Six légionnaires tués dans une avalanche à Valfréjus : l'armée pointée du doigt

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 29 janvier 2016 - 20:47
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Une avalanche en montagne.
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©Denis Balibouse/Reuters
Le risque d'avalanche était marqué. (Image d'illustration).
©Denis Balibouse/Reuters
Une dizaine de jours après l'avalanche qui a coûté la vie à six légionnaires à Valfréjus, en Savoie, le manque d'information des militaires est designé comme l'une des causes du drame. Ce dernier est survenu alors que le risque d'avalanche était marqué.

Expédition "suicidaire" ou fatalité ? Les professionnels de la montagne s'interrogent sur les responsabilités de l'armée dans l'avalanche qui a tué six légionnaires à Valfréjus (Savoie). Mais tous pointent le manque d'information des militaires comme une des causes du drame.

"Ils sont entrés dans une combe où il n'y avait pas la moindre trace. C'était l'endroit où il ne fallait pas aller. Se jeter ainsi dans la gueule du loup, c'est criminel", tempête l'un d'eux, qui a participé aux secours le 18 janvier.

Ce jour-là, 51 militaires du 2e régiment étranger de génie (REG) de Saint-Christol (Vaucluse) remontaient le col du Petit Argentier (2.599 m) en ski de randonnée quand 18 d'entre eux ont été emportés par une coulée de neige. Six légionnaires de 21 à 33 ans sont décédés, un des bilans les plus meurtriers de ces dernières années.

Le drame est intervenu alors que le risque d'avalanche était "marqué" et que les précipitations et le vent avaient accumulé de fortes quantités de neige dans cette combe raide en face nord.

"J'ai deviné le scénario cinq minutes avant que ça arrive: je me suis dit ça va être un massacre", se souvient ce professionnel qui souhaite garder l'anonymat. Le temps qu'il appelle les pisteurs de la station et il était déjà trop tard: l'avalanche était partie. Pour lui, "on n'est pas dans la fatalité mais dans l'erreur humaine caractérisée".

Régis Tuaillon, pisteur-secouriste de la station, avait tenu des propos similaires au Dauphiné Libéré juste après le drame: "c'était suicidaire de partir dans un endroit pareil, surtout à cinquante à la queue leu leu".

L'attitude des militaires est aussi critiquée par le directeur de l'Agence nationale pour l'étude de la neige et des avalanches, qui avait envoyé un message de prudence trois jours avant le drame: "il y avait tous les voyants pour que ça parte. Des erreurs ont été commises dans le choix de l'itinéraire qui n'était pas adapté pour une sortie à cinquante", estime Dominique Létang, qui a longtemps été secouriste en montagne.

Initialement, les légionnaires devaient monter au sommet du téléphérique de Punta Bagna (2.731 m) par un itinéraire beaucoup moins exposé, a indiqué le lieutenant-colonel Franck Bouchayer, de la 27e Brigade d'infanterie de montagne dont dépend le 2e REG, à Libération.fr.

Mais quelles que soient les raisons du changement, le col du Petit Argentier "est un itinéraire de randonnée habituel, à deux pas de la station", assure Alain Duclos, guide de haute montagne et expert en avalanches pour les tribunaux.

"Les gens du coin savent que cette combe peut partir en entier mais ces pauvres militaires, eux, ne sont pas censés le savoir. Or, ce qui a fait l'hécatombe, c'est l'ampleur inattendue de l'avalanche", ajoute-t-il.

Selon un secouriste, l'avalanche s'est décrochée sur 400 mètres de large et 250 mètres de dénivelé.

Autre caractéristique à prendre en compte: "la spécificité des contraintes militaires", avance Blaise Agresti, ancien commandant du peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Chamonix. Les légionnaires "doivent être en capacité de se déplacer en nombre" mais "en montagne, le risque est souvent lié à l'effet de nombre", souligne-t-il.

En outre, la charge de travail des armées (interventions à l'étranger, opération Sentinelle, etc.) est "incompatible avec une pratique régulière de la montagne", selon lui. "Les encadrants n'ont plus le temps de pratiquer la montagne régulièrement. Ils font le minimum syndical", estime Blaise Agresti.

Tous les professionnels s'accordent cependant à dire que les légionnaires auraient dû demander conseil aux locaux, qui leur auraient vivement déconseillé leur itinéraire.

Le parquet d'Albertville a ouvert une enquête en recherches des causes de la mort et attend le rapport d'un expert en nivologie, d'ici au 18 mars, pour décider de la suite. "S'il y a une faute, elle sera poursuivie quelle que soit la qualité des personnes concernées", assure une source judiciaire. Le parquet militaire de Lyon serait alors compétent.

Contactée par l'AFP, l'armée n'a pas souhaité s'exprimer.

 

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