Atos : bataille autour d'un acteur stratégique
Démanteler ou ne pas démanteler ? Voilà la question à laquelle devra répondre la Direction d’ATOS. Après la ruine des actionnaires de Casino et d’Orpéa, les règles de gouvernance sont à nouveau malmenées au moment où le Sénat alerte, dans son dernier rapport de fin avril, sur la situation de certains actifs de la société qui devraient faire l’objet de la plus grande vigilance.
Il faut dire qu’ATOS a subi de nombreuses déstabilisations depuis plusieurs années alors qu’il possède, entre autres, des supercalculateurs utilisés dans le secteur de la défense et du nucléaire qui sont une source d’enjeux de souveraineté nationale et de convoitises US au même titre que sa branche de cybersécurité et de cloud computing. Le groupe français est non seulement une cible de la NSA dans le cadre de la compétition économique, elle est aussi un vecteur électronique pour approcher d’autres cibles potentielles et un concurrent direct dans ses activités, ses recherches.
Depuis 2021, ATOS a fait l’objet de tentatives de prise de contrôle par différents fonds US de KKR à Bain Capital. Ceci a poussé l’Etat français, malgré son endettement abyssal, à reprendre les actifs liés à la défense et aux services de renseignement de l’ex-fleuron de la French Tech. A ce titre, Bercy a envoyé une lettre d’intention avec une fourchette de prix pour ce rachat, fin avril 2024, afin que les activités souveraines restent sous contrôle exclusivement français (une remise d’offre plus précise est prévue pour début juin 2024). Thales, Dassault, ChapsVision, Assystems et Scalian pourraient ainsi intervenir en complément de l’Agence des participations de l’Etat.
Aujourd’hui, ATOS doit effacer 3,2 milliards d’euros de dette, soit 70% de sa dette et a besoin de 1,7 milliards de nouveaux financements. L’offre de l’Etat de 700 à 1 milliard d’euros environ sur ses actifs souverains ne suffira pas à sauver le groupe et d’autres acteurs doivent entrer en jeux.
Le choix de l’offre retenue pour la prise de contrôle d’ATOS déterminera le futur périmètre de ses activités.
Le groupe français, début mai 2024, a reçu quatre offres de sauvetage et a déjà rejeté celle du fonds de private equity US Bain Capital qui ne répondait pas aux objectifs déclarés de la société de prendre en compte l’ensemble de son périmètre. Il reste donc en lice les propositions suivantes qui devraient être analysées d’ici le 31 mai :
- Celle de David Layani, premier actionnaire d’Atos qui a présenté une offre alliée à Butler Industries sur la totalité du périmètre et qui s’est engagé de le maintenir inchangé ; hors actifs souverains cédés à l’Etat français. C’est le modèle « OneAtos » avec une nouvelle direction et une situation financière assainie. C’est la position des principaux créanciers qui se sont prononcés contre le démantèlement du groupe. Comme bémol toutefois à cette offre, on notera que David Layani, président de Onepoint et ami d’Emmanuel Macron, aurait levé 500 millions d’euros auprès de la société d’investissement US Carlyle, réputée proche de la CIA, pour devenir l’actionnaire de référence d’ATOS et entrer à son conseil d’administration en févier 2024.
- Celle de Daniel Křetínský, allié au fonds alternatif britannique Attestor dont l’offre repose sur des cessions. Depuis le début, le milliardaire tchèque s’est principalement intéressé à la branche infogérance. De plus, Attestor pourrait être vu comme un mercenaire de la finance au regard de sa position observée dans le dossier Casino.
- Celle d’une nouvelle alliance entre les banques et les créanciers obligataires qui sont favorables à l’entrée au capital d’un actionnaire de référence industriel tout en préservant l’intégralité du groupe.
Le mois à venir s’annonce crucial pour l’avenir du groupe français. Alors que l’Etat français a investi plus de 100 milliards de dollars dans la dette US en un an passant d’une détention de 182,3 milliards de dollars à fin février 2023 à 284 milliards de dollars à fin février 2024 et en considérant cette dette qui continue à exploser, comme de plus en plus à risque, on peut s’interroger sur les priorités du gouvernement français à un moment où le nombre de champions français se réduit. En préemptant les actifs considérés comme stratégiques dans ATOS, l’Etat français sous pression n’aurait-il pas réagi à minima dans un secteur jugé fondamental pour l’indépendance et la sauvegarde des entreprises françaises et européennes ?
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