Le chef de la police finlandaise dénonce la contrebande d'armes fournies à l’Ukraine 

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Teresita Dussart, pour FranceSoir
Publié le 04 novembre 2022 - 14:10
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AFP
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CHRONIQUE - Christer Ahlgren, superintendant de l’Officine nationale d’investigation (NBI) finlandaise, a osé rompre avec le tabou de l'État vestale ukrainien. Dans le cadre d'une interview au média digital YLE le 30 octobre, il a déclaré que des armes fournies par la Finlande à l’Ukraine, ce dès la première semaine suivant l’intervention russe, sont revenues en contrebande en Finlande : "Il se peut que les armes envoyées en Ukraine soient revenues en Finlande et aient fini dans les milieux de la clandestinité criminelle, y compris dans les mains de bandes connues du crime organisé". Et de préciser : "Des routes ont été établies entre l’Ukraine et la Finlande pour la contrebande d’armes".

Selon les informations préliminaires qu'il affirme avoir reçus, ces groupes criminels auraient capturé "des armes militaires, telles que des fusils d’assauts pensés pour les forces ukrainiennes".  Mais cela ne concernerait pas que la Finlande. "Des armes envoyées par plusieurs pays à l’Ukraine, ont été trouvées en Suède, au Danemark et aux Pays-Bas", toujours selon Ahlgren.

"Les routes et les contacts pour le trafic illégal d’armes de l’Ukraine vers la Finlande, sont déjà en place", affirmait sans l’ombre d’un doute Ahlgren. "Trois des plus grands gangs de motards du monde, parties prenantes d’organisations internationales plus vastes, sont actifs en Finlande. L’un d’eux est Bandidos MC, lequel dispose d’une unité dans la plupart des grandes villes d’Ukraine", détaillait le patron de la police finlandaise aux confrères de YLE.

"L’Ukraine a reçu un large volume d’armes, et cela est bon, mais nous devrons composer avec ces armes durant des décennies et en payer le prix ici". Comme pour enfoncer le clou, il regrette que "les décideurs [aient] oublié que la guerre en Ukraine a créé plus de travail pour les forces de police, mais cela ne s'est pas traduit par une augmentation de la dotation en personnel et en fonds. Aujourd’hui, les contrôles de sécurité sont obligatoires auprès du personnel d’aéroport, mais les mêmes contrôles ne sont pas demandés pour les travailleurs portuaires, accordant aux criminels une porte dérobée dans les ports finnois."

Le ministère de l’Intérieur ukrainien n’a pas tardé à apporter un démenti. "Les propagandistes du Kremlin provoquent la création de mythes et de fictions dangereuses sur les procès qui ont cours en Ukraine." Dans la même veine, Kiev accuse le média YLE d’avoir publié une information "quelque peu inventée", le "quelque peu" restant à l’appréciation de chacun. Et de publier des informations que "le policier en réalité n’a pas dites". In fine, "de salir l’État ukrainien aux yeux de ses alliés, selon la volonté de Poutine".

Face à une telle accusation, le média finlandais n’a pas résisté. Dès jeudi, il faisait amende honorable, citant cette fois Markus Välimäki, directeur Adjoint du NBI. À titre de "clarification", celui-ci déclarait : "la police finlandaise n’a pas de preuve que des armes fournies dans le cadre de l’aide militaire à l’Ukraine soient revenues en contrebande dans le pays".

La catharsis de Christer Ahlgren n’aura pas tenu longtemps face au sempiternel michetonnage ukrainien. Mais ce n’est pas la première fissure dans le consensus géopolitique du rien-n’est-trop beau-pour-l’Ukraine. Face à l'impossibilité technique de tracer le flux des fonds financiers et des armes envoyées à Kiev, quelques voix se sont d'ores et déjà fait entendre. Entre autres, celle du secrétaire général d’Interpol, Jurgen Stock, lors d’une conférence au siège de l’Association de la presse anglo-américaine, le 1er juin (déclarations dont FranceSoir s’était fait écho) : "Je n’ai pas de doute sur le fait que la vente d’armes illégales va augmenter […] Non seulement dans la région voisine de la zone de conflit, mais, nous le savons par expérience, ces armes peuvent être trafiquées vers d’autres continents. Nous avons vu cela dans la région des Balkans. Nous avons vu cela sur de nombreux théâtres en Afrique, et bien sûr de nombreuses organisations criminelles essayent d’exploiter la situation chaotique, la disponibilité d’armes, y compris d’armement militaires".

Aux États-Unis, des voix commencent à exiger des comptes sur l’usage des aides à l’Ukraine, et pas seulement dans les rangs des républicains. Chez les démocrates aussi. Mardi dernier, Pramila Jayapal, chef de file du groupe parlementaire progressiste de l’État de Washington, a demandé au président Joe Biden "de reconsidérer sa stratégie avec la Russie, en renforçant l’aide militaire et économique à l’Ukraine au travers d’une diplomatie proactive, redoublant les efforts pour trouver un cadre réaliste de cessez-le-feu". Du côté des républicains, si au début ils ne voulaient pas se montrer en reste sur leur soutien à l’Ukraine, les messages sont aujourd’hui beaucoup plus contrastés. Le représentant Kevin McCarthy a fait savoir que si les républicains gagnent les élections de « mid-terms » et reprennent le contrôle du Congrès, ils s’opposeront à des aides additionnelles à l’Ukraine.

Au-delà de la question des prises de positions, à savoir si ces aides sont pertinentes ou non, selon la lecture géopolitique, historique et de droit public du conflit entre deux nations ethniquement homogènes, la question qui divise les eaux, par laquelle les États de droit consolidés auraient dû commencer, est celle de la transparence et de l’obligation de rendre des comptes. Le terme anglais accountability, voire deep accountability, est d’ailleurs devenu un axe de la campagne des républicains.

L’obligation de rendre des comptes devrait aussi être exigée à l’Union européenne et aux nations qui la composent. Le policier finlandais a été obligé de revenir sur ses déclarations. Mais les faits ont la dent dure. Et ils sont précédés par une longue trajectoire en matière de corruption et de trafic d’armes de la part de l’Ukraine.

Les techniciens de l’UE exigent, cette semaine, au gouvernement de Pedro Sanchez en Espagne, de rendre des comptes sur la répartition des fonds Next Generation, avant de débourser la troisième tranche. Ces fonds ont été pensés pour pallier les conséquences des mesures prises en réponse à la déclaration de pandémie de 2020. Cette même méticulosité, exigée à un des États fondateurs de l’UE, est totalement absente lorsqu’il s’agit de demander à l’Ukraine de justifier l’usage des fonds alloués, lesquels sont sans commune mesure avec ce que reçoivent les États du sud de l’Europe. Le plus ironique étant que mercredi, Volodymyr Zelensky a mendié une nouvelle aide financière à l’Espagne au cours de la visite de José Manuel Albares, ministre des Affaires étrangères espagnol, à Kiev. Et il va probablement l’obtenir. 

Comme nous l’écrivions dans une édition antérieure, les fonctionnaires de la Cour européenne d’auditeurs, sont aux abonnés absents dès qu’il s’agit de l’Ukraine ce, depuis 2016. Il faut rappeler que les aides militaires et financières vers ce pays n'ont pas attendu février 2022.

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