Terrorisme : face au risque de tueries de masse, les CRS adaptent leur doctrine d'intervention
Les "CRS qui attendent dans leur camion, ça c'est fini. Le maintien de l'ordre de la place de la République à Paris, ce n'est pas le gros de notre activité", explique le commandant Daniel Olie.
C'est lors des émeutes de Villiers-le-Bel en 2007 que les CRS comprennent qu'ils ne peuvent plus se cantonner à leur fonction initiale. Ils sont pris sous des tirs d'armes de guerre, de plus en plus fréquentes dans les quartiers. Dès 2013, ils mettent alors en place une nouvelle doctrine, devenue incontournable depuis les attentats de Paris.
Lors de la prise d'otages de l'Hyper Cacher en janvier 2015, ce sont eux qui se sont positionnés en premier, en attendant les unités spécialisées (Raid, GIGN, BRI). En novembre 2015, "ce sont des CRS qui sont intervenus au Stade de France, puisque nous étions là comme toujours pour sécuriser les abords du stade", rappelle le commandant Patrick Henri.
Les CRS ont deux avantages. Ils sont nombreux - 8.000 actifs dans le maintien de l'ordre en France - alors que les unités d'intervention spécialisées se limitent à quelques centaines d'hommes. Ensuite, ils sont présents sur tout le territoire et sur tous les gros événements, de la petite manifestation à la Cop21, la réunion internationale sur le climat.
Or, dans une tuerie de masse, ce sont les premières minutes qui comptent.
"S'il y a une tuerie de masse en cours, c'est une urgence absolue. Donc, on intervient. Si c'est une prise d'otages, on sécurise et on attend le Raid ou le GIGN", poursuit le commandant.
Mais pour être efficaces, les quelque 1.500 hommes des sections de protection et d’intervention des CRS, dits SPI de 4e génération, doivent être formés à ce type d'interventions et aux premiers secours à prodiguer aux blessés. Ils le seront tous d'ici fin mai, avant l'Euro de football.
Cette semaine, c'est au tour des SPI de Roanne et Poitiers de passer au centre de formation de Sainte-Foy-lès-Lyon. Jeudi, ils ont clos l'apprentissage par un exercice grandeur nature devant quelques journalistes : une opération de communication destinée à changer le regard de la population sur les CRS, plus connus pour leur matraques et leur boucliers.
Désormais armés de fusils d'assaut HK G36, de gilets pare-balles et de casques capables d'essuyer des tirs de kalachnikov, de boucliers balistiques souples et de matériels de secours, les policiers progressent vers un bâtiment où une tuerie fictive est en cours.
"Appui", crient-ils à tour de rôle pour progresser entre deux fumigènes. "Soulève ton sweat ! Montre tout ! Enlève ton tee-shirt ou je te tire dessus", hurle l'un des CRS à une pseudo-victime qui part en courant. Parmi les victimes qui s'échappent peuvent en effet se trouver des assaillants. Alors si le fuyard ne s'arrête pas aux injonctions, la procédure est claire: le CRS tire.
Là est la difficulté. Lorsqu'il s'agit de missions de maintien de l'ordre, tout repose sur la hiérarchie et l'organisation pyramidale. Là, c'est l'inverse, avancer vers l'inconnu nécessite que le commandement soit déconcentré.
Les responsables ne cachent pas que les CRS ont été "un peu dubitatifs" au début, face à cette nouvelle doctrine décidée avant les attentats de 2015. "Ce type d'exercice est dur physiquement, pour la respiration. Tu as toujours le fusil levé", explique Arnaud Chabbert.
Lui a totalement intégré la nécessité de cette formation, compte tenu du risque d'attentats. Venant de la compagnie de Roanne, il est très rarement chez lui (une semaine sur trois) et passe beaucoup de temps à sécuriser les lieux sensibles, l'aéroport de Lyon en ce moment.
C'est d'ailleurs une autre spécificité des CRS qui sont, avec les gendarmes mobiles, les seules unités à sillonner la France.
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