.

Penser aller se plaindre à Olaf Scholtz ou à Ursula von der Leyen du comportement de l’Italie, comme l’a prétendu Emmanuel Macron, est pathétique. Par opportunisme politique, ils condamneront, mais ça s’arrête là. La réalité est que depuis la tragédie de Lampedusa en 2013, le sud de l’Europe est seul. "La nervosité de certains politiques français avec l’arrivée de 230 migrants est inexplicable. En Italie, se sont produits 90 000 débarquements depuis le début de l’année, desquels la France en a accepté seulement 38, le reste de l’Europe 117. L’Italie devrait être la seule qui proteste !", s’exclamait jeudi Meloni. C’est extrêmement imprudent de la part de la France de se joindre au chœur de donneurs de leçons, car si l’Italie ferme ses ports, le port le plus "sûr", dans le cadre de la route migratoire de la Méditerranée occidentale, reste Toulon. L’exigence de l’Italie pour éveiller une vraie conscience communautaire devrait être un combat partagé par tous les pays exposés au phénomène migratoire clandestin massif, indépendamment de leur couleur politique. 

Ceux des clandestins qui sont relocalisés dans le cadre du système de solidarité communautaire sont une minorité. Le problème n’est pas là. La plupart des migrants qui arrivent en France, le font de leur propre chef. Selon Eurostat, la France est le seul pays où la présence des clandestins a plus que doublé, malgré l’interlude covid entre 2019 et 2021, passant respectivement de 120 455 à 215 150, selon l’organisme de statistique européen. Car la vraie promesse des passeurs, ce n’est pas le sud, où les États providence sont moins généreux, mais le mirage français. Les passeurs et les ONG savent qu’en encourageant cette migration, elles poussent des populations entières vers une vie en déréliction.

La date du dernier sauvetage de l’ONG Ocean Viking n’est pas moins étonnante. En octobre 2022, 39 organisations de droits de l’homme ont convoqué à Rome et Milan, une manifestation pour demander la rupture du Mémorandum avec la Lybie. Ce dernier non seulement n’a pas été rompu mais a été reconduit le 2 novembre. Quelques heures après, l’Ocean Viking faisait sa pêche miraculeuse de rescapés des "camps de concentration Libyens". Le mémorandum entre l’Italie et son ancienne colonie a été signé une première fois en 2017, une autre en 2020. L’idée est de former et d’équiper les gardes côtes magrébins pour récupérer les migrants en mer. Le gouvernement de Meloni ne fait que poursuivre une politique engagée par ses prédécesseurs. Une politique qui s’inscrit dans le cadre des mesures prises de la Politique de Sécurité Commune (PESC).

Les ONG fondent leur légitimité sur les faiblesses structurelles de l’État libyen, comme partenaire de l’Europe dans la contention du phénomène migratoire et le sauvetage en mer. Mais il y a une forme de racisme cash à considérer que toute forme de coopération est vouée par nature à l’échec. La gestion des flux migratoires clandestins de la Méditerranée ne se fera pas avec l’aide des pays du nord de l’Europe, du moins pas seulement, mais dans le cadre d’une coopération intelligente avec les pays africains, dont les ressorts restent à trouver. Ce ne doit pas nécessairement être du clientélisme. L’Italie a beaucoup de longueur d’avance de ce point de vue, au travers de son expérience réussie, depuis l’opération Mare Nostrum de 2013 à 2014 à nos jours.   

Le vrai talon d’Achille porte sur les ONG justement. S’il est un aspect stratégique sur lequel l’intelligence institutionnelle a très peu planché, c’est la rare velléité des multinationales de la charité de créer des situations disruptives de tout ordre. Qui finance ces ONG répond en partie à la question, que cherchent-elles à obtenir ? Pour certaines, il s’agit certainement d’une mission humanitaire telle que Médecins du monde. Pour d’autres, c’est moins clair. Leur statut d’ONG les met à l’abri de la transparence propre à toute autre entité.

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