La Poste épinglée pour la dégradation des conditions de travail par des experts
Dans cette lettre datée de jeudi, dont l'AFP a eu copie, ces cabinets d'experts (Aptéis, Aristée, Cedaet, Eretra, Ergonomnia, Indigo Ergonomie, Social Conseil, Odyssée) dénoncent "la dégradation des conditions de travail et le mépris du dialogue social manifesté dans les différents secteurs et aux différentes échelles du groupe", parlant d'une "situation préoccupante du fait de la rapide dégradation de l'état de santé des agents".
Ils évoquent une "aggravation de la pénibilité physique", des "cas de suicides", des "situations de détresse individuelle", de "fréquents conflits ouverts entre agents" et "un climat social délétère". En cause, selon eux, les "réorganisations permanentes qui réduisent les effectifs et soumettent les agents à des cadences accélérées", du "courrier au colis, du réseau à la banque", malgré les "recommandations du rapport Kaspar de 2012", après le suicide de deux cadres.
Pour prescrire le travail, affirment encore ces experts, "les directions de proximité" doivent s'appuyer sur des "modélisations statistiques" ne correspondant pas à la réalité du terrain, "qu'elles-mêmes ne savent pas expliquer".
Interrogé par l'AFP, l'un d'entre eux, Nicolas Spire, évoque des "logiciels qui calculent tout à la minute près, sans rapport avec la réalité des tournées des facteurs", qu'il accompagne régulièrement, "une pression permanente, des réprimandes, humiliations". Il décrit "une organisation du travail qui s'est emballée dans ses modes de réorganisation et d'encadrement", parle de "situation proche du cataclysme" qu'il compare à la crise sociale de France Telecom en 2008-2009, touchée par une vague de suicides.
M. Spire se refuse cependant à avancer des chiffres précis sur les cas de suicide, qui restent pour lui la "pointe de l'iceberg", mais il évoque "un taux d'absence en pleine recrudescence, des maladies et des départs".
Les experts accusent aussi la direction de La Poste de refuser le dialogue social, ce qui se traduit par "des grèves dans de nombreux sites", et de faire entrave aux CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et conditions de travail) qui commanditent enquêtes et expertises et "constituent quasiment le seul contre-pouvoir institutionnel".
Interrogée par l'AFP, La Poste dit avoir pris connaissance de cette la lettre "avec beaucoup de sérieux" et vouloir proposer "dès la semaine prochaine" de rencontrer les experts. "La politique de La Poste est de contribuer à la bonne réalisation des expertises votées par les CHSCT et de tenir compte de leurs conclusions", ajoute-t-elle, disant compter "748 CHSCT qui ont demandé la réalisation de 66 expertises en 2015 sur tout le territoire (il y en avait 103 en 2013)". "Sur les huit cabinets d’expertise signataires de la lettre rendue publique ce jour, quatre d’entre eux n’ont réalisé aucune expertise à La Poste en 2015. Les 4 autres ont réalisé 10 expertises locales à La Poste en 2015", conclut-elle.
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.