Calais : la Jungle en cours de démolition
Les pelleteuses sont entrées en action ce jeudi 27 au matin pour raser la "Jungle" de Calais, quasiment désertée, mais la zone restait un carrefour de migrants, entre candidats au départ vers des centres d'accueil et ceux bien décidés à passer en Angleterre. La "Jungle", où vingt départs de feu ont eu lieu durant la nuit, selon la préfecture, a commencé à être rasée vers 08h30, a constaté un journaliste de l'AFP. Objectif: faire place nette le plus vite possible pour éviter tout "appel d'air", a expliqué la préfète Fabienne Buccio, car "on a commencé à voir arriver des migrants d'Allemagne, de Paris et d'ailleurs". Ces travaux seront terminés "lundi soir", a ajouté la représentante de l'Etat dans le Pas-de-Calais. Ils se déroulent sous la protection des forces de l'ordre, qui ne laissent plus entrer les migrants dans la "Jungle" mais leur permettent de sortir.
Entre 6.400 et 8.100 personnes y vivaient encore la semaine dernière, principalement venues d'Afghanistan, du Soudan et d'Erythrée. Au total, 6.000 migrants sont "passés par le sas" mis en place lundi 24 au début de l'opération d'évacuation et fermé mercredi soir, selon la préfète. Une grosse pelleteuse accompagnée de deux engins d'évacuation a arraché les abris de la partie ouest du camp, protégée par un cordon de CRS. Un mineur passant par là a été refoulé: "Je dois prendre mes affaires! Mes affaires!" Le policier ne le laisse pas passer. Il repart énervé.
Peu avant le début du déblaiement, une centaine de migrants se sont massés devant le centre de transit. Ils se disent tous mineurs, dans l'espoir d'être accueillis en Grande-Bretagne. Mais ce sas est désormais fermé "et ne rouvrira pas", a martelé la préfète. "Nous n'avons pas vocation à devenir un sas d'entrée vers tous les CAO (centres d'accueil et d'orientation) de France", a insisté Mme Buccio. A l'extérieur du centre de transit, certains ont dormi dehors par grand froid, comme Abdelhadi, Afghan de 16 ans: "J'ai dormi ici, pas dans la +Jungle+, c'est trop dangereux. Et la +Jungle+, c'est fini". S'ils ont pris cette décision, c'est aussi "parce qu'il n'y a pas de place" dans les conteneurs chauffés du Centre d'accueil provisoire (CAP), en bordure de la "Jungle", réservé désormais aux mineurs.
Il contient 1.500 places mais affiche complet depuis mercredi 26 et devant son entrée principale des dizaines de duvets, couvertures et doudounes sont entreposées sur une petite butte: une quarantaine de mineurs ont dormi là... "Une minorité", tempère la préfète. En outre, "68 mineurs" ont été accueillis pour la nuit dans le centre de transit, dormant sur des lits de camp. Vers 09h00, les CRS ont refoulé ces jeunes des abords du hangar. Après avoir été maintenus à distance sous un pont tout proche, les mineurs se sont éparpillés sur le terrain de la "Jungle", en profitant de la levée du barrage des policiers, a constaté une journaliste de l'AFP.
Quelques cars passent encore derrière ce hangar. L'un d'entre eux, ainsi qu'un minibus, sont partis vers 11h00 avec des migrants à bord, qui n'avaient sans doute pas pu partir mercredi. C'était "la dernière proposition" des autorités pour les migrants se trouvant encore sur le site, a expliqué le sous-préfet de Calais Vincent Berton. "Dix bus sont en réserve", a précisé à l'AFP Didier Leschi, directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii). Selon lui, deux autocars transportant des mineurs devaient également partir jeudi matin depuis le CAP vers des CAO pour mineurs en Occitanie et en Bretagne. Mercredi soir, un premier est parti pour la Meurthe-et-Moselle. L'Etat semble vouloir vider au plus vite le CAP.
Beaucoup de migrants se sentent perdus. "Je ne comprends pas : ils ne veulent plus personne sur le camp, mais quand on veut partir, on nous dit que les bus ne prennent plus personne. Tant pis! J'y vais quand même, la +Jungle+, c'est terminé", témoigne Zour, un Afghan de 20 ans. La "Jungle" elle-même ressemblait à une ville fantôme seulement arpentée par quelques mineurs, jonchée de débris et de carcasses d'objets divers après les incendies de mercredi. Quelques migrants ont pourtant dormi là, comme cet Afghan, dans sa caravane: "Je veux aller en Angleterre, je n'ai pas peur de la police", lance-t-il, bravache.
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