Scandales sexuels : l'Eglise manque de "contre-pouvoirs" estime un expert
De la crise chilienne aux scandales sexuels aux Etats-Unis, l'Eglise vit "une année difficile", fruit des pontificats précédents et de l'absence de "contre-pouvoirs" en son sein, estime Jean-Pierre Denis, essayiste et directeur de la rédaction de l'hebdomadaire chrétien La Vie, dans un entretien à l'AFP.
- QUESTION : Dans de nombreux pays, l'Eglise connaît depuis le début de l'année de nombreuses difficultés liées à de nouvelles accusations d'abus sexuels ou à ses positions contre l'avortement. Ces évènements creusent-ils le fossé entre l'institution et ses fidèles ?
REPONSE: "Ce qui se produit aux Etats-Unis est une véritable onde de choc. Les catholiques américains pouvaient penser que les problèmes de pédophilie étaient derrière eux depuis 10 ou 15 ans et on réalise aujourd'hui que ce n'est pas le cas (après la mise en cause de 300 prêtres accusés de pédophilie dans une enquête en Pennsylvanie, ndlr).
Il y a une certaine colère, un malaise y compris de prêtres qui en veulent beaucoup à l'institution de ne pas avoir suffisamment agi, ou d'avoir dit qu'elle agissait et de ne pas l'avoir fait. A Rome et dans les diocèses, on s'aperçoit que des cardinaux, des membres importants de l'Eglise n'ont pas joué le jeu. Se pose la question de la responsabilité d'un certain nombre de personnalités qui ont compté dans les années du pontificat de Jean-Paul II essentiellement, mais qui ont continué à être influentes sous le pontificat de Benoît XVI et celui du pape François."
- Q: Comment l'Eglise peut-elle surmonter ces épreuves ?
- R: "Il faut distinguer les problèmes d'abus sexuels qui sont commis par des prêtres ou des évêques, et l'autre problème, émergeant aujourd'hui, qui est la façon dont le système ecclésial a essayé de couvrir un certain nombre de ces abus en mutant des prêtres ou en ne prenant pas des mesures suffisantes.
Se pose la question de l'absence de contre-pouvoir ou de contrôle dans l'Eglise, une institution parmi d'autres, amenée à se soumettre aux normes de la société et donc à rendre des comptes. Elle ne peut plus se comporter comme une institution pyramidale.
Le vrai enjeu pour le pape François c'est de prendre en compte ce changement de culture et de société et mettre en place ces mécanismes de contrôle, même si ça ne fait pas partie de la culture catholique. Mais jusqu'à quel point le pape François est-il décidé à prendre des mesures ?"
- Q: L'image du pape François, à qui on a prêté une image plus moderne et proche des fidèles, n'est-elle pas écornée par ces dernières affaires ?
- R: "En terme de crise, c'est l'année la plus difficile pour le pape François depuis le début de son pontificat, mais c'est tout sauf une surprise pour lui. Il ne faut pas oublier pourquoi Benoît XVI avait démissionné (en 2013, ndlr): il disait ne pas avoir la force, même physique, pour gérer les problèmes que l'Eglise rencontre, dont les problèmes d'abus sexuels sont une composante importante, et la question de l'homosexualité dans l'église.
En dépit des troubles actuels, il n'y a aucune raison de penser que le souverain pontife pourrait démissionner à court terme, et les appels à la démission sont isolés. Il n'y a aucun mouvement dans l'Eglise catholique pour pousser le pape à démissionner, pour assumer une responsabilité politique dans la gestion de ces affaires.
Je ne suis pas sûr que la personnalité du pape François soit si profondément écornée que ça. Il est attaqué depuis le début de son pontificat à l'intérieur de l'église par les milieux conservateurs et ultra-conservateurs, mais à l'extérieur, il a quand même une popularité qui est structurelle.
Propos recueillis par Ambre TOSUNOGLU
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