"Omar m'a tuer" : en France, l'inlassable combat d'un jardinier marocain pour prouver son innocence
30 ans après le meurtre de Ghislaine Marchal pour lequel il a été condamné, Omar Raddad, un jardinier marocain compte sur les progrès vertigineux de la preuve ADN pour obtenir une révision de son procès, après un premier refus cuisant de la justice en 2002.
La défense du jardinier, désigné comme coupable par la fameuse inscription "Omar m'a tuer" tracée avec le sang de la victime, va déposer jeudi une requête en ce sens, ramenant en pleine lumière une des plus retentissantes affaires criminelles françaises depuis trois décennies, à l'origine de nombreux livres et d'un film.
Un élément central, la faute de grammaire dans la phrase "Omar m'a tuer", est pratiquement entrée dans le langage courant. Elle a été reprise dans d'autres contextes et est régulièrement détournée. Par exemple dans un livre sur l'ancien président Nicolas Sarkozy intitulé "Sarko m'a tuer" ou lorsque fait florès le mot-dièse #homardmatuer lors d'un polémique politicienne en 2019.
Le recours, rarement couronné de succès en matière criminelle, s'appuie sur un nouveau rapport où il est fait une découverte majeure.
Quatre empreintes génétiques correspondant à quatre hommes non-identifiés - deux ADN parfaitement exploitables et deux autres partiellement - ont été trouvées sur deux portes et un chevron de la scène du crime. Sur ces deux portes avait été écrit "Omar m'a tuer" (sic) et "Omar m'a t".
- 35 traces -
Dans ce rapport rendu en 2019, l'expert Laurent Breniaux, relevant 35 traces de cet ADN dans l'inscription "Omar m'a t", concluait en faveur de l'hypothèse d'un dépôt de ces empreintes au moment des faits, et non d'une "pollution" ultérieure, notamment par les enquêteurs.
En d'autre termes, selon la défense d'Omar Raddad, il est plausible que ces traces génétiques aient été déposées par l'auteur de l'inscription. Celle-ci n'aurait donc pas été écrite par Mme Marchal agonisante mais par un homme, potentiellement le meurtrier, cherchant à désigner un bouc émissaire.
Pour Me Sylvie Noachovitch, qui a succédé au célèbre pénaliste Jacques Vergès dans la défense du jardinier, il s'agit bien d'"éléments nouveaux susceptibles de faire naître un doute sur la culpabilité" du condamné, condition requise pour obtenir de la Cour de révision qu'elle ordonne un nouveau procès.
Ce n'est pas la première fois qu'Omar Raddad tente cette demande. En janvier 1999, de nouvelles expertises graphologiques et génétiques avaient été ordonnées.
Elles avaient écarté la graphologie comme élément déterminant de l'enquête et avaient mis au jour un ADN masculin "en très faible proportion", différent de celui de M. Raddad.
De quoi faire naître un doute sur sa culpabilité, justifiant de saisir la Cour de révision.
Mais le 20 novembre 2002, la Cour rejettait la demande d'un nouveau procès estimant qu'"il est impossible de déterminer à quel moment, antérieur, concomitant ou postérieur au meurtre, ces traces ont été laissées".
Pour la défense du jardinier, le rapport de 2019, profitant des avancées scientifiques, balaye cette conclusion rendue à l'époque des balbutiements de la preuve ADN.
"La révision en 2002 ne tenait qu'à un fil et ce fil ne tient plus aujourd'hui: c'est historique", s'enthousiasme Me Noachovitch.
Agé de 58 ans, Omar Raddad, qui vit désormais à Toulon, "est toujours très handicapé par cette histoire qui l'a laissé dépressif" et en arrêt maladie longue durée, "mais il a repris espoir", confie-t-elle.
Condamné en 1994 à 18 ans de réclusion, sans possibilité de faire appel à l'époque, Omar Raddad avait bénéficié d'une grâce partielle du président Jacques Chirac, puis d'une libération conditionnelle en 1998.
"Pour moi malheureusement, sept ans, deux mois et huit jours derrière les barreaux, il est trop tard pour me les rendre", avait déclaré Omar Raddad en 2008, après une rencontre avec la ministre de la Justice pour plaider sa cause.
"Mais pour la vérité, il n'est jamais trop tard. Le combat continue. Je combattrai jusqu'au dernier jour de ma vie", avait-il ajouté.
Les révisions de condamnations pénales restent rares en France dans les affaires criminelles: depuis 1945, une dizaine d'accusés seulement ont bénéficié de leur vivant d'une révision et d'un acquittement après un nouveau procès.
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