Lilian Lepère : il raconte ses 8 heures de planque tout près des frères Kouachi (VIDEO)
"Ca va bien. On a repris un train-train quotidien, il faut", a expliqué au Journal de 20h de France-2 lundi Lilian Lepère, trois jours après l'assaut donné par les forces de l'ordre à Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne) contre les deux tireurs de Charlie Hebdo. Ce jeune graphiste de 26 ans est resté caché pendant plus de huit heures sous un lavabo alors que les frères Kouachi avaient investi l'usine dans laquelle il travaille.
A l'arrivée dans l'imprimerie des deux assaillants aux alentour de 9h30 vendredi 9, le jeune homme a juste le temps de se glisser dans un petit meuble sous un évier du réfectoire de l'entreprise. Son patron, Michel Catalano, présent lui aussi sur place, lui a sauvé la vie, estime-t-il avec émotion. C'est lui qui a vu arriver Saïd et Chérif Kouachi armés de kalachnikovs. Michel Catalano se trouve alors nez à nez avec les deux tireurs. Il garde son sang-froid, leur offrant même un café, et soigne l'un d'eux, légèrement blessé, avant que les terroristes ne le laissent partir.
Lilian Lepère reste, lui, caché pendant plus de huit heures dans un meuble de "70 centimètres sur 90, avec 50 centimètres de profondeur", précise-t-il. A plusieurs reprises, il manque de se faire repérer. Dans un espace si étroit, "si on fait un mouvement, d'un côté la porte s'ouvre, de l'autre côté, ça tape dans le mur" raconte-t-il. D'autant plus que le meuble en question est accolé à un mur mitoyen qui donne directement sur le bureau où sont retranchés les frères Kouachi.
Lors d'une irruption d'un des tueurs dans le réfectoire de l'imprimerie situé au 1er étage, "l'un des deux a ouvert le placard juste à côté du mien, dans lequel il n'y avait rien qui l'intéressait, qui se trouvait à 50 centimètres. Je me suis dit: +Il va faire tous les meubles+". Par chance, la porte reste close. L'homme s'approche de l'évier pour s'hydrater. "Je suppose qu'il a dû boire directement au robinet. Il boit juste au-dessus de moi. J'entends l'eau qui coule au-dessus de ma tête, parce que j'ai ma tête collée contre l'évier. Je vois son ombre à travers le petit interstice de lumière de la porte. J'ai le siphon qui fuit dans mon dos, et je sens l'eau qui coule. Un moment surréaliste. Je me suis dit: +C'est comme dans les films+".
Dans ces moments-là, "on ne pense pas à faire le héros", se souvient Lilian Lepère. "On a le cerveau qui arrête de penser, le cœur qui s'arrête de battre, le souffle qui se coupe et on attend, parce que c'est la seule chose à faire".
Au bout de quatre heures en position fœtale, Lilian Lepère se risque à chercher son mobile dans sa poche. "Mon premier réflexe, ça a été de le mettre en silencieux, sachant que toute la journée, des gens essaieraient de me contacter", raconte-t-il.
Une fois le téléphone en main, le jeune graphiste envoie quelques SMS à ses proches. Certains sont à côté des forces de l'ordre. S'il ne voit rien, Lilian Lepère entend et donne au GIGN "des éléments tactiques, comme sa position à l'intérieur des locaux, à la cellule négociation".
Au bout de plus de huit heures d'attente, l'assaut est donné. Lilian Lepère sera escorté à l'extérieur du bâtiment et pris en charge par un médecin car "très choqué". Le jeune homme n'a pas eu la force de défiler dimanche mais "était de tout cœur avec tous ces gens", a-t-il affirmé.
(Ci-dessous l'interview de Lilian Lepère au Journal de 20h de France-2):
Lilian Lepère, rescapé des frères Kouachi... par francetvinfo
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