Google et YouTube accordent un investissement de 13,2 millions de dollars aux organismes de fact-checking
Le 29 novembre, le journal quotidien berlinois die Berliner Zeitung a rapporté que Google et YouTube ont accordé un investissement de 13,2 millions de dollars aux organismes de fact-checking. Cette somme servira à financer, dès le début de l’année 2023, le lancement d’un fonds mondial de vérification des faits qui permettre de soutenir un réseau de 135 organismes de fact-checking présents dans 65 pays.
Un investissement annoncé à l'occasion d'un sommet international
Le sommet Fighting Misinformation Online a pris place, en visioconférence, ce mardi 29 novembre à Bruxelles. Ce rassemblement annuel - en partenariat avec Google, YouTube, la Fondation Calouste‑Gulbenkian et l'Institut universitaire européen - réunit des décideurs politiques européens, des ONG, des médias, des universitaires et des entreprises de technologie afin de partager leurs connaissances sur la lutte contre la désinformation.
Ce sommet a donc été l’occasion d’annoncer officiellement un investissement conjoint de Google et YouTube d'un montant de 13,2 millions de dollars en faveur du réseau International Fact-Checking Network (IFCN), hébergé à l’école de journalisme à but non-lucratif Poynter Institute.
Se décrivant comme « un champion des bonnes pratiques et des échanges d'informations factuelles », Poynter reçoit des financements de la part d'entreprises partenaires, de fondations philanthropiques, d'agences gouvernementales et de donateurs individuels privés. L'institut publie sur son site l'identité des contributeurs à l'origine de dons de plus de 50 000 dollars. Sur la liste concernant l'année 2022, on peut retrouver, entre autres, des entreprises comme Meta (le nouveau nom de Facebook), Microsoft ou encore le média américain The Washington Post. Depuis son lancement en 2015, l'IFCN a reçu des dons de diverses fondations, dont the Bill & Melinda Gates Foundation et the Open Society Foundations de George Soros.
En outre, l'investissement de 13,2 millions de dollars bénéficiera donc principalement aux 96 organisations qui ont adopté les principes de fact-checking de l’IFCN et qui sont jugés conformes par l'institut. S'agissant de la France, Laurent Bigot, journaliste et maître de conférences associé à l’École publique de journalisme de Tours (EPJT), s'est chargé d'évaluer quels organismes étaient en conformité avec les 31 principes édictés par le code de l'IFCN.
En application de ces critères, et selon les informations tirées du site Internet de Poynter, le statut de signataire de l'IFCN est accordé aux organisations légalement constituées à des fins de vérification des faits. Les organismes qui peuvent être admis au sein du réseau de l'IFCN publient régulièrement des comptes-rendus non-partisans sur l'exactitude factuelle de déclarations de personnalités publiques ou d'institutions de premier plan, et contrôlent la véracité d'allégations axées sur des questions d'intérêt public.
Au sein du réseau français, on retrouve donc les entités signataires suivantes : « AFP fact checking » ; « France 24 - Les Observateurs »; « Les Vérificateurs LCI / TF1 » ; « franceinfo.fr » ; « 20 Minutes Fake off ». Le partenariat de l'IFCN avec les organismes suivants a expiré ou est en cours de renouvellement : « Le Monde - Les Décodeurs » ; « Les Surligneurs » ; « Libération - CheckNews ».
Investir dans de nouveaux outils numériques
D’après un communiqué de l’entreprise Google publié dans le Blogue Google Canada le 29 novembre, les données de Google Trends démontreraient que « l’intérêt envers le sujet de la désinformation a atteint un sommet inégalé en octobre dernier », ce qui a encouragé l'entreprise à vouloir lutter plus activement contre la diffusion de contenus trompeurs.
Ainsi, en plus des outils déjà mis à disposition sur les deux plateformes tels que le panneau de vérification des faits sur YouTube ou la section vérification des faits dans Google Actualités, Google et YouTube souhaitent poursuivre « leurs efforts continus pour combattre la désinformation » et cet investissement sans précédent « constitue la plus grande subvention unique de Google et YouTube pour la vérification des faits ».
L’objectif de cette subvention conséquente est donc d’aider les organismes de fact-checking « à élargir leurs activités ou à lancer de nouvelles initiatives qui améliorent la qualité de l’information, priorisent les sources fiables et réduisent les conséquences néfastes de la désinformation partout sur la planète. Les organisations de vérification des faits peuvent utiliser le financement pour intégrer de nouvelles technologies, créer des traces numériques ou accroître leur empreinte numérique, optimiser les outils de vérification ».
Un partenariat qui trouve sa source dans la gestion de l’information pendant l'épidémie de Covid-19
Le média en ligne Mashable a rapporté le 29 novembre que l'IFCN qualifiait YouTube, en début d'année, de « l'un des principaux vecteurs de désinformation et de mésinformation en ligne dans le monde ».
Le réseau de fact-checking IFCN avait principalement pointé du doigt le traitement de l'information pendant la crise du Covid-19. Dans une lettre ouverte, il avait proposé ses services à YouTube afin de l'aider à lutter contre la désinformation. Une collaboration que la plateforme américaine vient donc d’accepter officiellement, prenant le parti de ceux qui contrôlent l'information afin d'en proposer une « meilleure ». Est-ce réellement le rôle d'un hébergeur de vidéos en ligne ?
Le point de vue de la Russie sur la guerre en Ukraine aussi en ligne de mire
Enfin, éléments que révèlent également le quotidien die Berliner Zeitung, la « propagande russe » a aussi eu le droit au chapitre durant le sommet Fighting Misinformation Online. La responsable de la filiale de Google Jigsaw, Yasmin Green, aurait souligné lors de son intervention son inquiétude face à l’augmentation de l’activité des « unités de propagande russe » depuis la guerre en Ukraine.
La vice-présidente de la Commission européenne, Věra Jourová, aurait quant à elle déclaré : « L'État russe mène une guerre de l'information qui va de pair avec son agression militaire » et que « le champ libre ne devait pas être laissé à ceux qui ont intérêt à semer la peur et la division et à nuire au débat démocratique ».
Il est vrai que les institutions européennes durcissent actuellement le discours contre la Russie. Mercredi 23 novembre dernier, les députés européens ont adopté une résolution la reconnaissant comme un État soutenant le terrorisme. À cette occasion, les parlementaires strasbourgeois avaient par ailleurs invité les États membres de l’UE à l'isoler davantage sur le plan international. Il semblerait que la Commission européenne souhaite de nouveau se concerter avec les GAFAM en vue d'intensifier la censure de contenus dits « pro-russes » - ce qui n'est pas sans rappeler l'interdiction de la diffusion des chaînes Sputnik et RT France en mars dernier, accusées d’être des « outils de propagande » du Kremlin dans l’invasion de son voisin.
Le fonds de 13,2 millions de dollars ouvrira en 2023 et viendra au soutien de l’activité du réseau International Fact-Checking Network (IFCN) jusqu’en 2025.
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