Manifestation contre les méga-bassines : les opposants annoncent un "convoi de l’eau" entre les Deux-Sèvres et Paris

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France-Soir
Publié le 16 août 2023 - 11:15
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XAVIER LEOTY / AFP
Manifestants du collectif Bassines Non Merci, de la Confédération paysanne, du Soulevement de la Terre et d'ATTAC, dénonçant l'accaparement et la privatisation de l'eau, à Mauze-sur-le-Mignon, ouest de la France, le 6 novembre 2021.
XAVIER LEOTY / AFP

ENVIRONNEMENT - Les opposants au projet de "méga-bassines" sont de retour. Quelques mois après les violents affrontements entre les forces de l’ordre et les militants écologistes, ces derniers, fédérés par le collectif "Bassines non merci", annoncent une nouvelle action le 18 août dans le département des Deux-Sèvres (Nouvelle-Aquitaine). Une manifestation que les organisateurs promettent "joyeuse", qui prendra cette fois-ci la forme d’un "convoi" devant rallier la commune de Sainte-Soline et Paris d’ici le 26 août.

Objets de tensions entre les coopératives d’agriculteurs et les militants écologistes, les "réserves de substitution" ou "méga-bassines" sont un ouvrage permettant de stocker de l’eau dans un lac artificiel s’étendant sur plusieurs hectares. Cette eau est prélevée depuis les nappes phréatiques ou dans des cours d’eau pendant l’hiver pour être utilisée durant la saison estivale dans l’irrigation et l’abreuvage des élevages.

Si ces réserves n’ont jamais fait l’unanimité depuis leur apparition dans les années 1990, leur multiplication, favorisée depuis 2010 par les financements publics, exacerbe les tensions. Les opposants à ce projet dénoncent une "privatisation de l’eau par l’agro-industrie" et une fragilisation des nappes phréatiques. Les militants écologistes y voient également une démarche polluante.

Chaque année depuis 2019, des rassemblements de plus de 1000 personnes sont organisés dans le département des Deux-Sèvres, théâtre d’un bras de fer entre les "pro" et les "anti" réserves. Les opposants ne s’apaisent pas et annoncent une nouvelle manifestation. "Le 18 août prochain, la méga tracto-vélo (manifestation, ndlr) pour la défense de l'eau s'élancera de Sainte Soline direction Orléans puis Paris pour aller demander des comptes aux décideurs et financeurs qui imposent les méga-bassines", lit-on dans le communiqué de "Bassines non merci". 

Un convoi "joyeux"

Il s’agit d’un convoi auquel prendront part 500 à 1.000 personnes à vélo, accompagnés par des dizaines de tracteurs. Ce "convoi de l’eau" s’acheminera par étapes de 50 à 60 kilomètres de Sainte-Soline le 18 août vers Orléans, avant de se poursuivre vers Paris pour y être le 26 et le 27 août. Une cinquantaine de collectifs écologistes et des sections syndicales de la Confédération paysanne y prendront part, selon "Bassines non merci".

Dans les Deux-Sèvres, la manifestation se rendra sur le chantier de méga-bassines pour "voir son évolution". À Orléans, le convoi se dirigera vers l’agence de l’eau Loire-Bretagne. Une instance qui, selon les protestataires, "décide du financement de ces bassines à 80% avec l’argent public", selon le porte-parole de Bassines non merci, Julien Le Guet. Ils espèrent "signifier à ses administrateurs qu’il n’est pas question qu’un centime de plus serve au démarrage d’un nouveau chantier".  

À Paris, ils promettent un "final surprise" avec un arrêt devant le ministère de l’Agriculture. "Nous irons à Paris demander des comptes au gouvernement dont la politique est plus que jamais au service des intérêts de l'agro-industrie avec pour conséquence la dégradation de nos conditions de vie et des cadres démocratiques, la surveillance et des violences à l'égard des défenseurs de l'eau", lit-on encore.

Julien Le Guet se veut rassurant quant au déroulement de ce convoi. "On est dans une logique de contournement, on n’ira pas face à des barrages de gendarmes s’ils venaient à être établis". Le rassemblement puis le cortège sera "joyeux" avec "des bivouacs, de la musique, des ateliers et des projections de films" au programme.  

Des manifestations très violentes

Les précédentes actions ont été émaillées par de violents affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants. En octobre 2022 dans le même département des Deux-Sèvres, le bilan était d’une trentaine de blessés chez les protestataires et 61 chez les gendarmes. Six personnes parmi les 4.000 manifestants ont été interpellées. Quelques jours plus tard, en novembre de la même année, une autre manifestation, mobilisant 1.500 à 2.000 personnes a débuté calmement avant que d’être perturbée par des heurts.

La mobilisation du 25 mars dernier a toutefois été très violente, avec un bilan très lourd. 200 manifestants ont été blessés, dont 40 graves, selon les organisateurs. Deux manifestants se sont retrouvés dans le coma. Les opposants affirment que 30.000 personnes ont été mobilisées. La préfecture, elle, a annoncé avoir dénombré 8.000 personnes.

Malgré cette manifestation et ses violents affrontements, dénoncés par 16 communes du département, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté, une vingtaine de jours plus tard, les requêtes introduites par les associations de défense de l'environnement contre un arrêté interpréfectoral daté du 22 mars 2022, autorisant la réalisation de 16 retenues dans le sud des Deux-Sèvres, dans la Vienne et en Charente-Maritime. Ces méga-bassines pourront stocker plusieurs centaines de milliers de mètres cubes d'eau. Une décision accueillie avec "satisfaction" par l’État et la société coopérative anonyme de l'eau des Deux-Sèvres, porteuse du projet, a salué une "très bonne nouvelle".

Outre cette décision de justice, le gouvernement avait présenté son "plan eau", favorable à la réalisation des futures méga-bassines mais "conditionnées" à des "changements de pratiques significatifs" de la part des agriculteurs "irrigants", à la concertation des acteurs et à la validation scientifique de ces projets.

"Le Plan Eau du gouvernement, présenté le 30 mars dernier, quelques jours après la mobilisation à Sainte Soline, ne répond pas aux enjeux agricoles, alimentaires et environnementaux. Comme l'affirment de plus en plus de voix scientifiques et citoyennes, ces cratères bâchés remplis par pompage dans les nappes phréatiques sont une mal adaptation au réchauffement climatique", explique encore "Bassine non merci" dans son communiqué.

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