Affrontements pendant les manifestations : chasse aux casseurs ou violences policières ?
Se fondant dans les cortèges, des soignants apportent les premiers soins: les "street medics" sont reconnaissables à leur brassard blanc surmonté d'une croix rouge. Des professionnels de santé ou simplement des "personnes ayant du bon sens", une fois descendus dans la rue ils sont "militants" d'abord et médecins, infirmiers ou secouristes ensuite, expliquent-ils dans un de leurs communiqués, opposant un silence obstiné aux interrogations des médias.
Dans ces communiqués, les "médecins de rue" recensent une dizaine de blessés "envoyés à l'hôpital" lors de la dernière mobilisation contre la loi travail le 12 mai. Même chiffre évoqué pour les manifestations du 28 avril, suivies d'un 1er mai "particulièrement sanglant" avec "une centaine de blessés" côté manifestants, dont "des cas graves", disent-ils.
Selon eux, la plupart des blessures côté manifestants sont causées par "des violences policières": "tirs tendus" de lacrymogènes ou de grenades désencerclantes provoquant "des plaies plus ou moins profondes en moyenne de la taille d'une pièce de 2 euros", ou encore "coups de tonfa" ou de "boucliers" de la part des CRS et des gendarmes mobiles.
En déplacement à Rennes dimanche, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a admis qu'"il peut y avoir des manquements" de la part des forces de l'ordre. "Face aux manquements je serai intraitable", a-t-il promis.
"Aucun territoire de France n'a vocation à être pris en otage par des activistes violents qui sont très loin des principes, des valeurs et du respect des institutions de la République", a dit le ministre au lendemain de la mise en examen à Nantes d'un jeune manifestant pour tentative d'homicide envers un policier.
Depuis le début des manifestations contre la loi Travail il y a deux mois, 1.300 personnes ont été interpellées, 819 placées en garde à vue et 51 jugées en comparution immédiate et condamnées, a précisé Bernard Cazeneuve. "Il y aura d'autres convocations devant les tribunaux de casseurs."
Pour ce qui peut relever de violences des forces de l'ordre, une trentaine d'enquêtes ont été ouvertes, selon une source policière. L'une d'elles concerne un lycéen de 15 ans, frappé par un policier le 24 mars en marge des manifestations à Paris, et qui a perdu l'usage d'un œil.
Selon l'avocat du jeune homme, Me Arié Alimi, connu pour son engagement contre les violences policières, "les policiers sont clairement venus ce jour-là pour taper les enfants". En atteste, selon lui, une vidéo de la scène visionnée des milliers de fois sur les réseaux sociaux et à l'origine de la dénonciation.
"Les policiers n'ont pas l'habitude d'être sous le regard permanent des caméras et ce phénomène modifie le regard que la société porte sur leur travail", explique à l'AFP Jacques de Maillard, spécialiste des questions policières et directeur-adjoint du Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (Cesdip).
"Ce qui est également nouveau, ce sont les manifestations elle-mêmes, moins organisées, sans service d'ordre en lien avec la police, et violentes. Les policiers n'ont pas trouvé les moyens de contenir ces nouveaux manifestants, nous sommes là devant un maintien de l'ordre qui bute devant des limites professionnelles", analyse-t-il.
Me Alimi va plus loin, parlant d'une "politique de casse du mouvement social" par le gouvernement et d'une "instrumentalisation des personnes les plus violentes" pour décrédibiliser les militants.
Mais les accusations de violences policières révèlent surtout, selon M. de Maillard, l'"incapacité" des policiers à capitaliser sur le mouvement de sympathie né après les attentats de janvier 2015. "Et en se positionnant en victimes comme ils le font pour la manifestation de mercredi +Stop à la haine anti-flic+, ils donnent une image extrêmement corporatiste".
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