Jungle de Calais : les riverains entre soulagement et prudence
"C'est un commencement de soulagement", admet Bernard Fluet, un riverain. Alors que la "Jungle" de Calais est en train d'être rasée, les voisins du plus grand bidonville de France se disent satisfaits même si, prudents, ils attendent "de voir la suite". "Je suis content parce que j’ai dormi les deux dernières nuits... Vous n'imaginez pas ce que ça fait de ne pas être réveillé la nuit parce que les chiens aboient, parce qu’il y a du monde dans la cour. Incontestablement, il n’y a plus" des milliers de migrants à proximité, constate Jean-Philippe Gratien, propriétaire d'un centre équestre que les exilés avaient l'habitude de traverser pour rejoindre l'autoroute.
Mais les autorités "sont allées vite en besogne en disant que c'était terminé" puisqu'il y a "encore des migrants au CAP (Centre d'accueil provisoire, qui héberge les mineurs identifiés, NDLR), à Jules-Ferry (centre d'accueil de jour) et même quelques uns dehors", regrette toutefois cet homme, en jean et converses, dans son écurie. Ce sentiment de travail encore inachevé est partagé par Catherine Ditte, habitante d'une demeure à une vingtaine de mètres du bidonville et dont le grand jardin permettait aux migrants de rejoindre la route sans se faire repérer par les policiers.
"A Calais, les migrants, ça fait 20 ans que ça dure, je suis consciente qu'on ne va pas régler le problème du jour au lendemain, mais je serai vraiment soulagée quand ils seront tous partis", martèle cette femme, qui, "tous les matins" fait le tour de son jardin pour vérifier "que personne ne s'y cache". Selon elle, "la crise migratoire" ne se réglera pas en "évacuant des milliers de personnes d'ici. C'est un problème européen, qui ne peut pas se régler à l'échelle locale", affirme cette femme qui habite dans sa maison depuis 2011, "un coin tranquille pour la retraite", ironise-t-elle. "C'est une satisfaction parce que les migrants sont mis à l'abri et dans le même temps ça va redorer l'image de Calais", espère Antoine, qui vit depuis 60 ans dans sa coquette maison blanche. "Je n'ai jamais eu de problèmes avec eux, mais, parfois, ils se croyaient quand même tout permis, ils bloquaient l'autoroute, c'était inadmissible", ajoute ce vieux monsieur à travers le portail de son pavillon avec ses haies impeccablement taillées. "Enfin... cette situation n'était marrante pour personne", relativise-t-il.
Pour Bernard Fluet, dont la maison bordait la zone sud de la "Jungle" démantelée en mars dernier, "ce sera un soulagement total" dans quelques mois, "quand on sera sûr que les migrants ne reviennent pas". "Je ne suis pas encore entièrement confiant, la nuit, encore, au moindre coup de klaxon, au moindre gyrophare, on est sur le qui-vive", poursuit M. Fluet, dans son jardin parfaitement entretenu. "Au départ, les migrants étaient éparpillés dans le Calaisis, puis, petit à petit, on les a rassemblés en face de chez nous, sans nous demander notre avis!", s'agace-t-il. "Depuis nos fenêtres, on voyait tous les jours les heurts entre les policiers et les migrants", ces derniers "ont même cassé notre muret pour s'en servir de projectiles!", relate encore ce riverain. "Ce qu'on a subi est inimaginable", acquiesce sa femme, Nicole, à ses côtés. "Avec tout ça, notre maison a été dévaluée, elle est même invendable, j'espère qu'elle va maintenant reprendre de la valeur", s'inquiète M. Fluet, avant de pointer du doigt deux jeunes qui passent devant chez lui: "Tiens, voilà encore deux No border", des militants d'ultra gauche, commente-t-il. "C'est certain: ceux qui veulent à tout prix rejoindre l'Angleterre ne vont pas s'éloigner de Calais, il vont se cacher dans un bois, dans des maisons vides" pense un autre voisin, Laurent Magnier, qui regrette le temps où "on pouvait se baigner dans l'étang" situé au milieu de la "Jungle". "Bientôt, peut-être, on verra..."
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