Abandons d'animaux : sanctions, fourrières et refuges, que dit la loi ?
Chaque année, des milliers d'animaux domestiques sont abandonnés sur les routes de France, notamment à l'approche des ponts de mai et des vacances d'été. Selon la loi, ils appartiennent à "une espèce qui a fait l’objet d’une pression de sélection continue et constante (c'est-à-dire qui a fait l'objet d'une domestication, NDLR). Ceci a permis la formation d’un groupe d’animaux qui a acquis des caractères stables, génétiquement héritables"[1]. L’article L. 214-6 du Code rural et de la pêche maritime définit les animaux de compagnie comme "tout animal détenu ou destiné à être détenu par l’homme pour son agrément". Ils font partie des animaux domestiques et sont les premiers touchés par l'abandon.
Les causes d’abandon sont multiples. La première cause concerne les vacances. Chaque année, entre mai et septembre, sont comptés 60.000 abandons de chiens et de chats sur la route des vacances. Elle n’est pas la seule cause d’abandon de l’animal. En effet, les abandons n’ont pas lieu uniquement en période estivale. Ils se poursuivent tout au long de l’année pour diverses raisons. Au départ, le lien se crée facilement face à cet être sensible. On souhaite se faire plaisir en l’accueillant chez soi ou faire plaisir à un proche en lui offrant. Or, l’animal grandit, demande beaucoup de soins et d’attention, mange, tombe malade… Cela occasionne des frais sous-évalués au départ (frais de nourriture, frais vétérinaires, etc.). C’est pourquoi, se séparer de l’animal devient la solution.
La SPA recense différentes causes lorsque l’abandon se fait au refuge avec notamment les changements de situations personnelles ou financières des propriétaires. Par exemple, la perte d’un emploi, l’arrivée d’un enfant, un cadeau encombrant sont des justifications données. Valérie Fernandez, porte-parole de la SPA, parle de "causes malheureusement souvent farfelues" : "Le chien est trop âgé et pue", "Le chien est malade et je n’ai pas envie de m’en occuper, pouvez-vous le garder pour le piquer… ", "Je n’ai plus envie de sortie en plein hiver quand il fait moins 10… ", etc.
L'abandon est défini à l’article L. 211-23 du Code rural et de la pêche maritime: "tout chien abandonné, livré à son seul instinct, est en état de divagation (...)". L'alinéa 2 de cet article dispose qu'"est considéré comme en état de divagation tout chat non identifié trouvé à plus de deux cents mètres des habitations ou tout chat trouvé à plus de mille mètres du domicile de son maître et qui n'est pas sous la surveillance immédiate de celui-ci, ainsi que tout chat dont le propriétaire n'est pas connu et qui est saisi sur la voie publique ou sur la propriété d'autrui ". Par conséquent, abandonner son animal revient au fait de le laisser divaguer, ce qui est strictement interdit [2]. Pour remédier à ce trouble, le propriétaire du terrain lésé a le droit de conduire l'animal au lieu de dépôt désigné par l'autorité municipale. Si l'animal n'est pas réclamé (et c'est le propre de l'animal abandonné) il sera considéré comme abandonné et le maire aura alors plusieurs possibilités. Ainsi, il pourra procéder soit à l’euthanasie, soit à la vente, soit à sa cession à titre gratuit à une association de protection animale reconnue d'utilité publique ou déclarée [3].
Chaque commune a l'obligation de disposer d'une fourrière afin d'accueillir les chiens et chats errants ou en état de divagation [4]. Après un délai franc de garde de huit jours ouvrés, ces animaux sont considérés comme abandonnés et deviennent alors la propriété du gestionnaire de la fourrière. Dans les départements indemnes de rage, il pourra les garder ou, après avis d'un vétérinaire, les céder à titre gratuit à des fondations ou des associations de protection des animaux disposant d'un refuge. Il sera procédé à l'euthanasie des animaux non remis à leur propriétaire à l'issue des huit jours ouvrés dans les départements infectés de rage [5].
Il arrive que les propriétaires d’animaux de compagnie procèdent à l’abandon directement au refuge. De cette manière-ci, ils n’encourent aucune sanction en raison de la légalité de cette forme d’abandon. Ainsi, les refuges accomplissent une réelle mission de service public. Certes, des fourrières-refuges existent dans certaines communes mais elles se font rares. L'objectif n'est pas de légitimer l'abandon des animaux dans la rue mais de mettre l'accent sur le fait que le refuge va faire une partie du travail de la fourrière, souvent sans l'aide directe des deniers publics. Par conséquent la question se pose de savoir s'il ne serait pas souhaitable de demander une compensation financière aux personnes qui abandonnent leur animal dans un refuge ou de leur voir appliquer les dispositions de l'article 521-1 alinéa 9 du code pénal. Mais le risque serait de voir plus d'animaux abandonnés dans les rues, c'est la raison pour laquelle cette compensation devrait provenir des deniers publics.
Selon l'article 521-1, alinéa 9 du code pénal, le fait d'abandonner un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité à l'exception des animaux destinés au repeuplement constitue un délit entraînant une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende. Une atteinte à l'intégrité physique de l'animal n'est pas requise. Par conséquent, l'existence de sévices ou d'actes de cruauté n'est pas nécessaire pour constituer ce délit[6]: un simple délaissement corroboré de la volonté[7] d'abandonner l'animal suffit à caractériser l'abandon [8].
L'abandon des animaux met en exergue le difficile travail des refuges, accomplissant une mission de service public en lieu et place des fourrières, sans avoir l'aide requise des pouvoirs publics.
[1] Instruction NP/94/6 du 28 octobre 1994, dont l'annexe a été modifiée par la Circulaire du 12 octobre 2004 relative à la Liste des espèces, races et variétés d’animaux domestiques (psittacidés, estrildidés, plocéidés, fringillidés, corvidés, turdidés, sturnidés).
[2]Article L. 211-19-1 du Code rural et de la pêche maritime
[3]Article L. 211-20 du Code rural et de la pêche maritime
[4]Article L.211-24 du Code rural et de la pêche maritime
[5]Article L.211-25 du Code rural et de la pêche maritime
[6]Cass. crim., 16 juin 2015, n°14-86.387: JurisData n° 2015-014652
[7]CA Rennes, 1er juin 2016: JurisData n° 2016-012394
[8]Cass. crim., 4 mai 2010 n°09-88.095,2671: JurisData n°2010-007881
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